Les points de friction de la proposition de loi Duplomb
En amont des débats parlementaires en plénière qui vont ouvrir le 26 mai 2025, les prises de position se multiplient chez les organisations agricoles et les ONG.
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La proposition de loi visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », — autrement appelée loi Duplomb — n’en finit pas de diviser. Le texte sera discuté en séance publique à l’Assemblée nationale à partir du lundi 26 mai 2025. Date à laquelle la FNSEA a promis de nouvelles actions pour protester contre le détricotage du texte par les députés en commission. Dans le Nord, à l’appel de la FDSEA des actions de blocage des autoroutes ont eu lieu le 19 mai ainsi qu’en Occitanie.
La Coordination rurale a, quant à elle, qualifié le texte arrivant en séance de « catastrophe pour notre agriculture ». Elle invite les députés à « adopter [ses] propositions d’amendements, notamment pour infléchir la position de la commission du développement durable qui propose un moratoire de dix ans sur les réserves d’eau ». Le syndicat prévoit de rencontrer « l’ensemble des parlementaires sur le terrain » le 23 mai 2025 pour faire remonter ses revendications.
La France Agricole vous propose de revenir sur les trois sujets qui fâchent. Certains points ont notamment été exposés par le Collectif nourrir dont fait partie la Confédération paysanne, lors d’une conférence de presse le 21 mai 2025. La Confédération paysanne a, de son côté, plusieurs fois exprimé son rejet du projet de loi.
1. Dérogations à l’utilisation de produits phytosanitaires
La Coopération Agricole soutient à nouveau dans un communiqué du 19 mai 2025 le besoin d’autoriser « les moyens de protection des plantes, par ailleurs autorisés en Europe », en particulier pour les filières qui « se retrouvent en distorsion de concurrence et sont menacées de disparaître ». Si elle salue « le pragmatisme de la commission des affaires économiques, qui a validé une dérogation temporaire encadrée », elle souhaite la voir « confirmée en séance publique ».
À l’inverse, le retour de certaines molécules jusqu’alors interdites, sous conditions, est une des premières inquiétudes du Collectif nourrir, qui rassemble 54 organisations paysannes, de protection de l’environnement, du bien-être animal et de citoyens. « Une décision politique », affirme Générations futures.
Autre inquiétude des ONG, le texte de loi adopté par le Sénat prévoyait qu’un conseil d’orientation pour la protection des cultures, réunissant agriculteurs, instituts de recherche et fabricants de produits phytosanitaires, avise le ministère de l’Agriculture des usages considérés comme prioritaires. Ceci dans l’objectif d’une meilleure prise en compte d’éléments économiques dans la délivrance d’autorisation de mise sur le marché. Les députés ont balayé cette proposition mais la ministre de l’Agriculture aurait décidé de refaire passer cette disposition par voie réglementaire, assure Générations futures.
La fin envisagée de la séparation du conseil et de la vente ou les assouplissements sur les phytos font aussi sortir la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) de ses gonds. Elle qualifie plus généralement l’article 1 d’ « une attaque frontale contre la protection de la santé publique ».
2. Nouveaux seuils pour les ICPE
Deuxième point de crispation, la modification des seuils pour les élevages classés ICPE (1) et soumis au régime d’autorisation pour les élevages de porcs et de volailles. L’article 3 de la proposition de loi prévoit également d’assouplir la procédure de consultation publique sur ces projets. « Si l’article est adopté, cette consultation sera remplacée par une simple permanence en mairie, explique Sandy Olivar Calvo, de Greenpeace. Cela réduit la démocratie environnementale et ne répond en rien à la problématique des conflits locaux. »
La Coopération Agricole salue le fait que « la commission des affaires économiques a eu le bon sens de revenir sur les modalités de la loi sur l'industrie verte qui imposait une consultation publique inadaptée aux activités d’élevage (bovins, porcs, volailles) » et elle plaide pour « relever les seuils ICPE aux niveaux de nos voisins européens ».
3. Les ouvrages de stockages de l’eau, d’intérêt général majeur
Le troisième point concerne l’article 5 sur l’eau et les zones humides. Il prévoyait de reconnaitre d’intérêt général majeur les ouvrages de stockage de l’eau et des prélèvements associés. « L’article a été supprimé en commission du développement durable, rappelle Léo Tyburce, de WWF France, mais les risques sont réels qu’il soit réintroduit en séance publique. »
Cet article entend « lever certains aspects réglementaires sur les zones humides fortement modifiées » et « généraliser les mégabassines », estime le WWF. Des dispositions qui risquent de donner davantage de poids à l’irrigation agricole face aux autres usages, notamment ceux de protection de l’environnement selon l’ONG. « Cet inversement de la hiérarchie risque de multiplier les conflits d’usage et de rendre les territoires plus vulnérables aux inondations et aux sécheresses », estime le WWF.
Mathieu Courgeau, coprésident du Collectif nourrir et éleveur vendéen, considère qu’il « n’y a pas d’unanimité agricole sur cette proposition de loi. […] La principale préoccupation des agriculteurs, c’est la construction du revenu. » Le Collectif devrait faire entendre prochainement sa voix lors d’actions.
De son côté, La Coopération Agricole pousse, elle, pour la réintroduction de cet article 5. « Il ne s’agit pas d’accaparer la ressource en eau mais d’organiser les conditions du partage en considérant les activités agricoles à leur juste place : essentielle », soutient l’organisation.
(1) Installations classées pour la protection de l’environnement.
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