Sénateurs et députés s’accordent sur la loi d’orientation agricole
Une loi d’orientation agricole votée juste avant l’ouverture du Salon de l’agriculture : le gouvernement est en passe de tenir son engagement après un accord trouvé hier entre le Sénat et l’Assemblée nationale sur ce texte brandi comme réponse à la grogne du secteur, mais fustigé à gauche.
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Le 18 février 2025, peu avant minuit, une commission mixte paritaire réunissant sept députés et sept sénateurs est parvenue à dégager un texte de compromis sur ce projet de loi présenté il y a près d’un an et maintes fois repoussé. Un peu plus tôt dans la journée, c’est le Sénat qui avait adopté le texte à 218 voix contre 107, près de neuf mois après son adoption à l’Assemblée nationale juste avant la dissolution.
Le texte commun devrait désormais être soumis à un ultime vote des députés ce mercredi 19 février dans la soirée, puis des sénateurs jeudi 20 février après-midi, synonyme d’adoption définitive de ce texte qui a pour mesure phare d’ériger l’agriculture au rang « d’intérêt général majeur ».
Coup de pression de la ministre
Son adoption ne fait guère de doute : mardi 18 février, la commission mixte paritaire l’a approuvé à dix voix contre quatre, les élus du Rassemblement national joignant leurs votes à ceux des membres de la coalition gouvernementale. « Je ne voudrais pas commencer ce Salon de l’agriculture en disant aux agriculteurs que les parlementaires ne les ont pas entendus », avait déclaré la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, devant le Sénat dans l’après-midi.
Le projet « porte un certain nombre de sujets fermement attendus par les agriculteurs. Il ne répond pas à tous les besoins des agriculteurs, mais c’est un texte utile et nécessaire qui conserve l’essentiel des apports du Sénat », s’est félicitée la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, Dominique Estrosi-Sassone.
« C’est le projet de loi du Sénat, le projet de loi Duplomb », avec « des régressions majeures à laquelle même la ministre s’était opposée », a fustigé son homologue de La France insoumise à l’Assemblée nationale, Aurélie Trouvé, en référence au sénateur Laurent Duplomb (Les Républicains), principal artisan d’un net durcissement du texte au Sénat. La gauche dans son ensemble et les associations de défense de l’environnement sont farouchement opposées au texte, s’inquiétant de « reculs environnementaux sans précédent ».
« Folie normative »
La loi d’orientation va « permettre d’ouvrir un nouveau regard, une nouvelle perspective, un nouveau cap pour l’agriculture française », avait au contraire espéré Laurent Duplomb dans l’après-midi, appelant à « stopper ce délire décroissant, cette folie normative, ces oppositions stériles » qui mettent les agriculteurs « sur le chemin du déclin ».
Le texte balaye des sujets très divers, de la transmission d’exploitations pour faire face au vieillissement du métier aux objectifs de l’enseignement agricole en passant par le statut des haies ou la répression des atteintes environnementales. Il entend surtout ériger l’agriculture au rang « d’intérêt général majeur » et fait de la souveraineté alimentaire un « intérêt fondamental de la Nation ».
Les sénateurs lui ont associé un principe décrié de « non-régression de la souveraineté alimentaire », mesure miroir de la « non-régression environnementale » déjà consacrée dans la loi. Principe maintenu dans le texte final. Selon plusieurs sources parlementaires, le compromis parlementaire réintègre la notion de « transition climatique et environnementale » dans les grands enjeux des politiques agricoles, un terme retiré par le Sénat. Mais le terme « d’agroécologie » reste bien écarté de cette loi, comme espéré par les sénateurs.
Des contraintes allégées
Le Parlement a aussi nettement allégé les contraintes des agriculteurs en matière d’atteintes environnementales, d’installations agricoles ou de destruction de haies, privilégiant notamment une amende forfaitaire de 450 euros pour les atteintes « non intentionnelles » aux espèces ou aux habitats naturels.
La création d’un guichet unique pour les transmissions d’exploitations agricoles, baptisé France Services Agriculture, a été validée par les parlementaires, de même que le lancement d’un « Bachelor agro », diplôme de bac + 3.
L’accélération de l’agenda parlementaire pour faire aboutir ce texte avant le Salon de l’agriculture avait ulcéré la gauche : le président des députés communistes André Chassaigne avait fait part de sa « colère noire » face au « vote d’une loi à marche forcée ». Le socialiste Dominique Potier avait dénoncé lui un texte « caricatural » et « déraisonnable ». Lors d’une visioconférence le 18 février, plusieurs ONG de défense de l’environnement ont aussi craint « la pire régression du droit de l’environnement depuis au moins une décennie », selon Laure Piolle, animatrice au sein de France Nature Environnement.
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