Alors que sur les plateaux télévisés et les réseaux sociaux, s’écharpent « pro » et « anti » loi Duplomb, certains agriculteurs ont fait savoir leur mécontentement sur le terrain.

Le soir du mardi 22 juillet, des agriculteurs de la Coordination rurale ont protesté contre l’opposition à la loi Duplomb, réunie autour d’une pétition qui rassemble près de 1,9 million de signatures. Au menu pour le syndicat, déversement de fumier, de déchets, de laine et d’œufs devant l’antenne locale du parti Europe Ecologie Les Verts (EELV) à Toulouse.

Après 34 heures de nettoyage par 18 agents mobilisés, la mairie a décidé d’envoyer la note à la Coordination rurale de la Haute-Garonne, exigeant un remboursement « dans les meilleurs délais » des frais engagés — soit 1 900 euros — face à ces « dégradations illégales ». Sollicité par La Dépêche, le président de la CR 31 a annoncé qu'il « ne paiera rien ». 

Le même jour, des bottes de paille ont été déversées devant la permanence parlementaire de Delphine Batho (députée écologiste, Deux-Sèvres) à l’appel de Jeunes Agriculteurs. Plusieurs permanences parlementaires ont été dégradées, d’après le réseau ICI (ex-France Bleu), comme le local des écologistes dans la Haute-Vienne ou la permanence parlementaire EELV dans l’Hérault. Une autre permanence parlementaire (Modem, Puy-de-Dôme) a, elle, été recouverte d’affiches par des opposants à la loi, le 17 juillet.

L’Anses pour « éclairer » le débat

Au milieu de cette cohue , la ministre de la Transition écologique a appelé à ce « que l’Anses (1) puisse donner son avis sur les dérogations que la loi prévoit » pour la réintroduction de l’acétamipride, le produit au cœur de la controverse du texte. Agnès Pannier-Runacher s’est dit « à la disposition des parlementaires » pour saisir l’institution sanitaire. « La science n’a pas pour vocation de se substituer au politique, mais elle peut utilement l’éclairer », a-t-elle précisé dans un tweet le 21 juillet.

Les députés de gauche envisagent déjà de proposer un texte d’abrogation à la rentrée parlementaire. Mais même s’il voit le jour, il devra faire l’objet d’arbitrages avec d’autres textes, pour se trouver une place dans la seule niche parlementaire (LFI) réservée aux groupes de gauche à l’automne, soit le 27 novembre.

Appelé au secours par différentes associations (LPO, Générations futures, Humanité et Biodiversité), le président de la République a fait savoir qu’il « attendra les conclusions du Conseil constitutionnel pour se prononcer », d’après la porte-parole du Gouvernement, Sophie Primas, le 23 juillet. Alors que les Sages — saisis par les députés de gauche — doivent se prononcer sur le texte avant le 11 août, Emmanuel Macron pourrait demander une nouvelle délibération au Parlement en vertu de l’article 10 de la Constitution.

Les syndicats face à l’enjeu de la compétition

« On ne construit plus, on clive : d’un côté ceux qui n’en ont « rien à péter » de la situation des agriculteurs, de l’autre ceux qui n’en ont rien à faire des normes environnementales », a déploré dans une tribune au Point le président de Jeunes Agriculteurs, Pierrick Horel. Favorable à la loi, il appelle à créer « un pacte agricole fondé sur la réorganisation des filières, la planification territoriale, la valorisation du revenu agricole ».

« L’immense majorité du monde agricole est prête à faire une transition agricole. Aujourd’hui, on est toujours dans ce dogme de la compétition […] qui nous laisse comme seule arme de compétition, ces pesticides, au détriment de notre santé en priorité », a commenté, sur BFMTV le coporte-parole de la Confédération paysanne Thomas Gibert, opposé à la loi.

« Nous ne sommes pas des scientifiques mais ce que nous utilisons, c’est parce qu’ils sont autorisés. Ce qu’on ne peut pas comprendre, c’est que pour nous il ne serait pas utilisé alors qu’il le serait ailleurs », s’est exprimée la présidente de la Coordination rurale, Véronique Le Floc'h, en faveur de la réintroduction, sur le plateau d’Arte.

Un avis partagé par le président de la FNSEA : « Si demain l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments, ND.R) devait interdire ce produit, elle le ferait partout en Europe. Et moi, je fais confiance à la science pour alimenter la réflexion », a précisé Arnaud Rousseau sur France Info.

Reste à savoir si l’Anses sera interrogée, et si son avis sera pris en compte par le Parlement, en cas d’une nouvelle délibération.

(1) Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail).