« En Bretagne, sans glyphosate, on ne sait pas faire sans remettre en cause l’agriculture de conservation des sols (ACS). On sait réduire son utilisation, diminuer les doses mais en zéro glyphosate, on ne pas tenir un système en semis direct », affirme Olivier Manceau, directeur de l'innovation et de la production à la chambre régionale d’agriculture.
400 adventices par m²
La problématique du désherbage est très forte dans la région. Le climat océanique, avec une absence de gel en hiver, des températures douces et une pluviométrie répartie sur toute l’année, favorise la levée des mauvaises herbes. À titre de comparaison, quand on dénombre 40 mauvaises herbes au mètre carrré dans la Beauce, on en trouve 400 au m² en Bretagne.
Depuis 2019, la chambre régionale d’agriculture a lancé des travaux pour trouver des alternatives au glyphosate (projet Rasta (1)), en ciblant l’agriculture de conservation des sols (ACS). Depuis les années 2000, une partie des parcelles de la station expérimentale de Kerguehennec, à Bignan dans le Morbihan, est exploitée en ACS. Des essais y sont réalisés, permettant de comparer une conduite en semis direct avec glyphosate (essai 1, photo ci-dessus) et sans glyphosate (essai 2, photo ci-dessous). Ont été implantés, dans le cadre de la rotation : colza (2020), blé (2021), maïs (2022), orge de printemps (2023).
Impasse technique
Le colza n’a pas levé en raison de dégâts de ravageurs. Et depuis, les parcelles connaissent des problèmes de salissement Agrostis stolonifera (agrostide stolonifère). Cette année, après la récolte d’orge, un premier couvert (phacélie, tournesol, sarrasin) a été implanté à la fin de juillet pour gérer le salissement, suivi d’un deuxième (seigle forestier) à la mi-octobre.
« Sur l’essai 1, l’application de glyphosate a permis de nettoyer la parcelle par rapport aux graminées vivaces, et de supprimer les repousses d’orge. On constate les premières levées de seigle. L’implantation d’un blé aurait été possible, explique Yvon Lambert, de la chambre d’agriculture. Sur l’essai 2, nous sommes dans une impasse technique en matière de gestion du salissement en intercultures pour le contrôle des vivaces. »
« Dans ces conditions, il est impossible d’implanter un blé, reprend Olivier Manceau. Pour réduire son utilisation, il existe des leviers techniques comme l’allongement de la rotation (de 4 à 6 ans), et l’utilisation de davantage de couverts végétaux. Mais il faut du temps pour que le système se mette en place. On peut s’en passer partiellement, en utilisant d’autres produits phytos ou par un retour au travail du sol superficiel ou un labour occasionnel, donc une remise en cause de l’ACS. »
« Le maintien de l’agriculture de conservation est un enjeu majeur compte tenu de son impact sur la biodiversité, sur le stockage du carbone, sur les consommations de GNR et la réduction de l’utilisation de produits phytos », estime Olivier Manceau. Le zéro glyphosate est donc un vrai dilemme !
(1) Recherche d’alternatives et solutions techniques sans glyphosate en ACS.