Après avoir annoncé lancer un travail sur des prix planchers, Emmanuel Macron pourra s’inspirer de l’expérience des acteurs du commerce équitable.
Depuis que la loi sur l’économie sociale et solidaire a défini légalement en 2014 le commerce équitable français, les acteurs de ce marché commencent à avoir une solide expérience dont ils veulent faire profiter le gouvernement. Ces derniers ont des arguments à faire valoir, eux qui manient au quotidien les « prix planchers », « prix équitables » ou « prix minimum garantis ».
« C’est extrêmement complexe »
« Dans les réactions sur les prix planchers, nous avons entendu des critiques disant que c’était difficile avec la différence de coûts de production d’un territoire à l’autre ou d’une ferme à l’autre. C’est différent évidemment mais dans le commerce équitable, nous avons justement plus de dix ans d’expérience sur le sujet », martèle Julie Stoll, déléguée générale de l’association Commerce équitable France, qui compte comme membres des acteurs français du commerce équitable comme le label Agri-Éthique qui existe depuis 2013.
Ludovic Brindejonc, directeur général de ce dernier, avertit sur la difficulté de fixer des prix planchers et estime que des leçons peuvent être tirées des acteurs qui les pratiquent. « Bâtir un prix plancher, c’est extrêmement complexe. On ne pourra pas arbitrairement définir un prix plancher sans aller sur le terrain et sans échanger avec les producteurs pour définir les différentes méthodologies. » Rappelant l’importance des contrôles pour s’assurer que le modèle fonctionne, Ludovic Brindejonc invite le gouvernement à s’appuyer sur des labels comme Agri-Éthique qui ont une expertise en la matière. Les contrôles ne pourront pas être assurés par la DGCCRF (service de la répression des fraudes) « compte tenu de leurs moyens limités », selon lui. « Des membres du ministère de l’Économie sont venus nous voir pour savoir comment nous faisions », ajoute-t-il.
Pas toujours facile de capter l’attention du ministère de l’Agriculture
Lui en revanche attendait toujours le 1er mars 2024 la visite du ministère de l’Agriculture sur son stand pour faire valoir le modèle du lait équitable vendu sous la marque de producteurs FaireFrance. Jean-Luc Pruvot, éleveur et président de la marque, est aussi convaincu que son expérience peut être utile. « Ce qui serait bien, c’est que nous participions à l’élaboration du prix plancher et de sa méthode de calcul. Nous l’avons déjà fait », argue-t-il, alors que la marque FaireFrance rémunère ses éleveurs à hauteur de 56 centimes d’euros par litre de lait. Malgré de nombreuses sollicitations, il peine à avoir l’oreille du ministère de l’Agriculture. Le signe pour lui que le gouvernement « n’a aucune volonté de payer le prix correct aux éleveurs ».
Si l’association Commerce équitable France assure de son côté rencontrer les ministères « régulièrement », « le ministère de l’Agriculture n’a jamais donné 1 € pour la structuration du commerce équitable en France », regrette Julie Stoll. Une attention du gouvernement que veut aussi capter l’ONG Max Havelaar France avec son label Fairtrade. « Sécuriser la matière première agricole, nous savons faire », estime son directeur général, Blaise Desbordes. Arguant de trente ans d’expérience sur le marché du commerce équitable de produits d’origine de l’hémisphère Sud, l’ONG s’est ouverte aux agriculteurs français depuis trois ans en commençant par les filières du lait et du blé.
Quasi impossible pour les fruits et légumes
C’est aussi dans le lait que la marque de consommateurs « C’est qui le patron ? ! », qui propose des « produits équitables en soutien aux producteurs », a commencé à se déployer. « La meilleure façon de protéger les producteurs, c’est une rémunération fixée par ces derniers », explique son fondateur, Nicolas Chabanne. Il est en revanche dubitatif sur la fixation de prix planchers dans la filière des fruits et légumes. « C’est quasi impossible. Ces productions sont soumises à beaucoup trop d’aléas climatiques ou de production », estime-t-il.