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Après l’annonce de « prix planchers », beaucoup de questions mais peu de réponses

Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l'Economie et finances, Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture, Anne-Laure Babault, députée (Modem) et Alexis Izard (Renaissance), tous deux co-raporteurs de la mission sur l'évaluation des lois Egalim intervenaient le 2 mars 2024 au Salon international de l'agriculture.

En ouverture d’un Salon international de l’agriculture sous tension, Emmanuel Macron a promis l’ouverture d’un travail sur des prix planchers. Une annonce qui a suscité de nombreuses interrogations.

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« Un prix plancher ? Mais comment on le définit ? », s’interroge Augustin Wack, producteur de lait dans le Bas-Rhin. L’éleveur laitier qui intervenait le 2 mars 2024 à l’occasion d’une séquence sur le bilan et la perspective des lois Egalim au Salon international de l’agriculture (Sia) n’est pas le seul à se la poser.

En annonçant vouloir relancer la construction du prix en marche avant avec « un prix plancher en dessous duquel le transformateur ne peut pas acheter et en dessous duquel le distributeur ne peut pas vendre », Emmanuel Macron a suscité des réactions positives, des inquiétudes mais surtout beaucoup d’interrogations alors qu’une quatrième loi Egalim est promise d’ici l’état par le gouvernement.

Après la question posée par Augustin Wack, Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie et finances, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture sont montés à leur tour sur la scène du stand du ministère de l’Agriculture.

L’espoir était permis d’avoir des indices sur ces futurs « prix planchers », mais il n’en fut rien. Pas une seule fois l’expression n’a été reprise. Les membres du gouvernement ont rappelé le besoin d’une nouvelle loi pour mieux réguler tout en appelant à ce que les acteurs des négociations commerciales jouent aussi le jeu. « Nous avons beau faire un Egalim, la confiance ne regne pas au cœur de la négociation entre producteur, transformateur et distributeur. Nous faisons le cadre, il faut que les acteurs le jouent », résume Olivia Grégoire avant que Marc Fesneau assure que « la contractualisation, c’est la durabilité des profits ».

« Donnez-nous le mode d’emploi »

« Donnez-nous le mode d’emploi », réclame le médiateur des relations commerciales agricoles, Thierry Dahan. Une demande partagée par des représentants de La Coopération agricole, l’Association nationale des industriels alimentaires, la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (qui représente les TPE, PME et ETI) et la Fédération du commerce et de la distribution qui intervenaient aux côtés de lui le 1er mars 2024 lors d’une table ronde organisée par le cabinet d’avocat Tactics au Sia. Un évènement où la comptabilité de la mesure avec le droit européen, son application au marché à l’export et le risque qu’elle ferait peser sur la compétitivité de l’agriculture française alimentent un sentiment de circonspection.

« Si le prix plancher est trop bas, il va être destructeur pour les agriculteurs et cela va faire descendre la rémunération », estime Thierry Dahan. Un risque identifié par d’autres qui voient dans ce prix plancher un « prix plafond ».

Le médiateur des relations commerciales agricoles privilégie la voie de la contractualisation. « Les prix planchers sur le plan économique sont compliqués à gérer. Il n’est pas possible de réguler les prix en économie de marché sans réguler les volumes. Plutôt que de parler de prix planchers, on peut parler de contractualisation qui intègre les coûts de production et leur variation ».

Se reposer sur les indices interprofessionnels

Une contractualisation aussi prônée par Ali Karabocan, chef du service économie de la FNSEA, qui participait à la même table ronde que Thierry Dahan. Il livre l’interprétation de son syndicat sur les prix planchers.  « Nous voyons dans les prix planchers des prix calculés à partir des coûts de production, et comme indicateurs de ces coûts de production des indicateurs interprofessionnels ». Des indicateurs mis à jour chaque trimestre qui permettraient de faire varier les prix négociés grâce à une clause de révision.

Actuellement, lorsque des contrats sont signés une liberté sur le choix des indices est laissée. Un point qu’a rappelé la Cour des comptes dans son audit flash sur la contractualisation en lait et viande bovine. « La disposition de l’article L. 631-24 (N.D.L.R. : du code rural qui régit les contrats de vente de produits agricoles) précisant que les indicateurs publiés par les organisations interprofessionnelles ou les instituts techniques agricoles « servent d’indicateurs de référence » peut être interprétée comme rendant obligatoire l’utilisation de ces indicateurs. Or, le principe de la liberté contractuelle, rappelé dans la foire aux questions (FAQ) par la DGCCRF et le ministère de l’Agriculture, permet aux parties de recourir aux indices et indicateurs qu’elles choisissent », écrit-elle.

« Les prix planchers, ce n’est pas forcément un prix administré »

Des réponses sur les prix planchers pourraient être apportées par la mission parlementaire co-rapportée par les députés Anne-Laure Babault (Modef) et Alexis Izard (Renaissance). Ses travaux sont attendus par le gouvernement pour alimenter la future loi Egalim 4. L’élue qui a connu les box de négociations et qui veut les apaiser a donné quelques indices sur sa vision des prix planchers lors d’un débat organisé sur le stand de Max Havelaar au Salon international de l’agriculture le 28 février 2024. « Les prix planchers, ce n’est pas forcément un prix administré. Ce n’est pas comme ça que (le président de la République) s’est exprimé », a précisé Anne-Laure Babault.

Pour partir du coût de production, « un travail est à faire filière par filière pour optimiser les indicateurs », a-t-elle ajouté. Elle s’oppose en revanche à la proposition de La France insoumise qui prévoit l’application de coefficients de marges. « Cela figerait notre économie », juge l’élue centriste.

À ses côtés dans ce débat où tous les partis ont été invités sauf le Rassemblement national, Manuel Bompard, député de La France insoumise (LFI), a présenté la proposition de loi de son parti d’instaurer des prix planchers avec la mise en place d’un encadrement des marges des industries de l’agroalimentaire et de la grande distribution critiquée par Anne-Laure Babault. Un texte que l’Assemblée nationale avait seulement rejeté de 6 voix en novembre dernier mais que LFI a promis de reproposer. « L’objectif de notre proposition de loi est de déterminer des prix de planchers négociés annuellement sous l’égide de l’État et du médiateur des relations commerciales », a précisé Manuel Bompard. Invité sur Cnews le 25 février, Marc Fesneau avait qualifié la proposition de LFI de « modèle soviétique ».

« Contrairement à ce que j’entends dans les médias, ce n’est pas à l’État de fixer les prix », se défend le député insoumis qui rejette toute allusion à « économie communiste ou à Cuba ». « Au sein même de l’Union européenne, il y a eu des mécanismes de contrôles et de régulation sur les prix. Il y a eu les mêmes mécanismes dans les républiques soviétiques du Canada et des États-Unis », ironise Manuel Bompard.

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