Après un long chemin parlementaire, la loi Duplomb a finalement été adoptée, le 8 juillet 2025, à l’Assemblée nationale. Favorable à la proposition de texte de loi depuis le début, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a salué le vote des députés. « Après des mois de travail, d’échanges, de compromis, c’est un tournant dans la vie de nos agriculteurs et un grand pas pour la reconquête de notre souveraineté alimentaire », a-t-elle déclaré sur le réseau X.

Mais du côté de la profession agricole et des ONG, le texte issu de la commission mixte paritaire (CMP) ne fait pas l’unanimité.

Satisfaction chez FNSEA et JA

Soutiens revendiqués de la loi Duplomb, les syndicats Jeunes Agriculteurs et FNSEA n’ont pas caché leur satisfaction. « Loin des polémiques stériles et des postures idéologiques, elle remet au cœur du débat des mesures de bon sens : protection des cultures, accès à l’eau, construction de bâtiments agricoles, assurance climatique, et simplification des contrôles environnementaux », estiment les deux organisations.

« L’adoption de la proposition de loi marque l’aboutissement de plus de 18 mois de mobilisation ininterrompue de nos réseaux Jeunes Agriculteurs et FNSEA », Arnaud Rousseau, président de la FNSEA. Son homologue aux JA, Pierrick Horel, n’est pas en reste. « Cette loi permettra aux jeunes qui souhaitent s’installer, d’évoluer dans un cadre réglementaire stable et réaliste, qui n’entravera pas leur capacité d’entreprendre » juge-t-il.

Un complément à la loi d’orientation pour la Coordination rurale

La Coordination rurale reste sur sa faim. « Cette loi vient en complément de la loi d’orientation agricole votée en février dernier. Elle ne vient pas résoudre les problèmes de revenus ou de renouvellement des installations », juge-t-elle, même si le syndicat reconnaît « un début d’alignement – encore par dérogation – de la réglementation française sur celle guidée par l’Europe ».

Son porte-parole Patrick Legras abonde. « C’est une avancée, une orientation, mais ce n’est en aucun cas ce qui va régler les problèmes du Mercosur et des nouveaux volumes d’importations en provenance d’Ukraine. ».

Besoin d’un « cadre clair »

La Coopération Agricole salue l’adoption du texte et estime que « son efficacité dépendra aussi pleinement des textes pris en son application ». Elle demande que le « nouveau cadre soit clair, sécurisé et pleinement opérationnel » quant à l’adaptation de la séparation de la vente et du conseil pour les produits phytosanitaires. Par ailleurs, l’organisation insiste pour qu’un cadre réglementaire spécifique pour les installations d’élevages soit mis en place dans le cadre de l’examen de la loi DDADUE (dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne) à l’automne prochain.

Philippe Lecompte, président du Réseau Biodiversité pour les Abeilles, estime que cette loi va « permettre aux agriculteurs de produire durablement, c’est assurer aux abeilles la diversité et la quantité de ressources mellifères dont elles ont besoin pour résister à leurs parasites, pathologies, en particulier virales, et aux aléas climatiques, principales causes de mortalité des abeilles ».

« Régressions agricoles, sanitaires et écologiques »

Immédiatement après le vote des députés, le Collectif Nourrir (1) a déploré qu’une majorité de parlementaires aient choisi de rester sourds « face aux nombreuses alertes sur les dangers de la loi Duplomb ». « Ce vote constitue une attaque supplémentaire sur les conséquences de l’industrialisation de l’agriculture sur la santé publique et l’environnement », écrit le collectif.

La Confédération paysanne dénonce un texte qui favorise « l’agrandissement des exploitations destinées à la production animale industrielle, l’accaparement de l’eau par la construction de mégabassines » et la réintroduction de l’acétamipride. Le syndicat déplore le fait qu’il « entérine des régressions agricoles, sanitaires et écologiques d’une très grande gravité ». L’Union nationale de l’apiculture française (Unaf) parle, quant à elle, d’une « insulte faite aux apiculteurs ».

Générations Futures condamne, de son côté, « la campagne de désinformation massive autour des effets de l’acétamipride » tandis que Greenpeace pointe « un jour noir pour la santé publique et l’environnement ». L’ONG déplore l’irresponsabilité des politiques qui ont voté une loi « mortifère et toxique ».

Des sujets manqués

La Confédération paysanne estime que les enjeux majeurs pour le secteur agricole sont plutôt de « garantir un revenu paysan par la mise en place de prix minimums garantis et l’installation de fermes partout sur le territoire ». Pour le Collectif Nourrir, les vrais problèmes agricoles que sont le revenu, l’accompagnement à la transition agroécologique et l’adaptation au changement climatique, ont été niés.

Idem pour la Maison de la bio (2) qui déclare que le texte « nie la dynamique de fond portée par les consommateurs […] et une grande partie du monde agricole : produire mieux, préserver les ressources, garantir une alimentation saine et transparente ». Elle invite par ailleurs les consommateurs à se tourner « plus que jamais » vers l’agriculture biologique comme « acte de résistance » mais aussi comme « choix éclairé, positif et concret pour l’avenir ».

Générations Futures estime pour sa part que la loi ne permettra pas la « transformation profonde du modèle agricole ». L’association regrette que certains sujets aient été exclus et cite notamment la régulation du foncier ou la répartition de la valeur.

(1) Le Collectif Nourrir regroupe une cinquantaine d’organisations paysannes, de protection de l’environnement, du bien-être animal et de citoyens.

(2) La Maison de la bio rassemble des organisations professionnelles de producteurs, transformateurs ou distributeurs de produits biologiques.