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Renouvellement du glyphosate : pas de restriction d'usage supplémentaire

Au niveau national, toutes les autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits contenant du glyphosate devront être réexaminées.

La Commission européenne a annoncé son intention de renouveler la matière active pour 10 ans. La France a déclaré qu’elle poursuivra sa propre stratégie, et que les usages actuels seraient maintenus.

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La Commission européenne aura finalement tranché seule… Le 16 novembre 2023, celle-ci a annoncé qu’elle procéderait « au renouvellement de l’approbation du glyphosate pour une période de 10 ans, sous réserve de certaines nouvelles conditions et restrictions ».

En effet, faute de majorité qualifiée obtenue entre les États membres en Comité d’appel (1), c’est à elle que revient désormais de prendre la décision. Celle-ci devra être finalisée avant le 15 décembre 2023, date d’expiration de la période d’approbation actuelle du glyphosate dans l’Union européenne.

Abstention de la France

Peu après cette annonce, le ministère de l’Agriculture a déclaré que la France s’était abstenue pour ce second vote, comme quelques autres États membres (voir l’encadré ci-dessous). Lors de son déplacement en Bretagne les 16 et 17 novembre, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau s’est justifié : « nous avons proposé de restreindre les usages là où on peut le faire et éventuellement d’évoluer sur la durée […]. Nous ne sommes pas d’accord avec la position de la Commission : c’est ce qui a motivé le vote d’abstention de la France ».

La position de la France est, en effet, de limiter les usages dès que des alternatives sont disponibles et de prendre en compte les situations d’impasse. Cette stratégie est d’ailleurs déjà adoptée dans le pays : depuis 2020, le glyphosate est interdit lorsqu’il peut être substitué par une solution non chimique. Il est, dans les autres cas, soumis à des conditions d’usage.

Maintien de l'approche française

Cette approche à la française, le Gouvernement compte la poursuivre : « partout où on aura la capacité à s’en passer, on s’en passera. Tant qu’il y aura des situations d’impasse, comme en Agriculture de conservation des sols par exemple mais pas seulement, il y aura une autorisation d’usage », a assuré Marc Fesneau. Le ministre n’a pas donné davantage d’informations à ce sujet.

La Commission européenne devrait quant à elle rester sur des mesures proches de son projet initial, avec pour seule interdiction à effet immédiat l’utilisation du glyphosate pour la dessiccation.

Le reste semble laisser davantage de flexibilité aux États membres, qui auront pour obligation de « définir des mesures d’atténuation des risques pour garantir la protection des organismes ciblés et de l’environnement ». Des taux maximaux d’application pourraient être également fixés sur les produits, sauf s’il est prouvé l’absence « d’effets inacceptables ». Enfin, les firmes phytosanitaires devront « soumettre des informations sur les éventuels impacts indirects sur la biodiversité dans un délai de 3 ans ».

Réexamen des autorisations de mise sur le marché

L’instance européenne a aussi rappelé que les États membres restaient responsables de l’autorisation nationale des produits. En effet, une fois l’agrément renouvelé, chaque agence sanitaire nationale devra réexaminer l’ensemble des autorisations de mise sur le marché (AMM). Les États membres auront la possibilité de « restreindre » les utilisations « s’ils l’estiment nécessaire », a ajouté la Commission.

Interrogé le 21 novembre par La France Agricole pour savoir si des usages du glyphosate seront retirés, le ministère de l'Agriculture a répondu « non ». « Les usages actuels correspondent au travail mené par l'évaluation comparative faite en 2018-2020 en France », a-t-il ajouté.

D’une manière plus générale sur les produits phytosanitaires, Marc Fesneau a tout de même précisé qu’il était nécessaire d’anticiper sur d’autres molécules. « On voit bien qu’il y a des matières actives dont les autorisations vont être renouvelées. On ne sait d’ailleurs pas toujours si les firmes vont demander qu’elles le soient […]. Il faut regarder toutes les alternatives pour réduire les usages » a-t-il souligné.

Pas de surtransposition

Pour plusieurs organisations agricoles, l’annonce de la Commission est une bonne nouvelle. Ainsi, la FNSEA salue une décision « qui a fait le choix du respect de la science ». Néanmoins, les risques de surtranspositions de réglementations et de distorsions de concurrence inquiètent le syndicat. « La balle est maintenant dans le camp de la France […] pour définir dans notre pays les conditions d’application de cette décision » indique-t-il. Le syndicat appelle ainsi au respect de l’engagement tenu part la Première Ministre Élisabeth Borne lors du dernier salon de l’agriculture.

La Coordination rurale rejoint cet avis et espère qu’après l’absence de vote par le ministre de l’Agriculture en faveur du renouvellement, « qu’aucune mesure de surtransposition ne soit prise ».

Recours en justice

Les organisations opposées au renouvellement du glyphosate ont, de leur côté, vivement critiqué la décision de la Commission ainsi que l’abstention de la France. Ainsi, la Confédération paysanne considère cette décision comme étant « une erreur monumentale » et juge le procédé « scandaleux ».

Certains représentants politiques se sont aussi exprimés, comme le député européen Christophe Clergeau : « s’abstenir sans proposer d’alternative c’est laisser la Commission européenne décider seule et donc laisser passer sa proposition inacceptable », a-t-il dénoncé.

Les associations environnementales ont aussi été nombreuses à réagir, à coups de communiqués et conférences de presse. En France, la coalition Secrets Toxiques (2) a annoncé son intention de saisir la Cour de Justice de l’Union européenne pour porter un recours en annulation. La prédominance des études industrielles et l’absence d’études sur les formulations complètes constituent la base de leur argumentaire. « Nous sommes en présence d’une illégalité manifeste » sur la manière dont a été menée l’évaluation européenne, a assuré leur avocat Guillaume Tumerelle.

Au niveau européen, l’organisation PAN Europe (Pesticide Action Network) a également indiqué vouloir « contester la décision en justice ».

(1) Le premier vote du 13 octobre s’était soldé par une majorité non qualifiée. Un Comité d’appel s’est donc constitué pour un second vote.

(2) Elle regroupe près de 80 organisations membres, dont Générations Futures.

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