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Quatre leçons de communication tirées de la crise du début de 2024

Paris, le 13 juin 2024. Quatre acteurs agricoles analysent les manifestations de 2024 : Eric de la Chesnais, journaliste au Figaro, Myriam Decoeur, des chambres d'agriculture, Jérôme Regnault, conseiller d'Ile-de-France, et Philippe Collin, agriculteur.

Des experts dressent un bilan de la séquence des manifestations agricoles du début de 2024 et distinguent quatre points forts de cette communication en temps de crise.

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Quelques mois après les manifestations agricoles du début de 2024, le réseau des responsables de la communication des acteurs de l’agriculture (Syrpa) revient sur les leçons à tirer de cette période du point de vue de la communication. Instinctivement, elle semble avoir marqué une rupture dans la diffusion des messages politiques parce qu’elle s’est accompagnée d’un courant de sympathie, ou au moins de compréhension, dans le grand public alors que les routes étaient bloquées. Réunis dans une table-ronde à Paris le 13 juin 2024, des agriculteurs, des journalistes et des communicants ont dégagé quatre caractéristiques de ces événements.

1. Partir du terrain

« Ce mouvement est d’abord parti du terrain. C’est la presse régionale qui a commencé à en parler en octobre avant d’être reprise au niveau national », rappelle Vincent Prévost, directeur d’Opinion Valley, une agence de conseil spécialisée dans la gestion de crise. Il estime que cette façon de faire a permis d’être en rapport avec les journalistes locaux qui connaissent bien les agriculteurs et qui savent parler à leurs lecteurs. « En entendant les premiers reportages, je me suis dit, connaissant déjà le terrain, que cette crise pouvait dépasser le monde agricole », confirme Eric de la Chesnais, journaliste agricole au Figaro. Quand les manifestations ont pris la Une pendant plusieurs semaines, il est devenu un référent interne au journal puisque ce sujet était traité par plusieurs services (société, économie, politique…).

2. Rebondir

Pour autant, les photos des premiers panneaux retournés de l’automne 2023 tardent à être reprises par le grand public. « Sur les réseaux sociaux, ça ne marche pas vraiment d’octobre à janvier. Ce sont les manifestations de janvier et, surtout, l’intervention du Premier ministre qui ont déclenché un pic de propagation des messages en dehors du monde agricole », démontre Vincent Prévost. Il précise que Twitter (devenu X) a joué un rôle supérieur aux autres réseaux dans cette viralité.

Ensuite, les pics d’attention se sont renouvelés autour des temps forts successifs : l’implication du personnel politique, les manifestations nationales et l’inauguration du Salon de l’agriculture. D’ailleurs, les personnalités médiatiques différentes ont émergé tout au long de cette séquence : d’abord Jérôme Bayle, une figure nouvelle, puis Arnaud Rousseau, pour porter le message à l’échelon national, et enfin Gabriel Attal pour apporter la réponse du gouvernement. Enfin, le fiasco du grand débat à l’ouverture du Salon de l’agriculture a clos le mouvement en renvoyant une image marquante et assez négative.

« Le mouvement a su maintenir la pression et ne s’est pas contenté des premiers pics de popularité », observe Vincent Prévost. Agriculteur lui-même très présent sur le réseau LinkedIn, Philippe Collin confirme qu’il a mené de nombreux débats en ligne avec les agriculteurs et le grand public pendant les temps faibles du mouvement. « On cherchait à expliquer la crise au consommateur. Mais il ne fallait pas cacher les débats internes à la profession », témoigne-t-il.

3. Travailler ses messages en amont

Lorsque la crise a été mise sur le devant de l’actualité, les agriculteurs avaient un message prêt. Certes, on pense à la liste de revendications présentées au gouvernement qui y a répondu avec le report de la loi d’orientation agricole. « Mais il y avait aussi des signaux plus subtils comme le remplacement réussi du mot mégabassines par celui de retenues collinaires », se félicite Vincent Prévost.

Mais il tempère ce satisfecit : « Les revendications des agriculteurs n’ont pas été les plus commentées. » Ses analyses révèlent que le message le plus commenté de cette période est celui qui montre Marion Maréchal recevoir une bière au visage. Et généralement sans aucun rapport avec les messages des agriculteurs.

4. Intégrer l’audiovisuel

Enfin, les acteurs des manifestations ont montré qu’ils avaient déjà totalement intégré l’audiovisuel dans leur mode de communication. Les panneaux retournés portaient déjà en eux une forte puissance de reprise. Ça a aussi été le cas avec la visite de Karine Le Marchand sur un barrage routier dans la Seine-et-Marne. « Même sur TikTok, ils savaient faire », reconnaît Vincent Prévost. Mais, à l’inverse, des images négatives subsistent. Jérôme Regnault, lui-même agriculteur et conseiller régional d’Île-de-France, donne un exemple : « Des gardes casqués qui entourent les animaux au Salon de l’agriculture, ça marque, c’est sûr. »

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