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En quoi les proches jouent un rôle dans la prévention du mal-être des agriculteurs

Pontaumur (Puy-de-Dôme), le 21 décembre 2023. Les agriculteurs écoutent une restitution de l'étude sur la prévention du mal-être menée dans les Combrailles.

En cette journée nationale de prévention du suicide, un regard sur l’aide informelle des proches à travers un cas de soutien dans un village des Combrailles.

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Ancien éleveur installé en Gaec avec sa famille à Pontaumur (Puy-de-Dôme), Pascal Faure est reconnaissant envers sa fille : « Je ne sais pas si moi-même je l’aurais fait. C’est un pas difficile à franchir et, elle, elle l’a fait. » Aujourd’hui, sa fille Marie-France est à la tête de cet élevage de 45 vaches laitières et 90 hectares dans les Combrailles. Elle se souvient de l'état de son père, il y a dix ans. « J’étais épuisé par la situation, se rappelle-t-il. Le chemin était déjà long, des lettres de relance, des frais bancaires… » Alors, un jour, Marie-France en a parlé avec son père, et elle a appelé les bonnes personnes.

Repérage précoce

Sans s’en rendre compte, elle a joué un rôle de repérage précoce et informel du mal-être agricole. C’est ce rôle-là que Jean-Yves Pailleux, assistant ingénieur à l’Inrae de Clermont-Ferrand, a étudié sur la commune de Pontaumur : « Un tel repérage peut éviter que ça prenne une dimension incontrôlable », explique-t-il. « Quand on demande de l’aide trop tard, on n’arrive pas à récupérer. Il faut demander avant », ajoute Pascal Faure.

Il existe un réseau formel de repérage du mal-être dans la petite région. Le syndicat mixte pour l’aménagement et de développement des Combrailles (Smad) forme des volontaires au repérage des agriculteurs et agricultrices en risque suicidaire. Mais quand les sentinelles se rapprochent des personnes en difficulté, c’est déjà trop tard. Les personnes et les fermes sont déjà très fortement fragilisées.

« Alors, si cette demande arrive trop tard, qu’est-ce qui se passe avant ? Comment les gens font-ils avec les tensions du quotidien ? Comment parvenir à les transformer en une demande d’aide concrète auprès d’une structure ? », se sont interrogés Jean-Yves Pailleux et Xavier Coquil, ingénieur de recherche à l’Inrae de Theix.

Aide informelle

À l’été 2023, tous les agriculteurs et agricultrices de la commune de Pontaumur ont été questionnés par l’équipe des deux ingénieurs. Ils ont présenté leurs résultats aux habitants du village le 21 décembre 2023 sur place. Il existe deux paramètres clés pour que l’aide informelle soit efficace dans le repérage : la confiance et le moment de la discussion.

La légitimité de l’interlocuteur repose sur la proximité du vécu. Il est souvent plus facile de parler avec des personnes qui traversent ou ont traversé des tensions similaires. « On le comprend mieux parce qu’on l’a vécu », confirme Marie-France Faure. Mais il existe aussi une sorte de dialogue corporel : parfois, on va vers des gens qui nous mettent en confiance non pas avec des mots, mais par leur présence ou leur attitude. Encore faut-il que la personne manifeste sa disponibilité par un geste, un message, un mot au passage. Enfin, l’interlocuteur doit avoir des compétences reconnues par la personne qui a besoin d’aide.

Relation

La relation qui se noue à ce moment-là est particulière et repose beaucoup sur les caractéristiques de l’aidant. Ce sont des personnes qui ont de la considération pour celles et ceux qui leur demandent de l’aide. Elles se sentent aussi légitimes pour questionner les tensions que l’interlocuteur vit.

Dans les faits, ce type de profils peut se trouver un peu partout dans les environs de l’agriculteur qui a besoin d’aide : voisins, amis, famille, entourage professionnel…

Solidarité

Désormais en retraite, Pascal Faure restitue l’aide qu’il a reçue il y a dix ans. Il est lui-même aidant bénévole dans l’association Solidarité paysans en Auvergne. Cette structure accompagne des agriculteurs qui vivent des difficultés. Des salariés et des bénévoles aident au discernement et à la découverte des possibles.

Ils favorisent la mise en confiance des personnes accompagnées et la mise en place de procédures collectives quand c’est nécessaire. En Auvergne, Solidarité paysans a accompagné 251 exploitations en 2023. 90 % des personnes accompagnées réussissent à maintenir leur activité sur la ferme.

L’étude de Jean-Yves Pailleux et Xavier Coquil a reçu un financement de la Fondation de France, en partenariat avec le Smad des Combrailles.

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