Les menaces économiques qui planent sur les producteurs de maïs
Réunis pour le congrès de l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM), les maïsiculteurs ont échangé sur l’enjeu de la compétitivité de leurs exploitations, dans un contexte de tensions géopolitiques et de distorsions de concurrence.
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Les 18 et 19 novembre 2025 à Orléans s’est tenu le congrès du maïs, l’évènement annuel des maïsiculteurs organisé par l’AGPM, l’Association générale des producteurs de maïs. Les préoccupations économiques de la filière se sont particulièrement démarquées au cours de ces deux jours.
Des baisses de surfaces
« Le moment qui nous occupe, producteurs de maïs, est difficile, a lancé le président de l’AGPM, Franck Laborde. Nous vivons depuis plus d’un an des baisses de surfaces, notamment sur les maïs spéciaux, des baisses de prix, des baisses de produits bruts pour les productions contractuelles, et des baisses de rendements parfois. »
À cela s’ajoutent « des perspectives » sur la scène internationale peu réjouissantes, qui amène Franck Laborde à « douter d’un avenir prospère » pour le maïs français. Les termes employés, tant par le président de l’AGPM que par les différents intervenants, relèvent du même champ lexical de la guerre : « arsenalisation », « menace », « offensive », ou encore « combat ».
Le Mercosur, « c’est non »
C’est d’ailleurs un combat « féroce » qui se joue actuellement sur le dossier du Mercosur. Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, après avoir rencontré le matin même Emmanuel Macron, a rappelé la ferme opposition du syndicat sur cet accord entre l’Union européenne et les pays du Mercosur.
« À la question : est-ce qu’on peut trouver un deal ou une voie de passage ? J’ai clairement répondu non au président de la République », a assuré Arnaud Rousseau.
L’accord, tel qu’il est proposé aujourd’hui par la Commission européenne, présente selon lui beaucoup de lacunes : des clauses de sauvegarde qui ne sont pas à ce jour retenues par les pays du Mercosur, des mesures miroirs fragiles sur le plan juridique et « le sujet » de l’union douanière et de son manque de contrôle.
Pour réussir à « contrecarrer » le processus de signature, il faudrait « une minorité de blocage » qui représente 35 % de la population européenne, explique Arnaud Rousseau. Un vote des États membres serait prévu les 18 et 19 décembre prochains à Bruxelles, dans le cadre d’un sommet des chefs d’État. Les eurodéputés seraient appelés à voter à la fin de janvier ou au début de février 2026 : « Ça va se jouer à 10 à 15 voix sur un peu plus de 700 députés », estime Arnaud Rousseau.
La « menace » ukrainienne
L’Ukraine fait elle aussi office de « menace » pour le maïs, en particulier pour la filière des semences. Les importations en provenance de l’Ukraine ont fortement progressé ces trois dernières années, depuis la mise en place de l’équivalence au système d’inspection par l’Union européenne.
Sur la campagne de 2023-2024, « la France a importé près de 800 000 doses, devenant ainsi le principal débouché des semences Ukraine au sein de l’Union européenne », chiffre l’AGPM. Cette progression des importations a eu pour conséquence d’accentuer les baisses de surfaces observées ces deux dernières campagnes en France et dans l’Union européenne.
Pour Franck Laborde, la réponse à court terme pour se protéger de ces importations est un « combat fort », justifié par la perturbation du marché, contre l’équivalence. Depuis sa mise en place, l’AGPM réclame l’activation d’une clause de sauvegarde. À plus long terme, l’enjeu est de maintenir la filière semencière à des niveaux de surfaces et de création de valeur ajoutée équivalents à ceux de ces dix dernières années. « Nous sommes très en risque, à court et à long terme, si nous n’y mettons pas les moyens nécessaires », insiste Franck Laborde.
« Plus ouvert » à l’innovation
Ces moyens de production sont nécessaires à toutes les autres filières du maïs, afin de maintenir leur compétitivité respective. L’AGPM s’est félicitée d’une avancée majeure récente, celle de l’irrigation avec son inscription comme « intérêt général majeur » dans la loi Duplomb au travers de la loi d’orientation agricole (LOA). Cette loi prévoit aussi « l’obligation de recourir aux études socio-économiques avant toute décision administrative », ajoute Franck Laborde.
Néanmoins, sur d’autres moyens de production, le chemin à parcourir semble encore long. C’est le cas de l’innovation et du progrès génétique. « Aux États-Unis, le rendement moyen en maïs est de 120 q/ha contre 90 q/ha en France », illustre Jacques Groison, directeur général d’Arvalis.
« Si on regarde les courbes de progrès de ce rendement ces 50 dernières années, les États-Unis ont été en progression constante, poursuit-il. Nous les avons suivis durant 20 à 25 ans puis le rendement français a décroché. » Pour lui, l’explication se trouve dans les choix politiques de la France, différents des États-Unis, notamment en matière d’OGM.
Jacques Groison appelle tout de même à rester « optimiste » sur la capacité d’innovation de la France. « Il faut juste peut-être essayer de moins appliquer notre fameux principe de précaution […], être un peu plus ouvert à l’innovation et faire confiance à la science. Nous avons raté le train des OGM, ce serait dommage de rater celui des NBT. »
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