Mercosur : la France compte encore sur la minorité de blocage
Tandis que l’accord UE-Mercosur continue de susciter de fortes réticences dans le monde agricole, l’Élysée revendique toujours une approche en deux temps : obtenir des garanties substantielles de Bruxelles tout en œuvrant à la construction d’une coalition européenne, encore fragile.
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La position française sur l’accord UE-Mercosur n’a pas varié d’un iota, a tenté de convaincre le gouvernement, chahuté par une mobilisation agricole organisée en marge d’un déplacement du président de la République à Toulouse (Haute-Garonne) le 12 novembre. À quelques semaines du Conseil européen, prévu le 19 décembre, Emmanuel Macron a rappelé sa stratégie lors d’une réunion avec une délégation de représentants du monde agricole (FNSEA, Jeunes Agriculteurs, Confédération paysanne, Coordination rurale) : arracher des concessions à la Commission européenne, tout en poursuivant la construction d’une minorité de blocage au Conseil, qui tient à un fil.
« À ce stade, l’accord ne nous va pas », a martelé le chef de l’État, réitérant une ligne de conduite maintenue depuis plusieurs mois. Pas question pour autant de rejeter frontalement le texte, explique à La France Agricole une source proche du dossier. L’opposition de principe, avec une France isolée, serait selon elle inefficace et stérile : elle ne suffirait pas à bloquer l’accord et risquerait de laisser l’agriculture française sans aucune garantie. « Ce n’est pas ça qui protégera l’agriculture française », prévient-elle.
Trois demandes sur la table
Paris a transmis à la Commission européenne un triptyque d’exigences. D’abord, une clause de sauvegarde sur la partie économique permettrait d’actionner un « frein d’urgence si jamais un effet déstabilise les marchés ». Deuxième volet : les mesures miroirs, particulièrement sur les limites maximales de résidus (LMR) des pesticides, et les additifs autorisés dans l’alimentation animale. Enfin, l’application optimale de ces garanties via un renforcement des coordinations sur les contrôles aux importations et les contrôles sur place. « Il y a des avancées ces dernières semaines, assure l’entourage présidentiel. La Commission s’est engagée à mettre quelque chose sur la table. »
Des signaux encourageants émergent également d’Amérique du Sud, car tant le président argentin Javier Milei que son homologue brésilien Luiz Inácio Lula da Silva ont indiqué « comprendre » les préoccupations françaises, promettant « une réponse d’ici à la fin de l’année ». « Jusqu’à présent, ce n’était pas leur position », glisse-t-on à l’Élysée.
Pour autant, rien n’est acquis. « Est-ce qu’au final ça sera 100 % de ce qu’on demande ? Est-ce que ça permettra de faire ratifier cet accord ? C’est beaucoup trop tôt pour le dire », tempère notre source. La France attend désormais « les retours de la Commission » pour « négocier des choses qui nous conviennent » et, le cas échéant, « n’hésitera pas à voter contre ».
Une minorité de blocage à 0,34 %
En coulisses, Paris poursuit son action diplomatique pour constituer une minorité de blocage au Conseil. Mais l’exercice relève de l’équilibrisme. « La dernière fois qu’on avait fait les comptes, ça se jouait à 0,34 % », confie toujours notre source proche du dossier. Autrement dit, un seul absent, et la minorité de blocage s’effondre.
Cette fragilité s’explique par l’incertitude pesant sur plusieurs capitales. L’Italie « tiendra-t-elle jusqu’au bout » ou « lâchera-t-elle dans la dernière ligne droite » ? Les Pays-Bas, qui s’abstenaient avant sur le sujet, maintiendront-ils cette position avec leur nouveau gouvernement ? Autant d’inconnues qui rendent fragile cette coalition de circonstance.
L’Élysée poursuit toutefois cette double stratégie. « L’idée de la minorité de blocage n’est pas du tout abandonnée », assure-t-on. Mais contrairement à une opposition de principe, il s’agit de fédérer « une position constructive qui demande des garanties complémentaires ». Car se contenter de « voter contre » en restant « tout seul », « peut-être avec les Hongrois et les Irlandais », ne serait « pas suffisant pour bloquer l’accord », insiste l’Élysée.
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