Les pyréthrinoïdes dans le viseur de l’Anses
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation confirme un lien entre l’exposition aux insecticides de la famille des pyréthrinoïdes et la survenue de certaines pathologies. Elle formule des recommandations à activer rapidement en raison des premières échéances de réhomologation en 2026.
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Troubles du comportement chez les enfants de mères exposées pendant leur grossesse, problèmes de fertilité chez l’adulte et risque accru de leucémies pour les utilisateurs professionnels… Dans un rapport publié le 24 avril 2025, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) alerte sur les risques liés à l’exposition aux pyréthrinoïdes, une famille d’insecticides dont font partie la deltaméthrine, la cyperméthrine et le lambda-cyhalothrine.
« La famille des pyréthrinoïdes représente le signal (1) qui ressort le plus vis-à-vis des risques pour la santé humaine, parmi un panel de substances actives que nous avons analysé dans le cadre du dispositif de phytopharmacovigilance », rapporte Matthieu Schuler, directeur général délégué du pôle des sciences à l’Anses. Le croisement des résultats de l’expertise collective de l’Inserm (2) (voir l'encadré) avec d’autres études scientifiques postérieures a ainsi permis à l’Agence de confirmer un lien de cause à effet entre l’exposition aux pyréthrinoïdes et ces différentes maladies et pathologies.
Pas encore de restrictions
Face à ce signal d’alerte, l’Anses adresse des recommandations à l’attention des décideurs nationaux et européens, en particulier l’Efsa, l’autorité européenne de sécurité des aliments :
- Définir la contribution des usages phytosanitaires, d’une part, et des usages biocides, d’autre part, dans l’exposition des populations aux pyréthrinoïdes. « L’enjeu est d’identifier précisément les sources pour agir au plus juste », précise Matthieu Schuler.
- Déterminer les valeurs toxicologiques de référence pour interpréter les niveaux d’imprégnation de la population et évaluer les risques sanitaires encourus ;
- Informer et sensibiliser le personnel de santé et la population générale sur les risques, notamment pour les femmes enceintes et les jeunes enfants.
L’Agence insiste pour que ces mesures soient mises en œuvre au plus vite, car certaines homologations arrivent à échéance dès 2026, comme la deltaméthrine au 15 août. À la question de possibles nouvelles restrictions d’usages, voire d'éventuelles interdictions comme ce fut le cas pour le S-métolachlore, l’Anses ne se prononce pas. « Ce qui nous tient à cœur, c’est qu’au moment où l’évaluation se remet sur le métier, toutes les informations disponibles et pertinentes soient considérées […] au côté des éléments apportés dans les dossiers réglementaires des firmes phytosanitaires », déclare Matthieu Schuler.
PAN Europe veut faire interdire la deltaméthrine (07/03/2025)
Adapter le registre phyto
D’autres recommandations, plus générales cette fois, sont également formulées dans le rapport de l’autorité sanitaire. Elles s’appliquent aux pyréthrinoïdes et aux autres substances actives tirées de l’expertise de l’Inserm :
- Mettre régulièrement à jour l’évaluation des risques des substances actives et des produits, avant même les échéances officielles, lorsque de nouvelles connaissances scientifiques sont établies ;
- Prendre en compte toute la littérature scientifique disponible et pertinente, y compris les études épidémiologiques et les résultats de la phytopharmacovigilance ;
- Rendre davantage accessible les données sur les applications réelles des produits, aujourd’hui requises dans le registre phytosanitaire. Matthieu Schuler s’explique : « Cette obligation réglementaire est de trop courte durée [les agriculteurs doivent conserver leur registre pendant au moins 5 ans] avec un format non adapté au dispositif de phytopharmacovigilance. »
- Maîtriser les risques par des applications réduites à leur strict nécessaire.
Une spécificité française
« La phytopharmacovigilance permet de rester connecté avec le réel, c’est-à-dire avec des conditions d’usages qui peuvent être un peu différentes de ce qui était prévu, ou avec des effets qui auraient pu être sous-estimés », insiste par ailleurs le directeur général délégué concernant la seconde recommandation.
Cependant, ce dispositif reste une spécificité française, a priori unique en Europe. L’Anses ne cache pas son souhait de voir ce modèle se reproduire ailleurs : « Nous avons déjà eu l’occasion de le présenter à nos homologues européens : il est primordial de le partager étant donné son importance pour le collectif et pas seulement pour notre pays. »
(1) Selon l’Anses, un signal se définit comme une information attirant l’attention sur un risque et/ou une information à suivre (événement survenu sur le territoire national ou à l’étranger, et identifié dans un article scientifique ou tout autre média ou réseau).
(2) Institut national de la santé et de la recherche médicale.
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