« Les salariés ont été complètement oubliés de la crise » agricole
Présents au Salon de l’agriculture, les syndicats de salariés dénoncent une absence de prise en compte des salariés par le gouvernement lors de la crise agricole.
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Des salariés agricoles invisibles. Que ce soit du côté de la CFTC Agriculture, de la CGT, ou de la CFDT Agri-agro, le constat est le même pour les syndicats de salariés au Salon de l’agriculture. Lors des mobilisations massives d’agriculteurs, le gouvernement a cherché des réponses du côté des syndicats de chefs d’exploitation, sans songer à inviter ceux qui représentent un million de contrats par an dont 200 000 salariés agricoles en CDI.
Dans d’autres secteurs, ne pas intégrer les syndicats de salariés dans les discussions, « ce serait inconcevable ! » s’insurge Cyril Chabanier, président de la CFTC. Les leaders politiques, qui arpentent le hall 4 du Salon, dédié aux institutions et organisations du secteur agricoles, ne font que passer devant le stand.
Cette attitude a le don d’énerver les représentants du syndicat. « La population de chefs d’exploitation ne fait que baisser. Aujourd’hui sans le million de [contrats de] salariés agricoles, on aurait du mal à produire », s’exclame Dominique Boucherel, vice-président de la branche agriculture à la CFTC.
Cette main-d’œuvre nécessaire, peine à se faire reconnaître et à attirer de nouveaux salariés. Or, la simplification administrative, promise par Gabriel Attal, Premier ministre, et confirmée par le président de la République, « ne va pas rendre le métier plus attractif ! » assure Cyril Chabanier.
Le TO-DE, « trappe à précarité »
Assouplissement de l’allongement des horaires de travail proposé par le Premier ministre, élargissement du dispositif TO-DE, les « cadeaux » donnés aux agriculteurs pour endiguer la colère se sont faits sur le dos des salariés, affirme la CFTC. Le TO-DE qui ne s’applique qu’aux contrats inférieurs à 119 jours et juqu’à une rémunération de 1,25 Smic, est une « trappe à précarité », dénonce Gaël David, conseiller économique de la CFDT Agri-agro. Ces exonérations sont d’autant plus mal vues, qu' « il n’y a pas de contrepartie », d’après Sylvain Vernier, forestier et adhérent à la FGTA-FO, sur le stand du syndicat.
« Les salariés ont été complètement oubliés de la crise, mais vraiment complètement », ajoute Richard Roze, responsable de la coordination agriculture au sein du syndicat. La FO-FGTA a d’ailleurs envoyé un courrier au ministre de l’Agriculture pour demander un rendez-vous.
« Pendant un certain temps, le gouvernement a eu un tête-à-tête avec la FNSEA », dénonce Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT interrogée par La France Agricole. Dans un processus déjà « déséquilibré », l’absence d’invitation de salariés, « ne nous étonne pas du tout, on est complètement invisibilisés du débat public ».
« Métier en tension »
Le 21 février 2024, Gabriel Attal a annoncé que l’agriculture serait déclarée comme « métier en tension ». Les syndicats de salariés voient là le risque d’un nivellement vers le bas des conditions de travail avec des salariés prêts à accepter des conditions de travail moindres, étant habitués à des situations de précarité et à une moindre connaissance du droit du travail.
Pour trouver de la main-d’œuvre, « il faut augmenter les droits, pas les abaisser », fustige Cyril Chabanier. « Les exonérations patronales doivent être liées aux conditions de travail, à l’environnement et au revenu », plaide Luc Angles, directeur de la fédération agriculture de la CFTC.
La CFTC propose aussi d’encourager la formation des chefs d’exploitation aux ressources humaines. Contactés, les cabinets du Premier ministre et du ministre de l’Agriculture n’ont, pour l’instant, pas expliqué les raisons de l’absence des syndicats de salariés dans les discussions.
Alors qu’un rendez-vous est fixé trois semaines après le Salon avec les syndicats de chefs d’exploitations (FNSEA, Coordination rurale, Confédération paysanne et Modef), de nouveau, « les syndicats de salariés ne sont pas invités ! » s’insurge Cyril Chabanier. Et pourtant, « l’agriculture de demain se fera avec les salariés, c’est factuel », assure Gaël David.
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