Bien avant la signature du traité de Rome de 1957, encore plus ancien que la création de la Pac, les accords Gatt étaient signés à Genève en 1947. Celui qui signifiait en français « Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce » sera le point de départ d’une multitude de négociations commerciales qui ne laissèrent pas longtemps l’agriculture épargnée.

Thierry Pouch, chef économiste à Chambres d'agriculture France identifie une première incursion au moment de la création de la Pac. « Il y a une date clé, c’est le cycle de négociation de Dillon en 1961-1962, concrétisation de la tolérance des États-Unis vis-à-vis de la création de la Pac avec une contrepartie : l’ouverture du marché commun aux tourteaux de soja américains exonérés de droits de douane » note-t-il.

Punta del Este, la bascule

Après cela, l’Europe put tranquillement muscler son agriculture derrière de solides barrières douanières, loin des multiples négociations internationales. Mais cette parenthèse prit fin en Uruguay en 1986 comme l’explique Thierry Pouch.

« A l’exception de dossiers très techniques, il n’y a pas eu de négociation au Gatt pour le dossier agricole. Il a fallu attendre 1986 pour que les États-Unis l’imposent dans les discussions. C’était assez logique puisque les États-Unis perdaient des parts de marché qu’ils ont imputées à l’Union européenne (UE) et à sa Pac. »

Dans ce huitième et dernier cycle de négociation du Gatt, la pression s’accentue pour que l’UE abandonne sa politique de soutien aux exportations agricoles. Plusieurs autres pays emboîtent le pas des Américains. Australie, Nouvelle-Zélande ou Canada entre autres, connus sous le nom de groupe de Cairns, vont eux aussi faire pencher les négociations.

Les États-Unis et l'Europe se mettront finalement d’accord en novembre 1992 à Washington, ce qui permettra la signature des accords de Marrakech de 1994. Thierry Pouch apporte de son côté une autre lecture de ces évènements. « Le blocage des négociations de l’époque pris fin en partie grâce à la Pac de 1992. L’UE a été obligée d’apporter cette réforme pour débloquer le cycle de l’Uruguay » souligne-t-il.

Ainsi naquit l’OMC

Ce cycle de négociations exceptionnellement long ayant pris fin, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) put voir le jour en 1995. Très rapidement, les logiques commerciales sont bouleversées pour les filières agricoles européennes. « Pour la France, il y a eu un retournement de tendance très net à partir 1996-1997 sur la volaille par exemple » évoque Thierry Pouch.

« Avec l’ouverture du marché européen, en plus de la diminution des subventions à l'export, nous sommes devenus importateurs » précise-t-il. Pourtant, les nouvelles ne seront pas toutes mauvaises pour le vieux continent. Dès le début des années 2000, il parviendra à passer devant le rival américain comme premier exportateur de produits agricoles mondial. Comme un pied de nez.