Angélique Delahaye : « Développons le glanage et les achats locaux »
Dans un contexte économique difficile, Angélique Delahaye, présidente de l’association Solaal qui organise le don agricole, cherche des solutions pour augmenter les dons agricoles à la ferme.
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Les associations d’aide alimentaire alertent sur une situation difficile, entre hausse des demandes et difficultés d’approvisionnement liées à l’inflation. Dans ce contexte, comment évolue le don agricole ?
Depuis dix ans, Solaal a collecté 30 000 tonnes de produits donnés, soit l’équivalent de 60 millions de repas. Jusqu’à présent, les dons agricoles étaient en constante augmentation.
Mais en 2023, malgré des records aux Journées nationales du don agricole en septembre et des tablées solidaires à la Foire de Châlons-en-Champagne et au Space, nous observons un tassement, que ce soit pour le nombre de dons, le volume ou le nombre de donateurs. Cette stagnation s’explique, entre autres, par un climat particulièrement favorable à la consommation, avec plutôt une tension de l’offre que la demande.
Est-ce que tous les agriculteurs peuvent donner ?
Oui, il n’y a aucune limite de quantité. Nous nous assurons simplement, via une photo, que la marchandise est consommable. Solaal s’occupe de la mise en relation avec les associations caritatives et de la logistique.
L’agriculteur n’a qu’à remplir un court questionnaire sur internet. C’est un service entièrement gratuit. Une fois le produit livré, nous assurons que l’attestation est bien envoyée par l’association au donateur. Depuis cette année, nous avons onze antennes régionales, une douzième est prévue en 2024 pour la Nouvelle-Aquitaine.
Quels sont les besoins ?
Les associations caritatives cherchent des produits frais, des fruits, des légumes, mais également des produits laitiers. Traditionnellement, les transformateurs facturent la transformation du lait donné. Mais nous allons travailler avec la filière laitière à un appel au don, à la mi-novembre, afin que chaque éleveur puisse dire « je souhaite donner ».
Avez-vous des pistes pour collecter davantage de produits agricoles ?
Nous expérimentons depuis plusieurs années le glanage solidaire, et nous avons publié un guide du glanage avec la MSA. Notre objectif est que ce soit les bénéficiaires eux-mêmes qui viennent glaner, mais c’est difficile.
Qu’est-ce qui bloque ?
D’un côté, nous ne connaissons pas assez finement les territoires pour identifier les agriculteurs chez qui glaner. Il y a un gros travail à faire avec les chambres d’agriculture afin de mettre en place « un registre » des exploitations à glaner.
De l’autre côté, nous avons beaucoup de mal à mobiliser les associations d’aide alimentaire. Elles craignent « d’exploiter » les bénéficiaires de l’aide alimentaire. Alors que, pour avoir participé à un glanage, j’ai vu qu’ils étaient contents d’être à la campagne et fiers de donner aux autres. Ils sont passés du statut de bénéficiaires à celui de bénévoles. Ça change tout !
D’autres solutions ?
La troisième piste de sourcing est les achats solidaires. Nous travaillons avec les associations pour qu’elles puissent acheter des produits aux agriculteurs, avec un prix qui couvre les charges de production. Malheureusement, les demandes et les volumes ne cessent de croître et les associations souhaitent acheter au moins cher possible, quitte à se fournir à l’étranger… Nous nous battons pour que le plan « Mieux manger pour tous » finance des produits français.
Afin de réduire le gaspillage alimentaire d’ici à 2025, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, vient de proposer à l’Europe d’intégrer les productions agricoles dans la révision de la directive sur les déchets, qui ne concernait jusqu’à présent que les produits transformés. Qu’en pensez-vous ?
Au motif de vouloir bien faire, c’est une fausse bonne idée. Depuis trois ans, nous voyons l’impact de la loi anti-gaspillage sur les dons : moins 20 %. En intégrant la production primaire à la directive sur les déchets, je crains que l’on assèche une source de don importante. Il est préférable de contraindre à donner plutôt que de contraindre à réduire les produits non commercialisables.
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