L’heure est aux sanctions. La Cour des comptes a présenté ce 14 février 2024 son rapport d'« audit flash » sur les contrôles exercés par la DGCCRF (direction de la répression des fraudes qui a pour rôle de veiller au respect des règles des marchés) sur la contractualisation dans les filières bovines.

Depuis la loi Egalim 2 qui est entrée en vigueur entre 2022 et 2023, la rédaction d’un contrat pluriannuel est devenue obligatoire entre les éleveurs bovins (lait et viande) et leurs premiers acheteurs (les céréales, les fruits et les légumes sont exemptés). Laissés à l’initiative des éleveurs, les contrats devaient permettre une meilleure prise en compte des coûts de production des éleveurs dans un secteur où les rapports de force sont à l’avantage des acheteurs. « En 2021, 76,3 % de la collecte de lait a été réalisée par 28 établissements collecteurs. Concernant la viande, 143 abattoirs assurent 92 % des tonnages », illustre la Cour des comptes.

Place aux injonctions et aux sanctions

La DGCCRF a mis les moyens pour faire appliquer la loi selon la Cour des comptes en se concentrant sur les plus gros acheteurs. 64 ont été contrôlés. « En moyenne, un acheteur contrôlé réalise un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards d’euros, soit un volume financier qui correspond à un approvisionnement auprès de milliers d’éleveurs », souligne la Cour des comptes.

Si la DGCCRF « a fait le travail », selon Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, ces contrôles étaient essentiellement pédagogiques. « Il apparaît néanmoins peu justifiable que cette situation perdure. Il semble temps que des suites correctives (des injonctions) ou répressives (des sanctions) soient engagées sans tarder », insiste Pierre Moscovici.

Des contrôles pédagogiques

Parmi les enseignements tirés des contrôles, se reflète la forte hétérogénéité entre une filière laitière, où la pratique de la contractualisation est plus ancrée historiquement, et la filière de la viande qui commence à véritablement s’en saisir. Les contrôles de la DGCCRF révèlent « l’absence fréquente » de contractualisation en viande. En lait, si davantage de contrats sont signés, seuls neuf contrôles sur vingt-neuf ont fait apparaître des relations commerciales conformes à la loi. Si des rappels à la règlementation ont été adressés par la DGCCRF, « aucun manquement constaté en 2022 et 2023 vis-à-vis d’Egalim 1 ou 2 n’a pour l’instant conduit à des sanctions », observe la Cour des comptes.

La DGCCRF se défend sur son choix d’une approche pédagogique en raison notamment du contexte inflationniste. Elle décrit également « la difficulté à déterminer les responsabilités respectives des parties dans l’absence de contrat ou l’échec de la négociation ». Si des acheteurs peuvent être les auteurs de « manœuvres », comme le décrit pour la Cour des comptes, pour échapper à la contractualisation en menaçant le producteur de rompre la relation contractuelle en cas de signature d’un contrat, certains producteurs se montrent aussi peu enclins à rédiger des contrats pluriannuels en période d’inflation.

Une plate-forme de signalement pour les éleveurs

La DGCCRF admet une complexité de la règlementation et « une technicité des contrats qui rend difficile leur élaboration par les producteurs à l’exception de ceux qui sont solidement structurés ». Un constat qui explique pourquoi la DGCCRF n’a pas voulu sanctionner « l’absence de proposition par l’agriculteur » car « cela conduirait à sanctionner des producteurs alors que la loi vise à mieux protéger leur rémunération », note la Cour des comptes.

Cette complexité rend nécessaire pour la Cour des comptes de mieux accompagner les producteurs. Elle recommande au gouvernement la mise en place d’une plateforme de signalement confidentiel destinée aux agriculteurs et de proposer au comité de règlement des différends commerciaux agricoles de rendre publiques des « lignes directrices pour lever les difficultés d’application » de la contractualisation. Sa dernière proposition porte sur la présentation publique d’un bilan annuel des contrôles réalisés.

Un sujet de plus pour le gouvernement d’ici au Salon international de l’agriculture.