Dermatose nodulaire : des contraintes lourdes à supporter
Malgré le ralentissement de la propagation du virus de la dermatose nodulaire contagieuse, les restrictions de mouvements dans la zone réglementée complexifient la descente d'estive des troupeaux et la sortie des veaux laitiers vers les ateliers d'engraissement.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Avec le dernier foyer de dermatose nodulaire contagieuse détecté dans l’Ain le 6 septembre 2025, la levée de la zone réglementée interviendra au plus tôt le 22 octobre, 45 jours après le dernier dépeuplement. Cela veut dire que les contraintes, en particulier pour les mouvements des animaux, vont continuer à s'appliquer dans les zones de protection et de surveillance. Cette gestion sanitaire et ses conditions très strictes interviennent en pleine période de descente d’estives et de vêlages pour la région laitière Rhône-Alpine, touchée de plein fouet par la maladie depuis le 29 juin 2025.
« Bloquer l’abattage de mon troupeau, j’y ai pensé… Mais j’ai eu peur pour les autres » (17/09/2025)
Neige et manque de fourrages
« Environ 3000 bovins en estive dans la zone réglementée doivent retourner chez leurs propriétaires en zone indemne, estime Bernard Mogenet, président de la FDSEA des Savoies. Et aujourd’hui ces mouvements sont totalement interdits. Il y a déjà eu des coups de neige en altitude, ces bovins ne peuvent pas y rester. Et on n’a pas la ressource fourragère en fond de vallée pour les alimenter : ils doivent retourner dans leur exploitation d’origine, d’autant qu’il y a des vaches prêtes à vêler. »
Certains mouvements dans le sens inverse sont déjà possibles. « Les animaux mis en pension en zone indemne peuvent rentrer chez leurs propriétaires en zone de surveillance, indique Bernard Mogenet. Ils ne peuvent pas être vaccinés à leur départ car cela étendrait la zone vaccinale, qui ferme l’export pour quatorze mois. Donc ils seront vaccinés à leur arrivée. »
Selon Romain Persicot, ingénieur au groupement de défense sanitaire (DGS) de l’Ain, obtenir ces laissez-passer sanitaires n’est pas mince affaire. « Tout un tas de dérogations sont prévues pour les mouvements d’animaux, ce sont de réelles contraintes pour les élevages. À condition qu’elles soient acceptées, car il faut vraiment cocher toutes les cases », insiste-t-il.
De longues démarches administratives
À Ambronay dans l’Ain, le Gaec sur la Tour est en zone de surveillance depuis la fin juin. Alice Courouble, l’une des trois associées, espérait que la couverture vaccinale leur permettrait de voir le bout du tunnel. « Le nouveau cas de dermatose [dans l'Ain le 6 septembre] repousse encore le délai de 45 jours, soupire l’éleveuse allaitante. Au début, il était strictement interdit de bouger une bête : si l’herbe manquait, il fallait affourager au pré."
«Mais avec le changement climatique, on est de moins en moins autonomes, souligne-t-elle. On ne peut pas se permettre de taper dès l’été dans nos stocks de fourrages ! Et nous ne sommes pas équipés pour affourager en vert. Maintenant, il y a des dérogations. Mais pour un simple changement de parc, s’il n’est pas contigu, il faut demander un laissez-passer sanitaire à la DDPP, payer une visite vétérinaire à 44 €, désinsectiser et attendre la validation de la DDPP. C’est ingérable. »
« Nous avons pleinement conscience des difficultés que cela pose, affirme Marie-Christine Le Gal, directrice générale adjointe de la direction générale de l’alimentation (DGAL). Pour l’heure, au vu de la dynamique de la maladie, il n’est pas possible d’autoriser la sortie des animaux vers la zone indemne. » La DGAL étudie des solutions au sein de la zone en accord avec les opérateurs et les chambres d’agricultures. « Si nous avons des mesures très strictes, c’est avant tout pour permettre à la maladie de s’éteindre au sein de la zone réglementée, appuie la directrice générale. Des discussions sont en cours pour des filières spécifiques ».
2 000 vêlages par semaine
En plein pic des vêlages en Savoie et Haute-Savoie, l’avenir des veaux laitiers reste en suspens. Sur les mois de septembre et octobre, la région compte en moyenne 2 000 naissances par semaine. « La sortie d’animaux vifs de la zone réglementée pose problème, alerte Alexandre Sauque, responsable des ventes pour l’entreprise Drevon, intégrateur dans la région Sud-Est. Nous ne disposons que de 2700 places à l’engraissement au sein de la zone [réglementée]. » Dès que des veaux de boucherie sont abattus, de nouveaux lots sont mis en place, mais le rythme n’est pas suffisant.
« Nous sommes en plein pic de vêlages, les éleveurs se retrouvent avec des veaux sur les bras, dans des nurseries faites pour les garder 15 à 30 jours. Ça doit être ingérable pour eux », se désole l’intégrateur. Romain Persicot du GDS de l’Ain souligne aussi les difficultés techniques pour garder ces animaux. « Faire du veau de lait, ce n’est pas si simple, insiste-t-il. Les éleveurs concernés par la zone réglementée depuis fin juin ont deux mois de stock de veaux bloqués dans leurs fermes. »
La DGAL est consiente de ce manque de places et « discute d’un protocole pour encadrer des mouvements de veaux vers l’engraissement, confie Marie-Christine Le Gal. Nous cherchons avec les opérateurs, les scientifiques et les vétérinaires s’il y a des conditions sanitaires dans lesquelles ces mouvements en dehors de la zone pourraient être possibles, ou non. » Ces dérogations concerneraient spécifiquement cette filière avec des bâtiments fermés. « Cela ne veut pas forcément dire que nous allons aboutir à une solution, mais les réflexions sont en cours, avec toujours comme but premier d’éradiquer la maladie. »
«Les bâtiments ne sont pas adaptés »
La région Rhône-Alpes est également spécialisée dans la production de veaux sevrés. Cette filière prépare des animaux pour la production de jeunes bovins abattus à 18 mois. Au 10 juillet, Alexandre Sauque recensait déjà 884 veaux sevrés et 250 broutards prêts à sortir de la zone. « Ils sont bloqués en élevage, mais les bâtiments ne sont pas du tout adaptés, insiste-t-il. Ils sont dimensionnés pour des veaux sevrés de 180 à 200 kilos, alors qu’ils feront bientôt 280 voire 300 kilos. » Entre animaux sevrés et broutards, l’entreprise fournit 60 tonnes d’aliment par semaine d’attente.
Alexis Leveno, éleveur allaitant à Saint-Savin (Isère), n’a pas pu vendre ses 25 broutards à l’exportation au 1er septembre, comme chaque année . « Nous devons absolument sevrer ces broutards pour préparer nos vaches au vêlage. Nous allons adapter nos stabulations pour accueillir les broutards temporairement, mais ça a un coût économique que nous n’étions pas prêt à encaisser sur notre exploitation, désole-t-il. Et c’est de l’alimentation supplémentaire que nous n’avons pas l’habitude de distribuer à cette époque. »
À cela s’ajoute le décalage de la rentrée de trésorerie suite à la vente différée des broutards. « On fait le dos rond, mais je ne sais pas pour combien de temps, s’inquiète Alexis Leveno, car la tension économique est là. » Ce jeune éleveur avait vacciné ses broutards contre les sérotypes 3, 4 et 8 de la fièvre catarrhale ovine (FCO) et contre la maladie hémorragique épizootique (MHE), pour pouvoir « les vendre à l’export sans avoir de problèmes ». Ils sont désormais également vaccinés contre la DNC, dans l’attente d’une dérogation.
Organiser le repeuplement
« La vaccination sera un point indispensable de toute façon pour les mouvements », assure Marie-Christine Le Gal. Si la zone réglementaire est maintenue 45 jours après le dernier dépeuplement, sa levée n’effacera pas toutes les restrictions. « Cela va beaucoup desserrer les mesures et fluidifier les flux, mais seulement pour les animaux valablement vaccinés », c’est-à-dire munis d’une immunité pleine et entière, 21 jours après l’administration de la dose.
Pour la reconstitution des cheptels après dépeuplement, une organisation collective se met en place pour les éleveurs qui le souhaitent. La Chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc centralise les besoins et fait le lien avec les organismes de sélection (OS) des races concernées – montbéliardes, abondance, tarines et races allaitantes. La disponibilité en animaux de bonne valeur génétique est suffisante, d’après les OS.
En revanche, ces animaux seront issus de zone indemne, et donc, non vaccinés. « L’enjeu particulier de la préparation de ces bovins doit être rediscuté avec les représentants de la filière en Cnopsav (1), explique Marie-Christine Le Gal. La ministre de l’Agriculture Annie Genevard tient à continuer d’impliquer tous les acteurs, notamment sur les conditions d’accueil du repeuplement. »
La propagation de la dermatose nodulaire ralentit (20/08/2025)
(1) Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale
Pour accéder à l'ensembles nos offres :