La règlementation environnementale serait-elle plus acceptable si elle était plus simple ?
L’OFB ne fait pas de réglementation. Nous sommes chargés d’appliquer une réglementation qui est édictée par l’État et donc le Parlement, le gouvernement, ou le préfet. L’OFB ne décide rien, ni en amont sur l’autorisation, ni à l’aval sur les condamnations. Souvent, nous sommes critiqués pour la complexité de telle ou telle réglementation alors que nous en souffrons aussi, parce que la complexité rend l’exercice du contrôle ou la charge de la preuve plus difficile pour nos agents.
La simplification doit-elle alors s’imposer ?
Je me méfie des grands projets de simplification. À chaque fois que nous voulons simplifier, nous créons en fait plus de complexité, parce que simplicité ou lisibilité est confondue avec adaptabilité au cas par cas. C’est particulièrement vrai dans le monde agricole. Il y a tellement l’envie de minimiser les contraintes de l’agriculteur en fonction de son cas particulier que l’on prend de nombreuses dérogations qui aboutissent à des usines à gaz qui permettent de prendre en compte tous les cas.
Un exemple ?
L’illustration, ce sont les 14 règlementations sur les haies. Nous pourrions avoir une seule règlementation protégeant les haies avec le pouvoir donné au préfet d’autoriser des dérogations. Mais je suis sûr que personne ne sera d’accord pour cette règle simple car il faut une dérogation en cas de remembrement, en cas de réalisation d’une route, en cas d’agrandissement d’un bâtiment… Le cousu main conduit à la complexité.
La règlementation environnementale n’est-elle pas vécue comme la norme de trop ?
L’agriculteur ou l’éleveur accepte et intègre la norme qui lui permet de cadrer son exploitation. Cela concerne en gros toute la règlementation liée au sujet sanitaire de son exploitation, aux aides Pac… C’est de la règlementation comprise et assimilée. Je constate que c’est difficile pour un agriculteur d’accepter une norme qui ne le protège pas lui, mais qui protège d’autres enjeux.
Lesquels ?
Il faut sans cesse rappeler que la norme environnementale est là pour protéger, notamment l’eau que l’on boit, l’air que l’on respire, la capacité de l’environnement a pouvoir continuer à produire des aliments. Les agriculteurs sont d’ailleurs souvent les premières victimes du dérèglement climatique que nous n’avons pas su limiter de façon suffisante.
Nous l’avons vraiment bien vu durant la crise agricole. Nous avons eu beaucoup de reproches sur les contrôles phytosanitaires par exemple dans les périmètres de captage. Or, ces normes sont là pour protéger la qualité de l’eau potable. Les zones de non-traitement (ZNT) riverains sont là pour empêcher de toucher les riverains lorsqu’ils sont dans leur jardin à côté. C’est un enjeu de santé publique, des agriculteurs, mais aussi de population générale, qui a le droit de vivre en bonne santé. Le contrôle des haies répond pour sa part notamment à un enjeu de biodiversité mais aussi d’inondation : il n’y a rien de plus efficace pour retenir l’eau que d’avoir une haie et des bandes enherbées plutôt qu’une culture dans le sens de la pente jusqu’au cours d’eau.
Mais les agriculteurs ne doivent-ils pas être mieux accompagnés face à ces enjeux ?
Avec ces exemples, nous voyons que les efforts non rémunérés, à savoir les contraintes supplémentaires en lien avec les enjeux qui ne sont pas directement ceux des agriculteurs comme la protection de l’eau potable, la santé des populations ou le risque d’inondation, sont extrêmement difficiles à accepter pour eux. Cela pose d’ailleurs la question d’une vraie rémunération de ces efforts qui sont réels de la part des agriculteurs et de leur meilleure prise en compte dans les aides et les chaînes de valeur agroalimentaires. L’acceptabilité de ces normes est compliquée. Elle est vécue comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Et qui contrôle cela aujourd’hui ? Notamment les agents de l’OFB.
Le rapport du Sénat sur l’OFB entend vouloir donner la priorité à plus de pédagogie et moins de répression. Cela va-t-il dans le bon sens ?
Je suis satisfait que ce rapport dise que l’OFB exerce avec sérieux ses missions avec les moyens donnés. Il y a quelque chose que je trouve très vrai dans ce document : « La police de l’environnement est en quête de légitimité. » C’est un vrai sujet que l’on doit regarder ensemble. Comment la protection de l’environnement et des enjeux environnementaux rentre dans la morale collective ? Et ce que met en évidence ce rapport, c’est que ce n’est pas aujourd’hui complètement évident.

Faire plus de pédagogie et moins de répression, c’est un équilibre que nous devons trouver en permanence. Au vu du nombre actuel de procès-verbaux émis par rapport au nombre d’infractions relevées, je constate que nous faisons déjà beaucoup de pédagogie. Mais ceux qui bénéficient d’un simple rappel ont parfois tendance à oublier vite, alors que ceux qui sont sanctionnés en parlent encore parfois des années après.
Les contrôles à blanc proposés par le Sénat sont alors déjà réalisés aujourd’hui ?
Oui, nous en faisons déjà, mais peut-être pas assez. Lors de nos journées pédagogiques, nous avons des difficultés à faire venir les agriculteurs. En général, dans chaque département, nous nous retrouvons avec huit ou dix agriculteurs. Je reste persuadé que s’il n’y a pas un minimum de répression, nous ne sommes pas pris au sérieux. Il faut une règle claire, partagée, et lorsqu’elle n’est pas respectée, il faut être capable aussi de sanctionner. C’est une mesure de justice.
Parmi les propositions, il y a aussi l’idée de stage de sensibilisation à l’environnement. Une bonne idée ?
C’est à l’initiative aujourd’hui des procureurs. Cela peut être utile mais j’ai aussi constaté que cela peut aussi crisper. J’ai en tête certains cas où les procureurs ont choisi de faire faire les stages par des ONG. Cela n’a pas forcément l’effet direct et attendu sur l’exploitant agricole. Je trouve que faire de la pédagogie et puis imposer des stages, c’est bien, mais il faut que ce soit le bon interlocuteur.
L’OFB peut-il l’être ?
Cela prend énormément de temps et aujourd’hui notre facteur limitant, c’est le nombre de d’agents. Nous tenons par ailleurs à conserver notre posture de neutralité qui fait notre force dans l’exercice de la mission de police : nous ne sommes « pour » aucun camp. Nous sommes chargés de faire respecter certaines règles et de le faire de la manière la plus impartiale possible.