« En deux ans, l’Ukraine est devenue le principal fournisseur d’œufs coquille et d’ovoproduits pour l’Union européenne (UE) », explique Clément Dô, du service économique de l’Institut technique de l’aviculture (Itavi) (1). Entre 2022 et 2024, les exportations ukrainiennes vers l’UE ont été multipliées par quatre pour les œufs coquille et presque par deux pour les ovoproduits.
En 2024, les envois d’œufs coquille vers l’UE ont représenté 50 608 téoc (2) soit une hausse de 61,6 % par rapport à 2023 et 19 198 téoc en ovoproduits (+8,2 % par rapport à 2023). Historiquement, les pays tiers (Proche- et Moyen-Orient, Asie Est et Sud-Est…) représentaient 80 % des exportations ukrainiennes et l’UE seulement 20 %. La balance s’est complètement inversée en 2024.
Des prix compétitifs
La raison : des prix ukrainiens très compétitifs nettement inférieurs à ceux pratiqués dans l’UE. Depuis juin 2022, Bruxelles a suspendu les droits de douane sur les produits agricoles ukrainiens, y compris les œufs. Cette mesure, initialement conçue pour soutenir l’économie ukrainienne en temps de guerre, a été reconduite plusieurs fois. Toutefois, un « frein d’urgence » a été introduit en juin 2024 pour rétablir les droits de douane « si les volumes importés dépassaient certains seuils. »
Aujourd’hui, les droits de douane sont insuffisants pour limiter les importations. Depuis juin 2024, le seuil d’importations de 23 189 tonnes a été atteint en UE et des droits de douane ont été réintroduits. « Malgré tout, les importations ont augmenté de 45 %, indique l’économiste. À la mi-novembre, on atteignait 208 % de ce seuil. Les importations ukrainiennes vers la France sont minimes (0,12 % du volume européen). Mais on sait qu’il y a des transits possibles depuis d’autres pays européens. Par exemple, l’entreprise ukrainienne Ovostar Union est implantée en Lettonie. »
L’UE représente aujourd’hui 76 % des exportations ukrainiennes d’œufs. « Cette dépendance croissante soulève des questions sur la régulation et la compétitivité à long terme.
Bien que le « frein d’urgence » ait été activé en 2024, il n’a pas suffi à limiter l’afflux massif d’importations ukrainiennes », analyse Clément Dô. Pour les producteurs français et européens, cette situation accentue la pression concurrentielle, tout en compliquant les efforts vers une production plus durable. En Ukraine, 100 % des élevages sont en cages non aménagées.
(1) Il intervenait lors de la journée Œufs le 5 décembre à Pacé (Ille-et-Vilaine).
(2) Tonnes-équivalent œufs coquille.