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La réforme du chômage a altéré le vivier de saisonniers agricoles

Cent mille saisonniers agricoles travaillant entre trois et six mois dans l'année ont vu leurs indemnités de chômage se réduire de l'ordre de 34 à 23 euros par jour après la réforme de l'assurance chômage de 2019-2021.

La réforme de l’assurance chômage de 2019-2021 devait encourager le retour à l’emploi. Elle a eu des effets collatéraux sur certains saisonniers agricoles.

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Cent mille saisonniers agricoles travaillant entre trois et six mois dans l’année voient leurs indemnités chômage réduire de l’ordre de 34 à 23 euros par jour après la réforme de l’assurance chômage de 2019-2021. Gros employeur de saisonniers, le secteur agricole doit intégrer cette nouvelle donnée de l’emploi. Un rapport du CGAAER, le cabinet de conseil interne au ministère de l’Agriculture vient de rendre public son analyse des effets de l’assurance chômage sur l’emploi agricole, conduite entre mars et décembre 2022.

La réforme de l’assurance chômage a été mise en place entre novembre 2019 et décembre 2021. Dans un contexte de reprise de l’emploi, son intention était, d’un côté, d’inciter au travail en réduisant les alternances emploi-chômage, et de l’autre côté, de limiter le recours par les entreprises aux contrats courts dont l’excès pénalise le financement global de l’assurance chômage. Plusieurs mesures en ce sens ont été prises par décret depuis 2019.

Nouvelles règles de calcul

Deux d’entre elles concernent le potentiel de saisonniers employables en agriculture : les conditions d’accessibilité à l’assurance chômage et le calcul de l’allocation de retour à l’emploi. Avant la réforme, un salarié pouvait solliciter ses droits s’il avait travaillé quatre mois dans les 28 mois. Depuis, ces conditions ont été changées en « avoir travaillé six mois dans les 24 mois ». De plus, les nouvelles règles de calcul des droits, changées en octobre 2021, affectent les travailleurs saisonniers qui connaissent des périodes récurrentes non travaillées. L’exercice d’une seule activité saisonnière dans l’année peut conduire à une baisse de l’indemnité.

Les simulations de Pôle Emploi montrent un effet sur environ 100 000 saisonniers qui cumulent des activités entre trois et six mois.

Les saisonniers agricoles sont donc potentiellement bien concernés par cette réforme. Selon le recensement de 2020, la production agricole emploie un total de 75 600 équivalents-temps plein sous statut de saisonniers. Bien sûr, le nombre de personnes concernées est plus élevé puisque, par définition, un saisonnier travaille moins longtemps qu’un temps plein sur l’année. On les trouve principalement dans les exploitations de cultures permanentes ou dans le maraîchage. Sur la décennie, la tendance s’oriente plutôt vers un moindre recours aux contrats courts pour privilégier les contrats longs, voire les prestations ou l’intérim.

Cent mille saisonniers concernés

Reste à quantifier les effets de cette réforme. Les auteurs de l’étude ont été perturbés par les périodes de neutralisation de la réforme pendant la crise du Covid. Ils pensent que les effets se feront vraiment sentir à partir de 2023. Toutefois, ils tentent un raisonnement théorique. Les 500 000 personnes qui menaient des activités de très courte durée, comme les vendanges, la récolte du muguet, la castration du maïs, ne sont pas perturbées par la réforme puisqu’elles n’étaient pas indemnisées dans ce cadre auparavant. De l’autre côté du spectre, les 80 000 saisonniers avec des contrats de plus de six mois ne sont pas affectés par la réforme.

En revanche, les simulations de Pôle Emploi montrent un effet sur environ 100 000 saisonniers qui cumulent des activités entre trois et six mois. La baisse de l’aide au retour à l’emploi est conséquente : entre 32 et 24 euros par jour.

Permittence

Ce n’est pas une surprise puisque c’était le levier que voulait actionner la réforme pour lutter contre la « permittence », un système très pragmatique qui combine emploi court, chômage, heures supplémentaires et primes. Mais les conséquences ne sont pas forcément celles que ses initiateurs envisageaient. Les auteurs de l’étude rapportent les témoignages d’employeurs qui rencontrent des actifs qui demandent dès à présent des durées de contrat plus longues et déclinent les contrats courts, la durée du contrat venant compenser la baisse de l’aide au retour à l’emploi. De même, le recours aux heures supplémentaires est désormais totalement intégré comme un complément du revenu de départ. Comme les employeurs agricoles font part de difficultés croissantes de recrutement, leur position devient délicate pour les refuser.

Solution territoriale

Enfin, le rapport du CGAAER liste les moyens à la disposition des employeurs pour limiter le recours aux emplois courts. La plupart sont déjà connus, si ce n’est généralisés : les groupements d’employeurs, l’intérim (peu présent en agriculture — 1 % des ETP — mais en progression), le nouveau CDI intermittent expérimenté depuis 2016, l’aménagement du temps de travail. Toutefois, les auteurs suggèrent à la profession agricole deux innovations sociales qui pourraient participer à résoudre leurs difficultés : structurer une fonction « ressources humaines », y compris pour les petites exploitations en la mutualisant ; et privilégier une approche territoriale pour les recrutements en agriculture.

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