« J’avais 70 vaches et 80 génisses montbéliardes et abondance, décrit Nicolas Prud’homme, éleveur laitier à Saint-Ferréol, en Haute-Savoie. Ayant vacciné contre la MHE (1), les sérotypes 3 et 8 de la FCO (2), je pensais être paré contre les maladies… Quand un cas de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) est arrivé à Faverges, j’ai angoissé. Le 18 juillet 2025, j’ai appelé la vétérinaire pour une vache qui avait deux boules dans le cou. Deux jours après, le résultat est tombé : positif. L’annonce a été faite par une personne de la DDPP, une de la MSA et deux éleveurs de la cellule Réagir (3) que nous connaissions. Leur soutien a été très important et ils continuent à prendre des nouvelles et m’accompagner dans les démarches. »
« On est même venu dans ma cour de ferme me mettre la pression »
« Le lot touché comptait 40 vaches laitières et 20 veaux en bâtiment avec accès extérieur. L’abattage a eu lieu le 22 juillet. Je ne les ai pas regardés tomber : c’était déjà dur de les bloquer au cornadis et les nourrir une dernière fois. Le pire a été d’être accusé de ne pas aimer mes vaches. La veille à 22h00, des gens — qui n’étaient pas éleveurs — m’ont crié dessus au téléphone pour que je bloque le dépeuplement. On est même venu dans ma cour de ferme me mettre la pression. Bloquer l’abattage, j’y ai pensé, mais j’ai eu peur que d’autres élevages attrapent la maladie si je la laissais filer. Signe qu’elle n’est pas bénigne : le taux de cellules dans le lait du tank est passé de 60 000 à 320 000 sur les quatre derniers jours. »
« Je positive : il me reste 16 laitières, 40 génisses et 15 veaux. Un bel élan de solidarité a permis de vacciner rapidement toutes nos bêtes au pré. On nous a prêté des couloirs de contention que nos concessionnaires sont allés chercher dans le Doubs, les vétérinaires ont recruté des renforts… Par contre, je ne peux toujours pas réintégrer mon bâtiment. Les chantiers de désinfection, d’abord gérés par l’État, ont pris du retard. Finalement, on nous a donné un protocole et une liste d’entreprises à contacter directement. »
« Deux mois que je m’organise pour travailler dehors »
« La première désinfection a eu lieu le 15 septembre. Un deuxième lavage est programmé le 26 septembre, puis je devrai encore respecter un vide sanitaire de 28 jours avant que les animaux puissent réintégrer le bâtiment. Cela fera deux mois et demi que je m’organise pour travailler dehors, alors que mes animaux sont vaccinés depuis le 19 juillet ! On m’a prêté du matériel de traite mobile, des râteliers et des niches à veaux — certains sont logés dans une bétaillère… Même pour les éleveurs qui n’ont pas eu la DNC, le travail est compliqué : un collègue a 40 veaux chez lui à faire boire, faute de pouvoir les faire partir. »
« La veille de l’abattage, des experts sont venus estimer la valeur de chaque bête. J’ai reçu un acompte de 50 % du total. J’espère que l’indemnisation des autres pertes d’exploitation sera à la hauteur, car j’ai des emprunts ! La reconstitution des cheptels sera possible 45 jours après le dernier dépeuplement. La chambre d’agriculture a recensé tous les besoins : selon les OS (4), il y a suffisamment d’offre de qualité. Pour ne pas revivre ce drame, nous voudrions que les animaux arrivent chez nous déjà immunisés. Mais pour l’instant, il n’est pas possible de vacciner hors de la zone réglementée. »
« J’ai la chance de n’avoir pas tout perdu, et d’avoir une famille pour laquelle j’ai dû tenir le coup ! J’espère repartir très vite, comme mes grands-parents sont repartis après la tuberculose et la fièvre aphteuse. »
(1) Maladie hémorragique épizootique. (2) Fièvre catarrhale ovine. (3) Pilotée par la MSA et la Chambre d’agriculture. (4) Organisme de sélection.