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Le Conseil constitutionnel très attendu jeudi sur la loi Duplomb

La loi Duplomb fait partie des quatre textes sur lesquels les Sages du Conseil constitutionnel prendront leurs décisions le 7 août.

Alors que la pétition contre la loi Duplomb a recueilli plus de 2 millions de signatures, le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur le texte le 7 août.

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Le Conseil constitutionnel doit se prononcer jeudi sur la loi Duplomb qui suscite l’opposition de nombreux Français. Mais difficile de savoir si les Sages donneront raison à leurs inquiétudes environnementales, face à une jurisprudence à première vue plutôt défavorable.

Sera particulièrement scrutée la réintroduction sous conditions de l’acétamipride dont le retour est réclamé par la FNSEA — dont est issu le sénateur Laurent Duplomb (LR) — pour les producteurs de betteraves et noisettes. La loi a suscité un vaste mouvement de protestation, une pétition déposée sur le site de l’Assemblée nationale franchissant la barre inédite des deux millions de signatures.

Des parlementaires de gauche ont saisi le Conseil constitutionnel, arguant que la loi serait incompatible avec la préservation de l’environnement et le droit à la santé — à l’unisson de sociétés savantes et associations de patients. Ils s’appuient notamment sur la charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle.

La même issue qu’en 2020 ?

Dans une décision de 2020, les Sages avaient déjà dû se prononcer sur une dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes pour les betteraviers, confrontés à une invasion de pucerons. Ils avaient alors reconnu leurs « incidences sur la biodiversité » et les « risques pour la santé humaine », tout en estimant que la dérogation était assez encadrée, notamment car temporaire.

Dans la loi Duplomb, elle est prévue en cas de « menace grave compromettant la production agricole », mais sans limite dans le temps — seule une clause de revoyure est prévue après trois ans. « Comme on a quelque chose qui est relativement pérenne », le Conseil constitutionnel pourrait « avoir une décision différente » de 2020, a déclaré à l’AFP le constitutionnaliste Benjamin Morel, sans toutefois vouloir « parier là-dessus ».

La Coordination rurale, deuxième syndicat agricole, redoute une censure sur un autre article facilitant la construction d’ouvrages de stockage de l’eau, comme sur l’acétamipride. Auquel cas il faudra « être cohérent et interdire le Nutella fait avec des noisettes importées » et assumer de « sacrifier les agriculteurs », lance sa présidente Véronique le Floc’h.

Manœuvre de procédure

Autre motif invoqué par les parlementaires requérants : la procédure d’adoption de la loi. À l’Assemblée, aucun amendement de députés n’avait pu être débattu, le texte ayant été rejeté d’entrée par ses défenseurs, pour contourner l'« obstruction » de la gauche. Le Conseil constitutionnel « pourrait considérer qu’il y a eu là une atteinte manifeste, importante, au principe de sincérité et de clarté du débat parlementaire, puisque la seule assemblée élue au suffrage universel n’a pas eu l’opportunité de débattre », estime le constitutionnaliste Dominique Rousseau.

Même si là encore, la jurisprudence semble désavantageuse aux requérants. Le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé par le passé sur l’utilisation au Sénat d’une manœuvre équivalente — sans censurer. « Vous ne pouvez pas sonder les reins et les cœurs pour savoir pourquoi les députés ont voté une motion de rejet préalable », souligne en outre Benjamin Morel. Une censure pour détournement de procédure aurait pour effet spectaculaire de faire tomber tout le texte.

« Mettre la pression »

Les Sages pourraient-ils être influencés par la pression populaire exprimée à travers la pétition ? Ou le risque de colère agricole, après les grandes manifestations de 2024 ? Le travail des juges « est autant que possible de s’extraire de tout le contexte médiatico-politique », rappelle Dominique Rousseau, mais « ils lisent les journaux, regardent la télé, écoutent la radio ». La décision est en tout cas « la plus politique » depuis la nomination très critiquée de Richard Ferrand à la tête de l’institution, estime M. Morel.

Quoiqu’il en soit, une éventuelle validation de la loi par le Conseil constitutionnel ne marquera pas la fin de l’histoire, la gauche réclamant déjà à Emmanuel Macron une deuxième délibération au Parlement. « Peu importe la décision, on ne s’arrêtera pas là », affirme le collectif Nourrir, qui rassemble différentes ONG. « Il faudra continuer à mettre la pression pour un vrai débat démocratique sur l’agriculture qu’on veut », renchérit Stéphane Galais, porte-parole du troisième syndicat agricole, la Confédération paysanne.

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