« La colère qui s’exprime depuis plusieurs mois traduit le ras-le-bol des paysans, le trop-plein de normes, de paperasses… une accumulation, a assuré Paul Renault, agriculteur retraité, président de Solidarité Paysans Bretagne le 21 février lors d’une conférence de presse à Rennes (Ille-et-Vilaine). Les agriculteurs en difficulté eux aussi ont besoin de simplification. »

Des situations parfois inextricables

Les problèmes qui s’enchaînent, la complexité des procédures peut amener très vite à des situations inextricables. Comme l’agriculteur qui ne peut plus payer son centre de gestion pour faire sa comptabilité, et va subir en conséquence une taxation d’office des impôts et des charges sociales avec des majorations le faisant chuter encore plus. Sans déclaration de ressources, pas non plus d’accès aux droits sociaux pour la famille (allocation au logement, bourse, RSA…).

« Les situations comme celles-là sont nombreuses », selon Solidarité Paysans Bretagne, qui a traité 380 cas en 2023, dont 18 % des personnes vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Fort de son expertise d’accompagnement, le réseau Solidarité Paysans a identifié 50 mesures pour faciliter le redressement des exploitations et soutenir les agriculteurs en difficulté. Elles s’articulent autour de trois axes.

1. Soutenir le redressement des exploitations

L’association réclame la suppression des limitations d’accès aux aides pour les entreprises en difficulté, notamment en période d’observation. « C’est la double peine ! estime Paul Renault. Trop souvent les échéanciers de paiement de la MSA ne sont pas suffisants. Nous demandons à pouvoir les allonger à huit ans. » Solidarité Paysans demande aussi le maintien des procédures collectives agricoles au tribunal judiciaire, et l’adaptation de leur coût à la taille de l’entreprise.

2. Simplifier l’accès aux droits sociaux

Soutenir le revenu du foyer est primordial pour l’association. « Or les procédures d’instruction au RSA sont inadaptées au domaine agricole avec quelquefois près d’un an avant le traitement du dossier. Des semaines d’attente très longues… » poursuit Elisabeth Chambry, directrice de Solidarité Paysans Bretagne. L’association demande l’exemption des agriculteurs allocataires du RSA des 15 heures d’activités par semaine « dans une profession où les heures travaillées sont déjà conséquentes » et « au risque de voir des personnes ne pas le réclamer ».

3. Agir contre la fracture numérique

« Il ne faut pas confondre simplification et dématérialisation, estime Christine Étienne, bénévole de l’association. La simplification doit se faire pour les agriculteurs, mais pas à leur détriment. C’est une source de stress pour beaucoup d’exploitants, et notamment les plus fragiles. Nous demandons la possibilité de faire des dossiers papier. Les personnes touchées par la fracture numérique doivent être accompagnées (service gratuit en préfecture, moyens pour les associations). »

L’association dénonce, par ailleurs, « le mirage de la détection du mal-être » issu du plan gouvernemental sur la prévention, « trop souvent vécue comme une violence », privilégiant pour sa part plutôt « une démarche volontaire ».

« Il s’agit de mesures simples et peu coûteuses » à mettre en place, assure Paul Renault. L’association les portera, au travers de son réseau, auprès des parlementaires et des élus de tous les départements dans les semaines à venir. « Alors que l’agriculture connaît une crise des vocations, notre objectif est aussi d’aider les agriculteurs qui veulent rester dans le métier », conclut le président.