L’OFB observe « l’écart entre la réalité des contrôles et le ressenti de la profession agricole »
Promise par le gouvernement, la signature de la convention entre l’OFB est les Chambres d’agriculture attendra les élections professionnelles de janvier prochain selon Olivier Thibault. Le directeur général de l’OFB constate que les auditions sont vécues comme des condamnations pour les agriculteurs. Quatrième épisode d’un entretien auquel il répond aux critiques du monde agricole [Série de cinq épisodes]
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Quel sera le contenu de la convention entre l’OFB et les Chambres d’agriculture ?
Nous sommes partis des difficultés et du ressenti des agriculteurs. Nous avons défini trois axes. Le premier, c’est de mieux se connaître et de davantage se parler. Cela veut dire organiser au niveau de chaque département des réunions régulières et être capables, dans ce cadre, de se parler des problèmes, des irritants, des points de désaccord, notamment lorsque la réglementation est mal comprise.
Quel est le deuxième axe ?
Le besoin de se former des deux côtés. Nous sommes en train de déployer des formations auprès de nos inspecteurs de l’environnement sur le contexte agricole organisées avec des agriculteurs. L’objectif est de leur expliquer les sujets économiques, sanitaires, d’organisation, et les différentes réglementations qui s’appliquent sur les exploitations. 300 agents sont déjà formés et le dispositif est en train d’être généralisé. À l’inverse, nous aurions besoin que les représentants et les chargés de mission des chambres d’agriculture soient mieux formés au droit de l’environnement.
Pourquoi ?
Pour qu’ils soient capables d’expliquer et sensibiliser les agriculteurs qu’ils voient tous les jours, à l’état de la réglementation et ce qu’ils doivent mettre en œuvre. Nous trouvons que les agents des Chambres d’agriculture partagent et forment très bien les agriculteurs sur les enjeux de la Pac, le développement de projets variés, mais ils parlent trop peu encore d’environnement.
Et quel sera le dernier axe de la convention ?
C’est d’être capable de gérer les crises et les contrôles. Il y a un système qui, sur le papier, est maintenant bien écrit depuis un an, mais qui n’a pas eu le temps de se mettre totalement en œuvre avant la crise. Cela part de la stratégie nationale des contrôles qui doit être déclinée dans chaque département, afin de déterminer les priorités de contrôle locales en fonction des enjeux de chaque territoire.
Quel en est l’intérêt ?
Cela permet d’être clair sur ce qui est important pour l’État, et de définir ce que l’État veut contrôler. On peut alors organiser des journées pédagogiques pour faire un contrôle à blanc et échanger sur les problématiques. Et derrière, les agents de l’OFB savent où ils vont, et les agriculteurs savent sur quoi ils sont attendus. Je prends l’exemple des Pyrénées Orientales avec un enjeu majeur du partage de la ressource en eau. Lorsque nous nous mettons d’accord sur le partage de la ressource, il faut bien que quelqu’un contrôle, sinon cela devient totalement inéquitable vis-à-vis de ceux qui respectent la règlementation.
Ce sera à l’OFB d’établir cette stratégie locale de contrôles ?
Non, c’est d’abord la responsabilité du préfet, qui est le représentant de l’État dans le département, et du procureur de la République, qui dirige l’action publique en cas d’infraction pénale. Ce sont eux qui réunissent tous les services concernés et regardent comment organiser ces contrôles. Pendant la crise agricole, nous avons bien vu que nous rencontrions des difficultés dans un certain nombre d’endroits, parce qu’il n’y avait pas suffisamment de lignes directrices.
Dans notre projet de convention, nous avons aussi intégré l’intérêt qu’on avait collectivement à rédiger des fiches pédagogiques locales sur quelques sujets précis, comme les traitements phytosanitaires en arboriculture ou l’enjeu des haies, par exemple.
Les Chambres d’agriculture avaient communiqué leurs conditions à la signature de la convention : développement de peines de substitution sous forme de formation, des lieux moins stigmatisant pour les auditions. Et à vous entendre, celles-ci ne sont pas dans cette convention ?
La quasi-totalité de ce vous évoquez relève de la loi ou des tribunaux. Je ne peux pas modifier dans une convention des choses qui ont été voulues par le législateur ou qui ne relèvent pas de l’OFB.
Concernant les peines de substitution et les contrôles, une chose m’a frappé à la suite de la crise : c’est l’écart entre la réalité des contrôles effectivement diligentés et le ressenti de la profession agricole. Une mission de l’inspection générale a travaillé sur le contrôle unique. Les inspecteurs, lors de nos échanges, nous ont rapporté que, sur une année donnée, 90 % des agriculteurs ne font l’objet d’aucun contrôle administratif dans l’année. Ils sont 9 % à subir un contrôle, et seulement 1 % à connaître plus d’un contrôle, et aucun plus de 5 contrôles. Ce décalage doit nous interroger collectivement.
C’est d’autant plus frappant que les inspecteurs chargés de ce rapport ont pointé le même décalage entre les peines plafonds prévues par la loi pour des infractions environnementales et les peines réellement prononcées. Je le dis parce que cela faisait partie des revendications des agriculteurs. Trouvez-moi quelqu’un qui a été condamné à une peine d’emprisonnement ferme pour des arrachages de haies, même sur 15 kilomètres, il n’y en a pas. Les peines réellement émises par les tribunaux sont très souvent des rappels à la loi, des stages de formation et de citoyenneté, des compositions pénales ou des amendes forfaitaires de faible montant.
Des agriculteurs ont toutefois l’impression d’être traités comme des délinquants au cours d’auditions ?
Il s’agit d’un vrai sujet sur lequel nous devons collectivement réfléchir. Les agriculteurs expriment un vrai malaise sur cette phase d’audition et d’explication alors qu’elle est mise en place pour les protéger, pour les entendre, pour leur permettre de s’expliquer, de donner leur vision des choses dans le respect du contradictoire. Nous voyons bien que cela est en réalité vécu comme une condamnation ou comme une humiliation.
Lorsqu’un agent de l’OFB constate un problème, il écrit « arrachage de haies », « curage de cours d’eau sur trois kilomètres », « produits phytosanitaires sur 500 mètres d’un cours d’eau » … Il constate et il s’impose d’auditionner l’agriculteur en procédure libre. J’insiste, ce n’est pas de la garde à vue : les inspecteurs de l’environnement de l’OFB ne peuvent pas priver quelqu’un de sa liberté d’aller et venir et le forcer à subir un interrogatoire. Le premier droit que nous notifions au début d’une audition, c’est le droit de quitter les lieux.
Ensuite, le constat de l’agent et les explications de l’agriculteur sont envoyés au procureur. C’est lui qui va ensuite choisir et déterminer s’il y a lieu de poursuivre les investigations, d’abandonner les charges ou de proposer une sanction. L’agent de l’OFB ne juge pas et n’a d’ailleurs pas à le faire.
Mais l’agriculteur doit-il être forcément auditionné à la gendarmerie ?
En théorie, nous devrions faire venir les agriculteurs au siège de l’implantation locale de l’OFB qui peut être à une heure ou une heure et demie de route. Pour faciliter l’audition, nous proposons souvent d’aller dans la gendarmerie la plus proche. Ils ne sont pas obligés de dire oui, et s’ils ne veulent pas se rendre à gendarmerie, ils peuvent tout à fait venir à notre implantation.
N’est-il pas possible d’imaginer cette audition en mairie par exemple comme le suggéraient les Chambres d’agriculture ?
Quand on fait une audition, nous sommes obligés de remplir un certain nombre de conditions : une table, une chaise, un espace fermé, que des passants ne puissent pas voir… Ce sont des choses assez bêtes que nous ne savons pas forcément garantir à l’avance en dehors de nos implantations ou de la gendarmerie. Dans une mairie, vous ne pouvez pas garantir qu’un agent de mairie ne va pas passer au moment de l’audition. Ces règles de confidentialité sont aussi là pour protéger les mis en cause.
Pourquoi cette convention promise en début d’année n’a pas encore été signée ?
Parce que dans un contexte précédant les élections aux chambres d’agriculture (N.D.L.R. : en janvier 2025), il est difficile d’avancer, entre autres, sur ce sujet. Mais j’espère que nous reprendrons sereinement ce projet après les élections, et je suis très heureux de voir que même en l’absence de signature, le contenu de ce projet de charte commence à être mis en place dans des départements. Cela nous aidera ensuite à avancer.
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