Tribunal administratif L’éleveur d’Adainville Fabien Le Coidic à nouveau devant le juge
Cet éleveur bio de vaches bretonnes pie noir se bat depuis mars 2020 contre cinq de ses voisins qui refusent son projet d’installation à Adainville, dans les Yvelines. Après deux victoires judiciaires en référé pour Fabien Le Coidic, les requérants l’attaquent cette fois sur le fond ce mardi 14 décembre 2021.
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Tout a commencé pendant le premier confinement, en mars 2020. Fabien Le Coidic devait s’installer en bio avec ses treize vaches bretonnes pie noir à Adainville, dans les Yvelines. En plus de leur exploitation, l’éleveur et son épouse voulaient créer un haras.
Mais tout est à l’arrêt depuis un an et neuf mois. Les cinq riverains, dont l’éditrice Odile Jacob, représentée par l’ancienne ministre de l’Environnement Corinne Lepage et un second avocat, s’opposent fermement au projet agricole, dénonçant l’illégalité du permis de construire.
En décembre 2020, il y a un an, Fabien Le Coidic remportait une première victoire judiciaire en référé, puis une seconde en mars 2021 devant, cette fois-ci, le Conseil d’État. Mais ce mardi 14 décembre 2021, les requérants reviennent devant le tribunal administratif de Versailles pour attaquer l’éleveur sur le fond.
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« Tout est légal »
« Je pensais que ça allait s’arrêter, tempête Fabien Le Coidic, fatigué de cette longue procédure dont il ne voit toujours pas la fin. Là, c’est du délire, c’est agaçant. Mardi, on ne peut pas perdre, je suis agriculteur bio certifié au bureau Veritas, et je suis propriétaire des terres. Tout est légal. Mais j’ai peur qu’on en prenne pour huit ans de procédure. Ils sont prêts à aller jusqu’au bout, sans motif, sans raison. »
Son avocat, Timothée Dufour, le confirme : « On est confiant pour demain, voire très confiant. Mais l’audience est redoutée parce que Fabien va devoir se justifier sur sa qualité d’agriculteur, et sur la légitimité dont il dispose pour s’installer alors même que le projet s’inscrit dans un territoire rural. »
Et d’ajouter : « Je suis convaincu que le tribunal fera tomber les arguments d’Odile Jacob qui persiste à croire que le projet d’élevage aboutirait à la construction d’une réplique de l’hippodrome de Longchamp doublée d’une tour Montparnasse bis. »
« Je ne pourrai pas organiser de cueillettes car ça fera trop de bruit »
Dans le détail, selon le recours d’Odile Jacob introduit le 26 octobre 2020, le projet de la famille Le Coidic provoquerait des « nuisances permanentes, notamment sanitaires, sonore et olfactives [qui] seront encore accentuées par la vitesse des vents, la pluviométrie et l’humidité de l’air ».
Un argument que rejette fermement Timothée Dufour : « Ils réussissent à enliser le projet. Cela témoigne de l’hypocrisie des néoruraux, propriétaires de maisons secondaires, qui recherchent un cadre de vie préservé des grandes villes mais refusent toutes ses composantes, dont l’exercice d’activités agricoles. »
Plus encore, s’insurge l’éleveur bio. « Il y a un centre équestre avec cinquante chevaux en demi-pension à 250 mètres du domicile d’Odile Jacob. Donc des allées et venues, il y en a déjà et tout près de chez eux. Leur recours n’a donc aucun sens, ça signifie quoi ? Que je ne pourrai pas ouvrir de boutique de ferme, ni organiser de cueillettes ou du maraîchage, car ça fera trop bruit pour eux ? »
Valérie Pécresse soutient l’éleveur bio
Pour l’heure, Fabien Le Coidic est contraint de faire face à ce que nomme son avocat, « la guérilla judiciaire d’Odile Jacob ». Et à ce jour, ce sont déjà 180 000 euros d’investissements qui ont été engagés, sans compter l’achat des terres à plus de 300 000 euros.
Au total, le préjudice financier dépasse les 700 000 euros, d’autant qu’avec la hausse des charges, le projet d’installation a augmenté de 40 %. « Il y aura un prix à payer », assure encore Timothée Dufour, qui espère que cette affaire servira de leçon et de porte-voix pour faire avancer le droit.
Malgré tout, l’éleveur se sait entouré et peut compter sur ses soutiens. En plus de celui de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, de celui du président du conseil départemental des Yvelines Pierre Bédier, qui a trouvé un logement temporaire pour y installer la famille Le Coidic et le troupeau, la présidente de la Région Île-de-France, Valérie Pécresse, « suit de très près le dossier ».
Quant à l’audience de demain, Fabien Le Coidic compte s’y rendre pour entendre ce qu’on dit de lui, précise-t-il. « Mais si au bout du compte, ils ne sont pas punis, cela signifiera que n’importe qui peut embêter un agriculteur qui souhaite s’installer en bonne et due forme. Avant moi, il y a eu deux autres projets agricoles, de poulets et de highland cattle, qui se sont confrontés à Odile Jacob. Sauf qu’eux, ils n’ont pas décidé d’aller jusqu’au bout. Moi si. »
Contactée par La France Agricole, Corinne Lepage, l’avocate d’Odile Jacob, n’a pas donné suite à nos sollicitations.
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