Michel-Édouard Leclerc appelle les parlementaires à l’aide
Auditionné à l’Assemblée nationale sur la perte de souveraineté alimentaire en France, le président du comité stratégique E. Leclerc estime qu’il faut « redéfinir une nouvelle politique agricole ».
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Après Thierry Cotillard d’Intermarché, Alexandre Bompard de Carrefour ou encore Jean-Paul Bigard, Michel-Édouard Leclerc s’est présenté le mardi 4 juin 2024 devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Interrogé sur les raisons de la perte de souveraineté alimentaire française, le président du comité stratégique E. Leclerc a rejeté toute responsabilité de son enseigne, appelant les élus à trouver la solution.
Prix planchers, une idée « incongrue » selon E. Leclerc
« Nous sommes bien attentionnés, nous sommes volontaristes », a scandé à plusieurs reprises Michel-Édouard Leclerc, avant de rappeler ses positions aux parlementaires. Concernant Egalim, il assure n’avoir jamais été contre. « Nous avons dénoncé des incohérences, mais nous sommes évidemment pour que les agriculteurs vivent de leur métier le mieux possible. » Toutefois, souligne-t-il, « nous pensons qu’il y a plusieurs types d’agriculture, donc nous avons un doute sur le fait de tout refourguer dans une même loi ».
Durant les quinze minutes qui lui étaient imparties pour se présenter, Michel-Édouard Leclerc a également tenu à parler de prix. Selon lui, « un producteur doit connaître son prix, […] mais il y a quelque chose d’assez incongru dans l’idée de mettre des prix minimums », justifiant ses propos par le fait qu’un prix « ne fait pas une rémunération s’il n’y a pas de vente ». Une manière de rappeler le rôle indispensable des distributeurs dans la chaîne alimentaire.
Interrogé ensuite sur la répartition des marges dégagées par son enseigne avec la majoration de 10 % du seuil de revente à perte (SRP + 10), le chef d’entreprise a déploré que cette mesure ait été mise en place sans sollicitation des distributeurs. Il estime qu’elle a abouti à une hausse de 6 % des prix des produits d’entrée de gamme dans son enseigne. « Les foyers les plus modestes ont encore été touchés », a-t-il regretté.
Michel-Édouard Leclerc répond à Agnès Pannier-Runacher
Au micro de RMC le 20 février 2024, la ministre déléguée à l’Agriculture et à la Souveraineté alimentaire a accusé le distributeur de contourner la loi Egalim en installant sa centrale d’achat Eurelec en Belgique. « On a créé nos alliances avant Egalim, donc ne parlons pas d’évasion », s’est défendu Michel-Édouard Leclerc devant les députés.
« C’est étonnant qu’on fasse procès à Leclerc d’être en Belgique alors que les mêmes ministres demandent aux municipalités d’ouvrir les appels d’offres à l’Europe, alors qu’Air France s’appelle Air France KLM, etc. »
Il a ajouté : « Notre modèle économique nous permet d’être moins chers. On s’est rendu compte que les pouvoirs publics parfois, les parlementaires parfois aussi, nous laissaient vendre moins cher, mais sans nous donner la capacité d’acheter au meilleur prix. Le passage par l’Europe a donc été une bouffée d’air. »
« On n’est pas forcément responsable » des difficultés de certaines filières
Michel-Édouard Leclerc l’assure, « le bilan est bon au niveau patriotique et chaque magasin est invité à travailler avec ses acteurs locaux dans un rayon de 100 kilomètres ». Et d’illustrer ses propos de quelques chiffres : « Entre 95 % et 100 % des viandes fraîches bovines sont françaises, avec 177 000 bovins abattus chaque année à Kermené, en Bretagne. 100 % des viandes fraîches porcines sont également françaises, soit 2 millions de porcs abattus par an en Bretagne. »
Toutefois, lui fait préciser une élue, ces pourcentages concernent les produits des marques du distributeur et non du total des produits commercialisés en magasins.
Concernant la filière des fruits et légumes, le bilan est le même. « Il y a 75,5 % des fruits et légumes, hors fruits exotiques, qui sont d’origine France, dont 99 % de cerises, de poireaux et d’endives. 96 % des pommes et pommes de terre sont françaises. Cela concerne le vrac et les marques d’enseigne », précise-t-il cette fois-ci.
Quant à l’effort à fournir pour aider un certain nombre de filières des fruits et légumes en difficulté, le patron français répond qu’ « on est déjà mieux que les cantines, la restauration et l’industrie. Attend-on vraiment de nous que nous nous substituions aux organisations de producteurs ? Nous sommes face à des problèmes de logistique dont nous ne sommes pas forcément responsables. Le chemin à faire n’est pas vraiment de notre côté », assène-t-il.
« Vous devez nous aider, vous élus »
Au total, Michel-Édouard Leclerc a rejeté la responsabilité de son enseigne dans la perte de souveraineté en France, appelant les parlementaires à prendre leur part.
« Pour redonner sa valeur à l’alimentation, il faut peut-être parler moins du coût que de sa qualité. Aujourd’hui, dans le discours syndical et politique, on ne parle que du coût. Tout le monde aime son agriculture, mais il faut payer. C’est un vrai enjeu. Je demande à ne pas laisser que sur nos épaules la réponse à cette question. »
Et de conclure. « Il faut libérer de la place dans le budget pour une alimentation plus saine, plus vertueuse et plus locale. Il faut redéfinir une politique agricole, assure-t-il. Sortons des rivalités interprofessionnelles. Et vous devez nous aider, vous élus, à travailler ensemble. »
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