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Comment la filière laitière peut-elle sortir de l’impasse ?

Le rapport du CGAAER rappelle que le cheptel de vaches laitières a chuté de 15 % entre 2018 et 2024.

Victime de législations changeantes ces dernières années, la filière laitière française en fort recul semble au bord du gouffre. Un rapport formule des recommandations pour sa survie et sa modernisation.

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« La filière laitière se trouve actuellement à un point de bascule décisif. » C’est la conclusion d’un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), livré au ministère de l’Agriculture en mai 2025 et publié le 4 novembre 2025. Depuis la fin des quotas laitiers en 2015, et la crise des prix du lait en 2016, la filière n’attire plus et n’innove plus. Les auteurs recensent une diminution du cheptel de vaches laitières de 15 % entre 2018 et 2024, atteignant 3,1 millions de têtes. Et le départ massif des éleveurs à la retraite n’est compensé qu'à hauteur de 40 %.

Devant ces défis majeurs, la mission du CGAAER s’intéresse à l’avenir de la filière. Poursuivra-t-elle dans la voie du lent repli qui la guette ou trouvera-t-elle les ressources nécessaires pour maintenir la collecte et l’investissement dans la modernisation des ateliers de fabrication et dans l’innovation ? La compétitivité du secteur sur les différents marchés nationaux et à l’international est en jeu, tout comme « la souveraineté laitière de la France », alerte le CGAAER.

Maintenir les aides de la Pac

Alors que l’Union européenne peine à fixer un cap consensuel sur la forme et le budget dédiés à la future Politique agricole commune (Pac), le CGAAER appelle le ministère de l’Agriculture français à s’assurer du « maintien d’un bon niveau d’aides » en soutien aux éleveurs de bovins laitiers dans la prochaine mouture pour les années 2028 à 2034. Les exploitants installés en « zones fragilisées », c'est-à-dire en montagne et dans les exploitations combinant polyculture et élevage, doivent ici faire l'objet d'une attention particulière.

Aussi, à l’échelle nationale, la mission « préconise de renforcer les dispositifs d’accompagnement financier des laiteries de toute taille et d’analyser les sources de complexité administrative auxquelles elles sont confrontées ».

Mieux valoriser le métier

Côté ressources humaines, les auteurs identifient un autre axe d’amélioration pour les exploitants. Ils recommandent de recourir plus souvent au salariat afin « d’alléger le travail des éleveurs et d’offrir une première expérience aux futurs repreneurs ». Sur ce point, ils appellent à « développer la formation des salariés et des exploitants qui les accueillent ».

Enfin, pour attirer les futures générations, le conseil enjoint les éleveurs et l’interprofession à « mieux valoriser auprès du public le métier de producteur de lait et les atouts de la filière ».

Analyser le soutien public aux abattoirs « sous l’angle de la viabilité »

La baisse du cheptel de bovins laitiers n’engendre pas seulement une réduction de la production de lait (- 3 % en six ans). Elle affecte aussi les abattoirs. Initialement saturés par un afflux de vaches laitières, ces outils rencontrent maintenant des déficits d’approvisionnement.

« La plupart des bassins de production sont touchés. Dans certaines zones, la baisse est telle qu’elle menace l’existence des sites de collecte et de transformation, souligne la mission. En dépit des fermetures de sites, la France reste en surcapacité d’abattage. » Dans ce contexte, les auteurs regrettent l’arrêt de la mise en œuvre de la stratégie Abattoirs engagée en 2023. Mais devant les retours d’expérience dépités des représentants des abatteurs, ils appellent à ce que « les soutiens publics à des projets d’abattoirs [soient] analysés sous l’angle de la viabilité des outils [subventionnés]. Ces dossiers devraient être soumis à l’avis non contraignant d’une commission indépendante ».

Établir des « relations apaisées entre les acteurs de la filière »

Enfin, les auteurs estiment « urgent d’établir des relations apaisées et constructives entre les acteurs de l’élevage, de la transformation (lait et viande) et les acteurs de l’aval afin de construire un partenariat indispensable à l’avenir des filières lait et viande ».

Des efforts stratégiques restent aussi à mener entre l’amont et l’aval de la filière laitière, sur le modèle des pays du nord de l’Europe où le modèle coopératif prédomine, souligne le CGAAER. De ce fait, « les producteurs de lait, en tant qu’associés-coopérateurs, [y] sont directement associés à la transformation du lait et à la commercialisation des produits laitiers ».

Ainsi, « renforcer le dialogue entre les producteurs et les laiteries pour définir une vision stratégique territoriale » paraît indispensable à l’avenir. Les auteurs estiment que « la démarche pourrait être impulsée par les conseils régionaux et les interprofessions régionales, avec l’appui des services de l’État », dans chaque bassin laitier. Sans ces engagements au sein de la filière, « l’option de la décroissance paraît inéluctable », conclut la mission.

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