Des syndicats s’inquiètent du virage pris par la Safer
Le « règlement de comptes » à la Safer de la Normandie, révélé par Ouest-France, a fait réagir la Confédération paysanne et la Coordination rurale. Un épisode qui dépasse les frontières normandes avec l’éviction de facto du président de la FNSafer.
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« Plusieurs épisodes concernant le réseau Safer sont de nature inquiétante pour l’avenir de notre si précieuse régulation foncière », s’alarme la Confédération paysanne. Dans un communiqué du 25 juin, le syndicat se demande si la récente éviction du président de la FNSafer, Emmanuel Hyest, illustre le « virage ultralibéral des dirigeants de la FNSEA et de la FNSafer ».
Une éviction aux conséquences nationales
Un épisode révélé par Ouest-France le 19 juin évoquant « un règlement de comptes » à la Safer de la Normandie. À l’issue d’un vote du conseil d’administration de cette dernière qui s’est déroulé le matin même, « le syndicalisme agricole majoritaire (FNSEA-JA) a poussé vers la sortie, le président sortant, Emmanuel Hyest, pourtant issu des mêmes rangs ». Une éviction qui lui a fait perdre du même coup la présidence de la FNSafer, la tête de réseau national. C’est Gilles Flandin, président de la Safer Auvergne-Rhône-Alpes et secrétaire général de FNSafer, qui assure depuis l’intérim.
C’est Pascal Férey qui a été élu président de la Safer de la Normandie. « C’est un problème de relations humaines, de gouvernance, qui a conduit la profession agricole à mettre un candidat en face du président sortant », a expliqué ce dernier à Ouest-France.
« Des dysfonctionnements et des manques de communication »
« Nous n’avons pas pu nous accorder sur les décisions à prendre pour pallier certains dysfonctionnements et manques de communication. Nous avons longuement, et à de multiples reprises, échangé pour trouver une issue à cette situation. Nous n’avons pas réussi à trouver un accord et la décision a donc été prise de proposer un nouveau président au conseil d’administration de la Safer », a expliqué le lendemain Anne-Marie Denis, la présidente de la FRSEA de la Normandie dans un communiqué.
Le premier quotidien national évoque l’attribution de terres parmi les griefs formulés. « La tentative de préemption de la Safer sur les 400 ha de vergers vendus par la coopérative Agrial, et menacés d’arrachage sauvage, a été mal digérée par la FDSEA locale, écrit Ouest-France. Comme les 350 ha d’une ferme céréalière préemptés, près du Tréport (Seine-Maritime) pour installer six jeunes. » Une opération qui avait aussi donné lieu à la création d’une SCEA Safer de Normandie (lire notre reportage).
« L’ultralibéralisme s’est imposé dans mon syndicat »
La politique d’ouverture de la Safer à la Confédération paysanne et à la Coordination rurale aurait été également reprochée à Emmanuel Hyest. « J’étais le président de tous les agriculteurs. Sans aucun passe-droit. C’est la victoire des intérêts personnels », a réagi ce dernier. « En m’éjectant comme un malpropre, l’ultralibéralisme s’est imposé dans mon syndicat », ajoute-t-il, lui qui militait depuis de nombreuses années pour un contrôle accru des formes sociétaires et qui avait défendu la loi Sempastous créant en 2023 un contrôle des cessions de parts sociales.
Dans sa réaction, la Confédération paysanne réclame une « nouvelle gouvernance » des outils de régulation du foncier pour lutter contre « la financiarisation de l’agriculture ». Elle estime que les Safer, le contrôle des structures et le statut du fermage sont « devenus inopérants ». La faute selon elle à l’achat et la location de terres par des sociétés agricoles, le contournement du statut du fermage par la délégation intégrale par des propriétaires de la délégation des travaux agricoles et le difficile contrôle des sociétés agricoles.
Maryvonne Choisselet, de la Coordination rurale de l’Eure, a accusé le 24 juin la FDSEA de « sectarisme ». « Pourtant, le respect de la représentativité est essentiel pour garantir une gestion plus juste et plus transparente du foncier agricole », a-t-elle estimé. « Il est indéniable qu’une erreur monumentale a été commise en écartant E. Hyest ; homme visionnaire et précurseur dans de nombreux domaines, la Safer et le monde agricole risque de le regretter amèrement. »
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