À l’OFB, l’idée « d’un contrôle administratif unique est pleinement légitime »
Olivier Thibault explique comment l’Office français de la biodiversité dont il est directeur général mène ses contrôles. La promesse du gouvernement d’une meilleure coordination des contrôles est une « très bonne nouvelle », selon lui. Troisième épisode d’un entretien auquel il répond aux critiques du monde agricole [Série de cinq épisodes]
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Qu’est-ce qui déclenche un contrôle de l’OFB ?
Il y a plusieurs cas. Je commencerai par les contrôles administratifs qui permettent de vérifier la bonne mise en œuvre d’une autorisation quelle qu’elle soit. Quand un agriculteur veut réaliser un drainage sur une zone humide et qu’il a déposé une demande de déclaration par exemple, l’OFB est chargé par le préfet de vérifier la bonne application de cette procédure.
L’agriculteur est prévenu en avance dans ces cas-là ?
Nous sommes en train d’évoluer pour mettre en place des systèmes pour prévenir l’agriculteur, parce que ce sont des contrôles prévisibles sur des travaux ou la mise en place d’une réglementation. Nous faisons très peu de contrôles de ce type : 3 000 en 2023 pour 400 000 exploitations. Le taux de retour sur l’exploitation d’un contrôle administratif est approximativement une fois tous les 120 ans.
Nous avons ensuite des contrôles de territoire qui ne concernent pas spécifiquement l’agriculture.
Lesquels ?
Exemple typique, quand vous êtes en période de sécheresse, il y a un problème de ressources en eau et il est interdit d’arroser entre 8 h et 20 h. Nous faisons alors des tournées dans les territoires pour regarder si des enrouleurs ou des systèmes d’irrigation fonctionnent pendant ces horaires d’interdiction. Nos agents sont très visibles durant ces contrôles pour vérifier l’équité de traitement afin que celui qui triche soit sanctionné par rapport à celui qui respecte la règle. Nous pouvons en faire beaucoup sur une période courte. En août 2023, nous avons réalisé plus de 8 000 contrôles de sécheresse.
Le troisième grand facteur de déclenchement des contrôles, ce sont les plaintes ou les signalements par des particuliers, des collectivités ou d’autres administrations qui nous indiquent un problème d’impact environnemental, de non-respect d’une réglementation et nous demandent s’il est possible d’aller vérifier. Nous sommes saisis judiciairement sur ces signalements. C’est une modalité d’organisation un peu différente où nous allons sur place pour vérifier si une infraction a bien été commise, essayer de la qualifier et, si le procureur nous le demande, démarrer une enquête.
Avez-vous réduit le nombre de contrôles en 2024 au cours des manifestations de cet hiver ?
Nous les avons adaptés. Il y a eu plusieurs séquences dans la crise. Pendant le pic, en février et mars 2024, nous avons quasiment arrêté les contrôles administratifs, en lien avec les préfets, pour laisser le temps de retrouver suffisamment de sérénité et ne pas mettre de l’huile sur le feu. Cela nous a permis de discuter posément avec la profession agricole et d’identifier des irritants.
Après, nous avons eu une phase de redémarrage progressif qui a été coordonnée avec les réunions des missions interservices de l’eau et de la nature. À chaque fois, en relation étroite avec le préfet et la DDT, les services de l’agriculture, nous avons regardé les conditions locales, les priorités et les modalités de redémarrage. Nous avons fait beaucoup de contrôles pédagogiques aux mois d’avril et mai. À partir de là, nous avons repris progressivement avec des secteurs plus sensibles que d’autres.
Les contrôles judiciaires ont également été suspendus ?
Sur les sujets judiciaires, nous avons continué, en relation étroite avec les procureurs, un certain nombre de procédures et à chaque fois en s’adaptant au cas par cas. Même pendant la crise, quand il y a eu des grosses infractions volontaires, les procureurs nous ont demandé de continuer. Sur des petites infractions, certains actes d’enquête ou de procédures ont été décalés. Cette période nous a aussi permis de mieux expliquer nos missions. Ce n’est pas du temps perdu, cela nous a permis de collectivement progresser.
Quel est le taux de conformité des contrôles réalisés en 2024 ?
Il est bon. 8 % des contrôles conduisent à des infractions. La grande majorité des agriculteurs travaillent de façon droite et honnête, et respectent l’ensemble de la réglementation. Il n’y a aucune ambiguïté. Et je veux le rappeler, nous travaillons de façon sereine et constructive avec le monde agricole. S’il y a des tensions, elles sont à la marge.
En janvier 2024, Gabriel Attal promettait un contrôle administratif unique. La règlementation environnementale pourrait-elle en faire partie ?
Je trouve que l’idée d’un contrôle administratif unique est pleinement légitime et doit être poussée. Cela implique une meilleure coordination des services de l’État et cela doit se faire avec des précautions. Sinon, nous aurons d’autres difficultés. En revanche, le contrôle unique ne peut pas regrouper tous les types de contrôles comme certains le demandaient.
Lesquels devraient alors être regroupés ?
Il me semble qu’il y a au moins trois types de contrôles différents qu’il n’est pas possible d’amalgamer. Si vous vous engagez dans une certification, vous vous engagez au respect d’un cahier des charges et à son contrôle volontaire. Ce n’est pas réglementaire, mais commercial. Les contrôles de territoire ne peuvent pas non plus rentrer dans le contrôle unique. Si vous êtes contrôlé au début de l’année pour vos aides Pac, aurez-vous le droit de prendre toute l’eau que vous voulez pendant l’été ? Cela ne tient pas. S’il y a une procédure judiciaire, cela doit être également en dehors du cadre d’un contrôle unique.
La ministre de l’Agriculture Annie Genevard prévoit d’annoncer une meilleure organisation des contrôles. Qu’en attendez-vous ?
Une meilleure coordination des contrôles des différentes administrations est une très bonne nouvelle pour tous. Nous sommes à la disposition des ministères et l’OFB participera à la construction de ce dispositif. Le contrôle pour le contrôle n’a évidemment aucun intérêt et perturbe un exploitant dans son travail au quotidien. Une meilleure synchronisation des services est primordiale et c’est le rôle qui est d’ores et déjà assumé par le préfet. Mais je le répète, tous les contrôles ne peuvent pas être mis au même plan. Le contrôle d’un captage d’eau n’est pas celui du cahier des charges d’un label.
La ministre a ajouté que la profession agricole était « hypercontrôlée » et que les agriculteurs « ont autre chose à faire que de répondre à des contrôles qui se multiplient ». Partagez-vous ce constat ?
Il est vrai que les agriculteurs se sentent parfois submergés par les exigences administratives et réglementaires, ce qui peut être perçu comme un frein à leur activité. Cependant, il est important de replacer les choses dans leur contexte. À l’OFB, nous préférons toujours qu’une atteinte à l’environnement soit évitée plutôt que d’avoir à la constater pour qu’elle soit sanctionnée. Notre mission est avant tout de veiller à ce que les réglementations environnementales soient respectées, car elles protègent des ressources essentielles et communes à tous.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :