« Peu après la loi du 8 août 1962 relative aux groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec), le ministre de l’Agriculture Edgard Pisani avait dit que l’agriculture avait besoin de l’agriculture de groupe. L’ambition était de réunir des petits agriculteurs pour qu’ils aient globalement une structure plus grande », raconte Lionel Manteau, avocat honoraire au barreau de Compiègne.

Presque 60 ans après, 162 000 exploitations ont adopté la forme sociétaire selon le dernier recensement agricole de 2020. Un chiffre en constante augmentation (voir le tableau). Un succès qui a tardé à se dessiner. « La question qui était posée juste après la loi de 1962 était de savoir si les agriculteurs allaient adopter le Gaec. Malgré des intérêts, le monde agricole n’a pas trop opté pour ce type de formule juridique. Il n’était pas encore prêt à s’associer », constate Lionel Manteau.

Un succès à partir des années quatre-vingt

C’est dans les années quatre-vingt que le Gaec va finalement trouver son public grâce notamment au schéma du Gaec familial. « C’est une sorte de dévoiement de la formule, car il n’est pas la réunion d’exploitations. Le Gaec devenait ainsi un outil de transmission entre les générations âgées et les jeunes générations d’une même famille. Cela a été un énorme succès qui ne s’explique pas par une évolution de la loi mais par le comportement du monde agricole qui s’est adapté », explique l’avocat honoraire.

C’est aussi dans les années quatre-vingt que naît un autre type de société dédié spécifiquement au secteur agricole. La loi du 11 juillet 1985 créé l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) pour assurer notamment la séparation des patrimoines privés et professionnels et permettre l’adoption d’un statut social pour le conjoint d’exploitant alors que les Gaec entre époux restaient encore interdits. Cette forme sociétaire particulière qui peut être constituée que d’un seul associé est majoritaire aujourd’hui, même si plusieurs de ces représentantes ont été transformées en Gaec après la loi d’avenir du 13 octobre 2014.

Une opération qui avait notamment un intérêt économique pour les EARL entre époux. Bénéficiant ainsi du principe de transparence propre aux Gaec totaux (Gaec où les associés mettent en commun l’ensemble de leurs activités agricoles), les associés de ces structures pouvaient ainsi bénéficier des aides économiques comme les exploitants à titre individuel et voir ainsi leurs montants d’aides grimper. C’est notamment le cas pour les aides de la Pac soumises à un seuil et un plafond comme le paiement redistributif aux 52 premiers hectares ou l’ICHN.

Aujourd’hui, les schémas se diversifient. Suivant différentes stratégies et des schémas d’organisations plus ou moins complexes, des exploitations optent de plus en plus pour d’autres formes sociétaires comme les sociétés civiles d’exploitation agricole (SCEA) ou des sociétés commerciales comme les sociétés anonymes (SA) ou les sociétés à responsabilité limitées (SARL). Pour preuve, leur nombre a triplé entre 1988 et 2020.