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Pas de surmarges « systématiques » sur les produits bio ou de qualité

Nombre de produits biologiques ont été déréférencés lors de la crise du bio.

Un rapport de l’Inspection générale des finances et du CGAAER remis aux parlementaires à la mi-mars constate une absence de surmarges de la grande distribution, sur les produits bio et de qualité. Il observe toutefois un déréférencement inquiétant de ces produits.

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Cela fait partie des soupçons les plus tenaces envers la grande distribution. Profite-t-elle de l’inflation pour gonfler ses marges sur les produits commercialisés sous signe d’identification de la qualité et de l’origine (Siqo), bernant l’agriculteur et le consommateur ?

Alors que différentes associations (UFC-Que Choisir, Foodwatch, Familles rurales, et l’Association nationale des consommateurs et usagers) alertaient sur les « surmarges » réalisées par les industriels, l’Inspection générale des finances et le CGAAER (1) dressent un constat tout autre.

Il n’y a pas de « tendance systématique » à augmenter les marges sur les produits sous signe de qualité ou produits en agriculture biologique (AB), estiment les deux institutions. Ces dernières ont rendu un rapport étudiant « la possibilité de la mise en place d’un encadrement des marges des distributeurs sur les produits sous Siqo afin qu’elles ne puissent pas être supérieures aux marges effectuées sur les produits conventionnels ».

« Logique de péréquation »

Comment expliquer alors certaines différences flagrantes de prix entre celui payé aux producteurs et celui dans les rayons des magasins ? L’Inspection générale des finances et le CGAAER les justifient par une « logique de péréquation propre à chaque enseigne ». En baissant leurs marges sur des produits d’appel, les distributeurs trouvent leur équilibre en augmentant celles sur des produits moins consommés.

« Il semble que la pratique des “paniers anti-inflation”, constitués pour une large part de produits de marque de distributeur, ait accentué la péréquation au détriment d’autres produits », souligne le rapport. Et de constater une « péréquation [qui] jouait aussi fréquemment en faveur qu’en défaveur des produits sous Siqo étudiés ».

La « pratique d’établir les marges en pourcentage de la valeur d’achat » conforte le soupçon de surmarges. Car « un taux de marge sur un produit sous Siqo, même s’il est égal au taux appliqué à son équivalent conventionnel, génère une marge supérieure en valeur », observent les rapporteurs.

Le taux de marges est pourtant la pratique usuelle en matière commerciale. Cette différence entre le taux de marge et son montant, explique notamment les résultats d’une des études d’UFC Que-Choisir, dont les constats sont « globalement cohérents » mais dont la « présentation a indéniablement orienté le débat ».

Manque de données

Pour autant, le CGAAER et l’IGF nuancent leurs résultats à cause du manque de données dont ils disposent pour mener leur enquête. Ainsi, l’OFPM (Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires) ne dispose pas d’un échantillon représentatif des produits sous Siqo et ne « permet pas de conclure quant aux marges sur ces produits ».

Pour mener l’analyse comparative, l’IGF et le CGAAER ont donc réalisé leurs propres échantillonnages à partir du marché de Rungis : pour le bio, neuf fruits et légumes et du lait, et pour les signes d’identification de la qualité et de l’origine non bio, trois produits sous label rouge avec des équivalents conventionnels.

À l’avenir, les deux institutions recommandent « que les moyens soient donnés à l’OFPM pour analyser les marges concourant au prix de quelques produits sous Siqo particulièrement significatifs » face au manque de données. Le rapport demande un « effort de transparence » sur les marges grâce à la formation de données par l’OFPM, l’Insee, les acteurs des filières et les instituts de recherche.

Le déréférencement, problème occulté

À défaut de recommander un encadrement des marges, le rapport pointe la problématique du déréférencement des produits bio et sous signe d’identification de la qualité et de l’origine, soulevée plusieurs fois lors des entretiens avec les producteurs. Pire, l’encadrement des marges pourrait se répercuter par un déréférencement accru, juge le rapport.

« Dès lors qu’un dispositif d’encadrement des marges sur les produits sous Siqo viendrait restreindre sa liberté d’en fixer le prix, l’enseigne, qui n’est pas tenue de les vendre, pourrait logiquement s’adapter pour maintenir sa rentabilité en restreignant son offre. »

Dernière possibilité, le CGAAER et l’IGF proposent de stimuler la demande des produits sous Siqo en s’appuyant notamment sur les politiques de filière, sur la commande publique et sur la priorité […] que les consommateurs donnent aux produits français, voire locaux.

Deux parlementaires ont justement été chargés d’évaluer les problématiques pour une meilleure rémunération des agriculteurs et d’apporter des propositions d’ici à l’été. Parmi les pistes évoquées, un élargissement du champ d’application d’Egalim vers la restauration hors domicile.

(1) Conseil général de l’alimentation de l’agriculture et des espaces ruraux

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