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Multiplier les financements pour peser auprès de la banque

Ophélie Pasquet et Fabien Clément se sont installés il y a neuf mois et ont « touché à tout » pour financer leur reprise.

Face à une banque réticente, Ophélie Pasquet et Fabien Clément, son conjoint, ont eu recours à de nombreux organismes pour financer leur installation.

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C’est une installation où il a fallu courir après le temps… Et les financeurs. « Le premier rendez-vous à la banque s’est bien passé » se remémore Ophélie Pasquet, installée en élevage laitier dans la Vienne. « Peut-être trop bien, vu maintenant », glisse taquin Fabien, son conjoint.

Prêt d’honneur, garantie de la laiterie, location-vente, aides jeune agriculteur… Ophélie Pasquet et Fabien Clément ont « touché à tout » pour financer leur installation. Avec un projet hors cadre familial, ils ont été « les bêtes noires » des banques, assure Ophélie. Le Crédit Agricole et la Banque populaire refusent d’emblée de financer leur installation. « Pas assez d’expérience », souffle Ophélie, bien qu’elle finisse son BPREA et que Fabien ait passé toute son enfance dans une ferme laitière.

Hors foncier et maison d’habitation, la ferme est estimée à 420 000 euros. Un montant loin d’un projet agricole extraordinaire, « mais même pour 420 000 euros, c’est compliqué de s’installer ! » constate alors Ophélie. Le couple, qui projette de créer un Gaec, se démène pour trouver d’autres financeurs et convaincre le Crédit Mutuel de les suivre. D’autant qu’il joue un contre-la-montre.

Moins d’un an pour s’installer

Après avoir trouvé une ferme qui correspondait à leurs envies, Fabien et Ophélie rencontrent le cédant début avril, un mois après le décès de son frère associé qui s’occupait du troupeau. Il veut céder à la fin de l’année. Ophélie et Fabien ont neuf mois pour s’installer. Au 31 décembre, s’il n’y a pas de repreneurs, le troupeau sera abattu. « Mais c’est surtout le dernier mois qui a été difficile ». Et pour cause : la banque valide leur dossier seulement le 5 décembre, trois semaines avant la date butoir.

« Les banques lancent des jeunes, mais sans les aider plus que ça !" (© J.Mâlin / GFA)

Dès le projet de reprise lancé, le couple conscient des difficultés veut multiplier les financeurs. Ophélie réalise un BPREA pour toucher l’aide dédiée aux jeunes agriculteurs (qu’elle reçoit sept mois après l’installation). Fabien décroche en septembre un prêt d’honneur à taux zéro de la Région (20 000 € à rembourser sur sept ans). Il sera dédié, avec la DNJA (1) d’Ophélie (20 000 €), au rachat de stock que la banque ne veut pas financer.

Les deux associés contractent via le Gaec trois prêts à la banque : un pour les bâtiments (180 000 euros), un pour le matériel (85 000 euros) et un pour le cheptel (85 000 euros). La laiterie leur propose de se porter garante pour le prêt sur le troupeau et leur soumet une aide Jeunes agriculteurs basée sur le litrage de la production laitière.

« Le cédant qui fait banque »

Le couple prévoit de racheter une partie du foncier mais le projet est refusé par la banque. C’est finalement la Safer qui portera 37,5 hectares pendant dix ans, tandis que le reste est maintenu en fermage. Le cédant rachète les 20 hectares restants pour louer aux deux associés.

Le jour d’un rendez-vous transmission avec le cédant et la chambre d’agriculture fin novembre, un nouvel obstacle se met en travers de l’installation. La propriétaire de la maison ne veut pas la louer. Mais la banque n’accepte pas non plus de financer son achat. Le cédant a alors « deux heures pour trouver une solution », se rappelle Ophélie, mi-ébahie, mi-impressionnée par son engagement. Il propose de racheter la maison avec sa sœur pour la mettre en location-vente au couple. « C’est le cédant qui fait banque » résume Ophélie.

DNJA, prêt d’honneur, caution de la laiterie, portage de foncier, location-vente… Ce sont autant d’outils qui permettent aux deux éleveurs d'argumenter avec la banque malgré une communication « compliquée ».

Apport personnel

Mais un mois avant la date fatidique du 31 décembre, la banque demande finalement un apport personnel. « On avait 60 500 € d’aides, ça ne leur suffisait pas ! Analyse toujours consternée Ophélie. Aujourd’hui, il faut minimum 20 % d’apport ». La solution est apportée par la vente de leur maison, dégageant un apport de 30 000 euros pour financer les frais de notaire, ceux de la Safer (15 000 euros) et la TVA immobilière. Le 5 décembre, trois semaines avant la date limite, la banque accorde enfin les prêts au couple.

Le couple a reçu l'accord de la banque trois semaines avant la date limite pour s'installer. (© J.Mâlin / GFA)

Installés depuis neuf mois, les deux éleveurs restent abasourdis par les difficultés traversées pour financer leur projet. Au lancement de leur activité, la banque a refusé de leur apporter de la trésorerie. « C’est la coopérative qui nous a fait une avance sur les cultures ». Le marché de la viande et du lait, en ce moment porteurs, offre un peu de répit à la trésorerie de l’exploitation. Mais Ophélie n’en démord pas : « Les banques lancent des jeunes, mais sans les aider plus que ça. En commençant à zéro, c’est dur de remonter la pente ! »

Le parcours du combattant pour le financement n’est toujours pas terminé. Les deux associés doivent racheter les terres en portage via la Safer dans un délai de dix ans maximum. « Nous sommes encore en pourparlers avec la banque. Mais elle manque de clarté sur ses conditions ». Ophélie espère que celle-ci acceptera, au risque sinon, de mettre en péril la viabilité de l’entreprise agricole. L’éleveuse reste amère sur son expérience : « Si c’était à refaire, nous ne le referions pas à cause des banques. Elles imposent trop de contraintes et en demandent toujours plus. »

(1) DNJA : Dotation nouveaux et jeunes agriculteurs

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