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« En France, la priorité doit être de protéger ceux qui nous nourrissent »

Nicolas Chabanne, fondateur de la marque C'est qui le Patron ?!, souligne la nécessité de trouver une solution pour les éleveurs délaissés par Lactalis.

Fondateur de la marque C’est qui le patron ? !, Nicolas Chabanne publie le 17 octobre 2024 un manifeste de soutien des consommateurs envers les producteurs (1). Il revient sur le succès de sa brique de lait solidaire et la nécessité de trouver une solution pour les éleveurs « laissés en plan » par Lactalis, mais pas seulement.

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Les cinquante exploitations qui ne seront plus collectées par Lactalis rencontrées par la Laiterie Saint-Denis-de-l’Hôtel (LSDH) le 9 octobre vont-elles rejoindre le mouvement C’est qui le patron ? ! (CQLP) ?

Avant de rejoindre CQLP, c’est d’abord l’Association des producteurs de lait pour le bien collectif (APLBC) livrant à la Laiterie Saint-Denis-de-l’Hôtel qui accueille les nouveaux arrivants. Certains d’entre eux ne voudront pas ou ne pourront pas se conformer à notre cahier des charges, qui inclut notamment trois à six mois de pâturage et une alimentation non-OGM. Les autres pourront ensuite rejoindre CQLP.

Votre objectif est-il de « sauver » les 450 millions de litres que Lactalis a annoncé ne plus collecter ?

Seuls, on ne pourra pas valoriser ce volume dans un délai très court sans une mobilisation globale. Nous n’en avons pas aujourd’hui la possibilité matérielle. Pour autant, la Laiterie Saint-Denis-de-l’Hôtel est une vraie locomotive. CQLP est la référence la plus vendue de la laiterie, à raison d’une brique de lait sur cinq.

Mais elle travaille aussi pour CantAveyLot, Faire France et des marques de distributeurs solidaires. Elle a donc des capacités. Il faut que les enseignes mettent du lait équitable dans leurs magasins, que ce soit CQLP ou d’autres. Aujourd’hui, la brique CQLP n’est présente que dans un magasin sur deux. Si tous les magasins de France la vendaient, alors les volumes « laissés en plan » par Lactalis seraient sauvés.

Comment expliquez-vous que 50 % des magasins ne référencent pas la brique CQLP ?

Notre référencement n’est pas figé : petit à petit, de nouveaux magasins vendent notre brique de lait. La progression des ventes est constante depuis sa création il y a huit ans avec même une accélération depuis un an. La prise de conscience du consommateur va plus vite que la logique du marché.

Sur trois ans, le prix de la brique est passé de 0,99 € à 1,27 € sans que cela impacte la dynamique d’achat. Il y a encore des magasins qui ne connaissent pas ces performances commerciales. C’est donc une question de temps. 116 millions de litres de lait sont aujourd’hui valorisés pour CQLP. C’est à la fois beaucoup et pas assez au niveau du rayon du lait.

Donner une place prioritaire aux laits solidaires en magasin comme vous l’appelez de vos vœux, n’est-ce pas aussi faire de l’ombre aux éleveurs ne bénéficiant pas de telles démarches ?

Non, car en tant que coopérative de consommateurs, notre priorité est que tout le monde gagne. On pense évidemment au sort direct des producteurs qui sont dans ces grandes laiteries. Nous savons de façon certaine que si un éleveur laitier reste à des seuils de rémunération dans lesquels il ne peut pas vivre, ce qui est injuste et insupportable, personne ne reprendra son exploitation.

L’urgence est donc d’opérer un transfert des volumes de ces laits pas durables, pas rentables et pas justes pour le producteur vers du lait équitable. Il y aura peut-être la même quantité de lait vendue au global — c’est ce qu’on nous oppose souvent — mais c’est quand même mieux si c’est équitable. Et dans l’absolu, on n’a pas le choix. En France, la priorité doit être de protéger les gens qui nous nourrissent. Personne n’a conscience du scénario qui s’écrit si l’on ne fait rien.

(1) « Qui décide ? Nous ! », Éditions Michel Laffon, 2,90 €. Bénéfices des ventes reversés aux producteurs.

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