Après les représentants syndicaux, les présidents d’interprofessions ou les représentants d’institutions en lien avec l’agriculture et l’alimentation, c’était au tour de Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, de se présenter devant les députés de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la France, le mardi 4 juin 2024.

La pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine ont montré que « la chaîne alimentaire française et européenne tenait bon et que nous sommes capables de garantir l’approvisionnement alimentaire de nos concitoyens », estime le ministre. Mais cette période a aussi été révélatrice des « fragilités » de certaines filières comme la volaille et a constitué une « prise de conscience » sur la notion de souveraineté, en particulier agricole.

Si une bonne partie des filières reste pour l’instant souveraine, le ministre de l’Agriculture observe une forme de « crainte pour le futur ». En cause, l’instabilité géopolitique en raison de la guerre en Ukraine et le dérèglement climatique : « Il provoque une stabilisation, voire une diminution des productions » à cause des aléas climatiques. Ces dernières années, « ce qui a massivement impacté les productions, c’est la sécheresse, le gel, la grêle. Sécheresse, gel, grêle : c’est le réchauffement climatique », martèle le ministre.

Plan de souveraineté par filières

C’est pourquoi « il ne faut pas opposer agriculture et environnement, mais il n’y aura pas de transition si elle n’est pas juste », tempère Marc Fesneau en référence aux assouplissements des conditionnalités environnementales pour percevoir les aides de la Pac européenne à la suite des manifestations agricoles.

« Si on veut atteindre la souveraineté, on ne peut pas mettre en concurrence les agriculteurs européens », assure le ministre, qui plaide pour une harmonisation des règles européennes en « évitant la surtransposition nationale » dans un objectif de défense d’une « stratégie européenne » sur le marché extérieur.

Face aux difficultés des filières, la première réponse réside dans la réduction de « la dépendance à certains produits importés » et dans le fait d'« être attentif à la réciprocité » des normes des différents États, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union européenne (UE).

Dans ce cadre, le ministre, qui a dans son portefeuille la « souveraineté alimentaire », rappelle les « plans de souveraineté des filières » qui sont mis en place par le gouvernement : la stratégie protéines, le plan de souveraineté de fruits et légumes, le plan de souveraineté élevage renforcé, le plan blé dur, ou encore le plan engrais « en cours d’élaboration ». Ce dernier sera présenté « à l’automne ».

Marques distributeur et restauration collective

La souveraineté passe aussi par le renforcement d’Egalim, assure Marc Fesneau, en s’appuyant sur la mission parlementaire en cours évaluant la série de lois visant rééquilibrer les relations commerciales dans l’alimentaire. D’après le ministre, il faut s’assurer de la bonne effectivité de la « marche en avant » des négociations, d’abord entre le producteur et l’industriel, puis avec la grande distribution pour avoir un prix basé à partir d’indicateurs de coûts de production.

Différentes filières comme la viande bovine, les fruits et légumes et les grandes cultures ne sont pas concernées par les lois Egalim, par choix des interprofessions Mais il faudrait pouvoir réfléchir à élargir son champ d’application, selon Marc Fesneau.

Pour lui, l’élargissement des acteurs concernés doit aussi être réfléchi à l’aval, comme pour les marques de distributeur et la restauration collective. Car la grande distribution ne concerne « que 60 % » des écoulements de produits agricoles. Le ministre s’interroge aussi sur le nombre et l’existence même de date de négociations. Toutes ces questions devraient être éclaircies par les résultats de la mission parlementaire sur le sujet, espère Marc Fesneau.

Les élections européennes s’invitent

Pendant près de trois heures d’audition, le ministre a défendu la stratégie du gouvernement dans la recherche de la souveraineté en répondant aux questions des députés de la commission.

La venue de sept membres du ministère n’a pas manqué de faire réagir le rapporteur de la commission d’enquête, Grégoire de Fournas (RN), qui a rappelé l’absence de « questions pièges ». Une présence justifiée par la volonté « qu’on vous réponde précisément », a rétorqué le ministre.

À quelques jours des élections européennes, le climat était tendu avec les députés du RN de la commission, en particulier sur les questions des frontières nationales, du protectionnisme et du plan Ecophyto. L’absence d’étude d’impact de ce plan était notamment critiquée par le rapporteur. Inutile, pour le ministre car le plan est une « trajectoire » sans contraintes contrairement à une loi.

Harmonisation des normes environnementales, clauses miroirs, Egalim européen… Les eurodéputés qui rejoindront le parlement de Strasbourg à l’issue des élections européennes du 9 juin devront trancher ces questions, fondamentales, pour la souveraineté agricole française et européenne.