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Les prix du blé, du maïs et de l’orge continuent de se replier en France

Les stocks de blé sont plus importants que prévus dans l'hémisphère Sud, la demande internationale en blé étant très ralentie.

Entre un euro fort face au dollar qui avantage les grains américains et une demande internationale de blé qui ralentit, les cours des céréales reculent en France. Des stocks de blé et orge plus importants que prévu s’accumulent dans l’hémisphère Sud.

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La pression exercée par le regain de fermeté de l’euro face au dollar ne s’arrête pas. Cependant, la macroéconomie n’explique pas à elle seule la faiblesse observée sur le complexe céréalier européen. En effet, le ralentissement de la demande internationale laisse des stocks de blé et d’orge finalement plus importants que prévu dans l’hémisphère Sud. Ces stocks pourront en partie jouer un rôle tampon en cas d’incident climatique sur l’hémisphère Nord. De plus, les craintes climatiques sont actuellement modérées. À l’inverse, les stocks de colza et canola sont plus que limités, accentuant la tension à court terme et les écarts de prix avec la nouvelle récolte, dont la floraison en Europe rassure.

De meilleures perspectives de production de blé en Europe

Le commerce de blé est plus que limité sur la fin de la campagne de 2024-2025. Pour la troisième semaine consécutive, les ventes américaines à l’exportation n’atteignent même pas 200 000 tonnes, soit le volume hebdomadaire minimum à réaliser pour atteindre l’objectif annuel fixé par l’USDA, le ministère de l’Agriculture américain. Pire encore puisque cette semaine, les annulations dépassent les ventes, entraînant un repli de 145 000 tonnes.

En Ukraine, la situation est identique. Malgré un début de campagne soutenu, les exportations ralentissent au fil des semaines et ne parviennent plus à dépasser l’objectif hebdomadaire minimum de 230 000 tonnes. Faute de demande sur la scène internationale, les prix du blé convergent vers ceux du maïs afin de capter de l’intérêt dans d’autres secteurs. La confiance qui règne actuellement chez les acheteurs dépasse même la fin de campagne et repose aussi sur les perspectives d’approvisionnement en nouvelle récolte.

Les conditions météorologiques printanières tendent pour le moment à améliorer et augmenter les estimations de récoltes à venir dans la plupart des régions du monde. Le bulletin Mars de la Commission européenne relève légèrement ses attentes de rendements à l’échelle des pays européens à 6,03 t/ha contre 5,77 t/ha en moyenne ces cinq dernières années. Toujours en Europe, l’association des producteurs allemands se montre également optimiste. La production de blé en Allemagne est estimée à 21,41 millions de tonnes, soit une hausse de 15,7 % par rapport à l’an passé.

La France reste pénalisée par des précipitations hétérogènes et des régions toujours confrontées au risque de sécheresse. Selon Céré’obs, 74 % des surfaces sont jugées dans un état bon à excellent, soit un point de moins que la semaine précédente. Aux États-Unis, ce sont 45 % des surfaces de blé d’hiver qui sont estimées dans cet état bon à excellent contre 50 % l’an passé à cette date. La satisfaction vient plutôt de l’avancée des semis de printemps réalisés maintenant à hauteur de 17 % contre 12 % en moyenne ces cinq dernières années à date. Dans ce contexte, le blé meunier rendu Rouen base juillet évolue sur son support majeur des 200 €/t en récolte de 2025.

Retour sur les plus bas de l’été dernier en maïs

La divergence entre les marchés européens et internationaux du maïs persiste. En France, le prix du maïs chute jusqu’aux 190 €/t rendu Bordeaux en base juillet, après une nouvelle baisse hebdomadaire de 3 €/t, rejoignant un niveau abandonné depuis la fin d’août 2024. Le regain de fermeté de la parité entre l’euro et le dollar joue un rôle majeur dans le repli du complexe céréalier, mais l’activité sur le marché du maïs français reste également très limitée. Les importateurs européens focalisent actuellement leur attention sur l’origine américaine, qu’ils continuent d’acheter massivement. 110 000 tonnes sont destinées au Portugal parmi les ventes américaines à l’exportation hebdomadaires, qui dépassent une fois de plus le seuil de 1 million de tonnes.

La céréale américaine profite de sa bonne compétitivité pour concentrer la demande internationale. Elle est notamment légèrement moins chère que son homologue argentine, pourtant sous la pression de la récolte. Ce sont en effet 30 % des surfaces qui sont battues, selon la Bourse de Buenos Aires. Elle est aussi et surtout 25 $/t moins chère que la céréale ukrainienne, dont les volumes exportables se tarissent de plus en plus. Dans ce contexte, si le maïs américain continue de performer sur la scène internationale, l’USDA pourrait avoir à rehausser de nouveau son objectif d’exportation désormais fixé à 65 millions de tonnes.

Toutefois, les acheteurs internationaux tourneront petit à petit leur attention sur le maïs brésilien, qui répondra à la demande internationale estivale. Et pour l’instant, les bonnes précipitations, à un niveau supérieur à la normale, laissent présager d’une récolte de maïs safrinha supérieure aux attentes actuelles. L’arrivée de ces volumes en Europe permettra aux acheteurs européens de patienter d’ici à l’arrivée de la future récolte.

La Commission européenne maintient pour l’instant son estimation de production à 65 millions de tonnes. Face à cette estimation optimiste, il conviendra toutefois de surveiller l’évolution des semis en Europe de l’Est. En effet, les agriculteurs locaux pourraient réduire leur assolement, après avoir enchaîné plusieurs années aux rendements décevants. Du côté français, ce sont désormais 50 % des surfaces qui ont été emblavées selon Céré’obs.

La tension persiste en colza à court terme

La sortie de l’échéance de mai sur Euronext et surtout la tension sur les disponibilités en graines de colza sur la fin de campagne soutiennent les prix en ancienne récolte. L’écart actuel de 43 €/t, en faveur de la graine de colza Fob Moselle de la récolte de 2024 par rapport à celle de 2025, témoigne de cette situation. Il faut dire que les volumes en Europe comme en Ukraine ont en grande partie été consommés au fil de la campagne.

De la même manière, le canola canadien ne sera pas plus une solution pour les acheteurs européens. Cette semaine encore, ses exportations approchent les 150 000 tonnes alors que 50 000 tonnes seulement sont nécessaires à l’échelle hebdomadaire pour atteindre l’objectif annuel fixé par le ministère de l’Agriculture canadien. Dans ce contexte, un rationnement de la demande devra s’opérer pour limiter la demande étrangère. Ne restent donc que les offres australiennes qui arrivent au compte-goutte sans pour autant subvenir à l’ensemble des besoins des industriels européens.

Outre cette situation sur les disponibilités mondiales de graine, le colza tire partie de la tension persistante sur les livraisons rapprochées des huiles végétales. Bien que la Malaisie et l’Indonésie profitent d’une reprise de la production des palmeraies depuis le mois de mars, le besoin de reconstitution des stocks pour eux comme pour leurs principaux importateurs limite pour le moment une détente plus prononcée des prix. Dans ce contexte, l’huile de palme à Kuala Lumpur sauve son support des 4 000 ringgits  par tonne. Aux États-Unis, le revirement de situation de l’agence américaine de l’énergie (EIA) vers une hausse des mandats d’incorporation de biodiesel soutient le prix de l’huile de soja à la Bourse de Chicago.

Au sujet de la prochaine récolte, l’association des producteurs allemands estime la production de colza de 2025 en Allemagne à 3,97 millions de tonnes, soit une hausse de 9,6 % par rapport à l’année précédente. Ces perspectives plus rassurantes à moyen terme poussent la graine de colza Fob Moselle nouvelle récolte à se stabiliser à 475 €/t.

Des disponibilités mondiales confortables de tourteaux de soja

Les prix des tourteaux de soja continuent de s’effriter, en nouvelle baisse hebdomadaire de 7 €/t pour revenir autour de 349 €/t sur le spot délivré Montoir. Il faut dire que le niveau des disponibilités rassure à l’échelle mondiale. Les récoltes sont désormais terminées au Brésil et les volumes de soja arrivent sur le marché. La production brésilienne de soja est attendue tout proche de 170 millions de tonnes, un niveau record et bien au-dessus des 154,5 millions de tonnes de l’an passé. Aussi en Argentine, les récoltes ont commencé. Elles sont réalisées à hauteur de 15 % et malgré un léger retard, les premiers retours de rendement rassurent les opérateurs.

Dans ce contexte, l’activité de trituration reste dynamique en Amérique du Sud et l’USDA a revu l’activité d’écrasement de graines au Brésil et en Argentine de respectivement +1 million de tonnes et +600 000 tonnes dans le dernier rapport mensuel. Les disponibilités de tourteaux de soja s’annoncent plus confortables à l’échelle mondiale alors que l’activité s’accélère également aux États-Unis. La consommation de graines de soja américain restera sous surveillance, entre l’accélération de la trituration mais aussi les ventes à l’exportation vers l’Europe. Si les stocks de report américains sont encore incertains, les regards se tournent progressivement vers la nouvelle campagne, où les semis ont commencé. Au 20 avril, 8 % des surfaces de soja étaient semées, contre 7 % l’an passé à cette date et 5 % en moyenne quinquennale. La progression des semis et le développement des cultures seront à suivre et ne manqueront pas d’animer les cours.

Les approvisionnements en Europe sont alors facilités par les bonnes disponibilités mondiales. L’activité de trituration du soja a été dynamique tout au long de la campagne pour compenser les faibles disponibilités de colza et de tournesol. Selon la Fédiol, association des triturateurs européens, 1,24 million de tonnes de graines de soja ont été écrasées en mars, en hausse par rapport au 1,1 million de tonnes en février. En plus des bonnes disponibilités, la fermeté de la parité de l'euro par rapport au dollar limite fortement le potentiel de rebond des cours des tourteaux de soja en Europe pour le moment.

(1) Société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, qui nous livre son analyse agricole hebdomadaire.

À suivre : négociations tarifaires avec les États-Unis ; fermeté de la parité euro/dollar ; rythme des ventes à l’exportation américaines ; rythme des importations européennes (maïs, colza/canola) ; dynamique de la demande internationale en blé tendre ; amélioration des conditions de culture en Russie ; retour des précipitations sur le nord-ouest de l’Europe ; conditions de culture du maïs safrinha au Brésil ; progression des récoltes de maïs et soja en Argentine ; début des semis de maïs et soja aux États-Unis.

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