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Le libre-échange n’effraie pas tout le monde

Vincent Louault, Nicole le Peih, Mathieu Pasquio et Jean-Luc Demarty ont rappelé l'importance des contrôles à l'importation pour protéger les marchés européens.

Sujet habituel de consensus contre eux, les accords de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur ou le Canada voient apparaître quelques nuances dans les débats.

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Les traités entre l’Union européenne et le Mercosur ou avec le Canada font quasi l’unanimité contre eux, mais des failles apparaissent. Dans un débat organisé par la Coopération agricole et animé par Sébastien Abis du club Demeter au Salon de l’agriculture le 27 février 2025, plusieurs intervenants ont déroulé un argumentaire moins catastrophiste que les discours habituels.

Parmi les avis les plus tranchés, celui de Jean-Luc Demarty, ancien négociateur en chef de la commission européenne et ancien conseiller de Jacques Delors. « Prétendre que cet accord avec le Mercosur sera dramatique n’est pas sérieux, avance-t-il. L’effet sera limité sur la viande bovine et cela pourra être facilement corrigé par des aides compensatrices. » Pour lui le problème est ailleurs. « Depuis 2015 la France est devenue déficitaire au sein de l’Europe au niveau agroalimentaire. Le véritable scandale n’est pas produit par les accords de libre-échange, mais par la politique agricole française déficiente depuis 25 ans. »

Une opposition « politique » au Ceta

Le contexte géopolitique justifie aussi ce type d’accord selon Jean-Luc Demarty, y compris pour les agriculteurs. « Vu ce qui se passe en ce moment, avec les menaces de tarifs douaniers américains par exemple, nous avons besoin de nouveaux marchés » rappelle-t-il.

Plus nuancé, le sénateur d’Indre-et-Loire Vincent Louault, agriculteur lui-même, voit une « surrémotion avec tous ces accords, dans le contexte d’une agriculture européenne en grande souffrance » avec une Union européenne « qui nous montre qu’elle est en incapacité de contrôler certaines importations ». Il voit toutefois aussi un microcosme français qui « se regarde lui-même et perd le bon sens de ce qui se passe dans le monde ». Et de citer pour l’illustrer le Ceta, cet accord commercial entre le Canada et l’Union européenne auquel il était « un des seuls à être favorable ».

Cet accord commercial donne notamment « accès au marché européen pour le gaz et les hydrocarbures canadiens tandis que l’agriculture ne représente rien du tout », selon lui. Les Canadiens privilégient en effet l’exportation vers l’Asie qui, elle, accepte l’utilisation d’hormones pour la production de viande. L’opposition à cet accord aurait été avant tout politique selon lui. « Pour se refaire la cerise avant les élections [européennes, N.D.L.R.], tous les partis se sont alliés pour dézinguer le Ceta », relate-t-il.

L’Ukraine, la véritable inquiétude

S’il ne minimise pas le Mercosur, « un géant vert qui pourrait produire pour toute l’Europe », il juge aussi que « ce n’est pas parce que l’on fera entrer 1 % de volume, même si ce n’est que de l’aloyau qui va faire peur aux agriculteurs ». Cet accord serait plus selon lui « une goutte d’eau supplémentaire dans le verre de la souffrance des agriculteurs ».

L’élu invite en revanche à s’inquiéter davantage des discussions de l’Union européenne avec l’Ukraine, « l’autre géant vert » qui pourrait mettre à mal la souveraineté alimentaire de la France en cas de libéralisation totale des échanges. Plus risqué encore pour l’agriculture française selon lui, la pression des « décroissants qui attaquent l’agriculture matin midi et soir ». Car « le problème ne va pas être l’importation. Le problème sera la production ».

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