Être double actif pour « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier »
Fille d’agriculteurs, Marie est revenue sur la ferme de ses parents après 18 ans passés dans l’enseignement agricole. Elle continue aujourd’hui son métier de formatrice tout en étant à mi-temps sur l’exploitation maraîchère.
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Marie a adopté la banane en ceinture même si « ce n’est pas du tout tendance ». À l’intérieur de cette pochette rouge « hyperpratique », un kit de survie pas comme les autres. Un précieux téléphone, un chargeur pour ne jamais tomber en rade de batterie, et surtout, des écouteurs sans fil pour décrocher son téléphone tout en plantant des échalotes. Ces outils technologiques l’accompagnent partout. Car Marie Mortagne est double active. Elle cumule son emploi de formatrice agricole en ligne avec son exploitation maraîchère dans les Côtes-d’Armor. Quand elle divise l’ail au soleil, ce matin de la fin de mars, elle envoie une vidéo au groupe WhatsApp pour montrer les gestes professionnels à ses 70 élèves en brevet professionnel.
Bientôt quatre ans qu’elle est retournée à la terre, en maintenant un pied « dans l’autre monde » comme elle aime l’appeler. À l’image d’autres enfants d’agriculteurs, la terre, elle ne l’a jamais vraiment quittée. Marie a toujours souhaité s’installer, mais avec un BTS horticole en poche elle manque d’assurance pour monter son projet de maraîchage, alors que ses parents sont dans l’élevage. Elle commence sa vie en Normandie où elle devient formatrice dans l’enseignement agricole au Naturapôle. Sa grand-mère décède en 2019. « Ça a été un élément déclencheur », se remémore-t-elle, encore émue.
Des paniers de légumes livrés chaque semaine (14/03/2025)
Subitement, elle bifurque. Ou presque. « L’équipe avec laquelle je travaille m’a dit : “On te garde depuis chez toi !” », rembobine la formatrice. Elle retourne en Bretagne et bascule en distanciel grâce à une convention de partenariat avec son exploitation et le centre de formation. Les confinements successifs de la pandémie l’aident à préparer son projet, au moment où ses parents prennent leur retraite.
« Tout est flexible »
Quatre ans plus tard, elle continue de former des BPREA classiques, horticoles et paysagistes tout en alimentant son village d’enfance en légumes et fraises en vente directe avec son mari, lui aussi en double activité. Comment organiser le travail ? « Tout est flexible », répond-elle avant d’ajouter : « De toute façon, le métier d’agriculteur c’est d’être flexible... » [...] « Hier matin, j’ai passé des entretiens et j’ai pris deux heures en début d’après-midi pour planter des échalotes. »
Elle continue de travailler 39 heures par semaine, à distance. À cela s’ajoutent les tâches de la ferme, une vingtaine d’heures pour elle, et autant de la part de son mari. Au niveau juridique, « c’est une exploitation à titre accessoire », résume-t-elle. Quand même : d’avril à février, une centaine de clients viennent s’approvisionner au magasin toutes les semaines.
Pour être en double activité, il faut savoir gérer les agendas « parfois serrés » et les pépins à la ferme. « Il faut avoir quelqu’un d’autre disponible sur l’exploitation, un associé ou un conjoint », témoigne-t-elle consciente que sans ses parents anciens agriculteurs, elle n’est « pas sûre [qu’elle] aurait pu le faire ».
Le sur-mesure de la double activité séduit les jeunes, observe la formatrice. La moitié du temps sur la ferme, un temps partiel à 30 % en salariat, quelques jours dans une autre entreprise… « Il n’y a pas de règles à la double activité », assure-t-elle.
« Pas que des raisons financières »
Pour Marie, plutôt « stressée de nature », il n’était pas question de lâcher la sécurité d’un salaire mensuel et de crouler sous les dettes : « Je dors bien la nuit. » Avec une mensualité de prêt de 89 euros, elle rembourse la station d’irrigation, l’achat de matériel, l’électricité des stations de pompage et des fournitures pour le montage des bâtiments. Tout comme les tunnels, elle a acheté ces derniers avec l’argent économisé en tant que formatrice « durant toute [sa] vie », tandis que le foncier, 1,5 hectare, a été reçu en donation.
Dans la conjoncture actuelle, « il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier », encourage la maraîchère. Et avec la technologie, il est plus facile de trouver un emploi à distance, en télétravail. Le téléphone, « aujourd’hui, on l’a tous greffé à la main ! ».
Pour elle, « il n’y a pas que des raisons financières » à la double-activité. « On ne reste pas dans sa ferme, on nourrit son cerveau, on rencontre du monde… », énumère Marie. « La double activité, pour une petite structure, est source de fiabilité », assure-t-elle. Et surtout, pour des personnes qui veulent se lancer, « cela permet de se tester sans risque », et de peser auprès des banques. « Les gens s’interdisent plein de choses. Ce qu’on fait, c’est aussi tester pour montrer que c’est possible ! »
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