Une méconnaissance de l’agriculture était reprochée à l’OFB, ainsi qu’une pression des contrôles. Comment l’expliquez-vous ?

Il y a beaucoup de tensions dans le monde agricole. Un certain nombre de systèmes de production sont en difficulté pour des raisons parfois liées à des normes, parfois liées au marché, parfois liées à des systèmes d’aides. Et certains agriculteurs ont du mal à boucler leurs fins de mois ou à avoir de la visibilité. L’expression du malaise provient en grande partie de là, ce que nous comprenons.

Nous l’avons bien vu l’hiver dernier. Il est plus simple de s’attaquer ou de prendre comme cible les gens qu’on voit, que l’on connaît. Les agents de l’Office français à la biodiversité sont plus visibles que ceux de l’ASP, de la DDPP, des services vétérinaires, ou des services chargés du contrôle des aides, pour la simple et bonne raison qu’ils portent un uniforme. Ils sont dépositaires d’une part de l’autorité de l’État.

Au-delà de cette visibilité, les critiques étaient-elles fondées ?

Nous avons eu le sentiment d’être les boucs émissaires d’une exaspération dans les territoires au sujet des normes trop importantes. Je ne dis pas que l’OFB est parfait, mais, au-delà des postures, à chaque fois que nous avons réussi à instaurer un dialogue pour parler des problèmes, identifier ce sur quoi il fallait travailler, très vite, ce sont principalement des normes ne relevant pas de l’action de l’OFB qui ont été mises en avant.

Lesquelles ?

Les critères d’aide de la Pac perçus comme toujours plus compliqués, la surveillance par satellite a été citée alors que l’OFB n’y a pas accès, la surveillance sanitaire très stricte aussi alors nous n’avons pas de compétences dans ce domaine pour les animaux d’élevage, ou encore les contrôles fiscaux alors que l’OFB n’en fait pas. Il est souvent rapporté que le contrôle environnemental est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, même si tous comprennent qu’il est légitime de vouloir de l’eau potable, de diminuer les risques d’inondation, de ne pas créer des risques pour la santé des riverains.

Durant les manifestations de l'hiver dernier, les agriculteurs disaient « stop » à un excès de normes, y compris environnementales. (©  Jean-Bernard Nadeau)

Il a été aussi reproché à vos agents de méconnaître l’agriculture.

L’OFB est un établissement très territorialisé avec des agents qui sont sur le terrain. Sur les 3 000 agents de l’OFB, 2 000 passent l’essentiel de leurs journées sur le terrain. C’est plus que nombre d’autres administrations qui se sont recentrées, au gré des mutations de l’État territorial, sur des missions d’expertise et de dossiers.

Les agents de l’OFB connaissent donc très bien la réglementation environnementale qui s’applique aux agriculteurs. Les marges de progrès sont plus importantes sur la connaissance des autres contraintes qui s’appliquent aux agriculteurs, ne serait-ce que pour connaître les autres réglementations qu’ils doivent aussi appliquer, leur écosystème socio-économique et les périodes qui peuvent être les plus tendues sur leur exploitation.

Quand un agriculteur n’arrive plus à respecter les normes environnementales, c’est souvent qu’il a d’autres problèmes, par exemple sanitaires ou économiques. Quand quelqu’un est dépassé ou n’y arrive plus, tout devient difficile.

Le 26 janvier 2024, dans un discours au monde agricole, le Premier ministre Gabriel Attal s’est demandé s’il fallait que les agents de l’OFB viennent armés pour contrôler une haie.

Gabriel Attal a bien compris l’intérêt et la nécessité de conserver l’armement des policiers de l’environnement pour faire respecter le droit. En période de crise, il y a peu de bande passante pour des réflexions rationnelles. Il faut accepter de laisser passer le pic des tensions et reprendre les problématiques à froid. C’est ce qu’on s’est attaché à faire avec la FNSEA, avec les Jeunes Agriculteurs, et plus récemment avec la Coordination rurale.

Quels échanges avez-vous avec le monde agricole ?

Au sein de notre conseil d’administration, il y a un représentant des Chambres d’agriculture de France et un représentant du syndicat majoritaire, donc nous avons des relations au quotidien avec le secteur agricole par le biais de nos conseils d’administration et de nos différentes commissions.

Au-delà, des points réguliers sont organisés à tous les niveaux (national, régional, départemental) pour partager les besoins, les ressentis, les sujets sur lesquels il faut travailler. Nous faisons également des opérations communes comme celle sur l’entretien des cours d’eau qui s’est tenue dans 15 départements. C’est une belle initiative et nous sommes toujours à disposition de la profession agricole pour mieux expliquer la réglementation, les enjeux qu’il y a derrière et comment bien l’appliquer sur une exploitation.

En quoi consistait cette opération ?

Une partie de la profession agricole exprime de l’incompréhension devant la règlementation qui s’applique aux fossés et aux cours d’eau. Pourtant, ces règles sont anciennes. La vraie question, c’est d’abord de se demander pourquoi ce problème ressurgit maintenant. C’est parce que dans beaucoup d’endroits, il y a plus de sédiments et d’embâcles que par le passé, ce qui est largement lié à des évolutions du profil agricole ou de l’évolution de l’urbanisation de certains territoires.

Les cas concrets rencontrés à Brécey dans la Manche ont nourri des discussions animées sur l'entretien des cours d'eau et fossés entre agriculteurs et policiers de l’environnement, le 25 septembre 2024. (©  Claire Maite Guyon)

Là où vous aviez de l’élevage qui s’est transformé en grandes cultures, des prairies sont retournées, des haies supprimées, les terres sont cultivées dans le sens de la pente. Cela a un impact direct sur la terre qui part dans les cours d’eau. Si vous ne les entretenez pas, évidemment que vous avez des vrais problèmes sur certaines parcelles. Cela renvoie à une question d’aménagement du territoire en amont : comment faire pour que la terre reste dans la parcelle ?

En aval, lorsqu’il y a des problèmes, nous avons aussi besoin d’encadrer les interventions d’entretien réalisées sur les cours d’eau, parce que ce sont des milieux sensibles qui peuvent abriter des espèces rares, et que certaines opérations d’entretien peuvent être pires que le mal : en accélérant le débit sur un cours d’eau, vous augmentez le risque d’inondation en aval. C’est pour cela qu’entretenir ne veut pas dire rectifier le cours d’eau, changer la ligne d’eau ou aboutir à une forme rectiligne sur 500 mètres accélérant les flux.

Ces journées organisées par la FNSEA permettent de rappeler ce qu’est un entretien normal de cours d’eau et ce qu’est une modification. Dans un cas, cela ne relève pas de la procédure, dans l’autre, oui. J’en profite pour rappeler que quand vous avez un embâcle dans un cours d’eau pendant un épisode de crue/inondation, il n’y a pas de difficulté pour l’enlever. Je n’ai pas connaissance de procès-verbal émis pour des embâcles enlevés dans ces cas-là.

Depuis plusieurs jours, le monde agricole se mobilise de nouveau. Craignez-vous que l’OFB soit de nouveau pris pour cible ?

Il y a eu des violences contre des agents, elles sont condamnables, mais elles ne sont pas représentatives de la profession dans son ensemble. C’est important pour moi de le redire, l’OFB ne travaille pas contre le monde agricole, mais avec lui. La ministre de l’Agriculture l’a bien dit, il ne faut pas opposer environnement et agriculture. Le premier outil de travail d’un agriculteur, c’est la nature et l’OFB est là pour que cet outil soit protégé et en bon état pour l’agriculteur. Notamment en anticipant ce que sera l’agriculture de demain, face au changement climatique, dont l’agriculture est aujourd’hui la première victime.

Envisagez-vous de réduire le nombre de contrôles administratifs en raison des mobilisations ?

Sur les contrôles, il n’est pas prévu de changement dans nos missions. Nous défendons des enjeux essentiels pour l’environnement, de façon professionnelle et pragmatique sur le terrain avec nos agents. Ce sont les préfets et les procureurs qui décident de la feuille de route de ces contrôles en fonction des situations locales. L’OFB applique ensuite les directives.