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Les prix des céréales sont soutenus par l’incertitude climatique

Les intempéries et leur évolution incertaine à travers le globe inquiètent les marchés agricoles.

Sur les marchés agricoles, qu’il s’agisse de la tempête Kirk, de la sécheresse ou des inondations, l’incertitude climatique agite les opérateurs.

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En France, la tempête Kirk perturbe tous les travaux des champs, quand le sec freine les semis en Russie. L’hémisphère Sud n’est pas épargné, même si le retour des précipitations au Brésil rassure les producteurs de soja. Les grands importateurs s’inquiètent aussi d’un possible ralentissement des exportations des céréales russes dans les mois à venir.

Incertitudes climatiques et commerciales en Russie

Les récentes informations haussières sont peu à peu digérées par les opérateurs, ce qui entraîne une légère correction hebdomadaire de –1,50 euro par tonne (€/t) du prix du blé meunier à 228,50 €/t rendu Rouen. Il faut toutefois souligner qu’il s’agit d’une hausse de 34 €/t par rapport au plus bas du 27 août dernier.

Cette tension s’est également étendue aux blés de la mer Noire. Toujours les plus compétitifs, le blé ukrainien s’échange désormais à 230 dollars la tonne ($/t) quand le blé russe est à 234 $/t Fob, ce qui représente respectivement une hausse de 13 et 14 $/t sur les deux dernières semaines.

D’ailleurs, l’actualité russe est au centre de l’attention. Après un début de campagne à l'exportation dynamique et des semis de blés d’hiver jusqu’à présent freinés par le sec, le gouvernement russe rencontre ses exportateurs ce vendredi 11 octobre 2024. La régulation des exportations des céréales russes sera abordée. Ce possible ralentissement sera suivi de près par tous, et en particulier par les grands importateurs de blé.

Les grands acheteurs étatiques se sont déjà manifestés. Après l’Égypte qui aurait contractualisé 3,12 millions de tonnes de blés de la zone de la mer Noire, l’Arabie Saoudite a acheté près de 300 00 tonnes de blé meunier et l’Algérie plus de 500 000 tonnes. Malgré ce retour de la demande, l’origine hexagonale peine à se positionner, manquant à ce jour de compétitivité. Outre la question commerciale, la progression des semis en France inquiète en raison du trop important cumul de précipitations.

Dans ce contexte, les regards se tournent vers les perspectives de production en hémisphère Sud. Et celles-ci se dégradent en Australie et en Argentine. D’ailleurs, la Bourse de Buenos Aires abaisse la part des blés en bonnes ou excellentes conditions à seulement 29 % contre 36 % la semaine dernière en raison du manque de précipitations.

L’orge partagée entre incertitudes sur l’offre et manque de demande

C’est à la suite du regain de fermeté du reste du complexe céréalier que l’orge fourragère parvient à s’échanger à 198 €/t rendu Rouen, en hausse de 7 €/t sur les deux dernières semaines. Il s’agit d’un retour sur les plus hauts niveaux traités depuis le début de juin dernier.

Sur l’hémisphère Nord, les semis posent question. En Russie, ils sont retardés par le sec, quand c’est l’excès de précipitations qui freine les travaux des champs en Europe de l’Ouest. D’ailleurs, FranceAgriMer estime à 12 % la surface des orges d’hiver semée au 7 octobre dernier, en baisse par rapport aux 22 % de l’an passé.

Dans le même temps, les regards se portent aussi sur l’hémisphère Sud. En effet, les récoltes argentines et australiennes débutent généralement à la fin de novembre. Et les conditions de culture dans ces deux bassins de production se sont dégradées ces dernières semaines, ce qui devrait limiter en partie les disponibilités pour la seconde partie de campagne.

Toutefois, la demande internationale reste encore trop timide pour permettre à la prime fourragère de dépasser la fourchette des –25 à –30 €/t à Rouen en place depuis le début de septembre. Même les mesures de relance économique en Chine n’ont pas encore fait revenir ces acheteurs sur le marché de l’orge.

En France, l’orge fourragère pourra peut-être permettre de s’appuyer sur une récolte tardive de maïs pour regagner entre-temps une place auprès des fabricants d’aliments du bétail. À la fin d'août 2024, le taux d’incorporation d’orge s’élevait à un peu moins de 200 000 tonnes, un repli de 14 % sur un an.

En orges brassicoles, le manque de demande se fait aussi ressentir. En montant à 244 €/t Fob Creil, l’orge de printemps n’a gagné que 3 €/t sur les quinze derniers jours, une hausse moins marquée que sur les autres céréales.

Hausse sur le marché des huiles végétales

La hausse se poursuit sur le marché de la graine de colza qui revient proche de ses niveaux les plus hauts de la campagne en cours à 496 €/t Fob Moselle. D’une part, les tensions géopolitiques au Moyen-Orient menacent la logistique au niveau du détroit d’Ormuz. Cette perturbation soutient les cours du baril de pétrole et au sein du complexe énergétique, des huiles végétales.

Il faut aussi dire que la tension qui s’est installée au sein du complexe oléagineux trouve une origine dans la hausse des prix du palme en Malaisie. Dans la publication mensuelle du MPOB de ce 11 octobre 2024, les stocks malaisiens ne parviennent toujours pas à se reconstruire et restent inférieurs à ceux des deux dernières campagnes à cette date à à peine plus de 2 millions de tonnes en septembre. Fort de cette situation, c’est l’ensemble des huiles qui profite de cette tension. À Rotterdam, les huiles de colza et de tournesol ont gagné respectivement 70 €/t et 110 €/t en l’espace de dix jours.

En Europe, l’approvisionnement en graines sur le marché est fortement perturbé par les récoltes décevantes. L’écart de prix de 85 $/t entre la graine de colza française et la canadienne témoigne des importants besoins à l’importation. Ainsi, l’évolution de la dynamique à l'exportation en provenance du Canada sera à surveiller de près au cours des prochaines semaines. Les acheteurs européens seront en plus de cela vigilant quant aux perspectives de production australiennes attendues selon Argus Media à 5,1 millions de tonnes, soit sur son niveau le plus bas depuis 2020.

Assouplissement de la législation européenne : le prix des tourteaux de soja se replie

À l’inverse des autres matières premières agricoles, le prix du tourteau de soja se replie. En tombant à 406 €/t sur le spot à Montoir, il affiche une perte de 24 €/t sur la semaine.

Il faut dire que le report d’un an de la régulation européenne sur l’utilisation de produits issus de la déforestation, initialement prévue à partir du 1er janvier 2025, a soulagé les importateurs européens. Dans ce contexte, le prix du tourteau de soja aux États-Unis s’est également replié, les opérateurs américains espérant auparavant gagner des parts de marché sur le Vieux Continent avec la mise en place de cette nouvelle législation.

D’ailleurs, il faut préciser que la récolte américaine de soja progresse rapidement, avec désormais plus de 47 % des surfaces moissonnées, contre 34 % en moyenne ces dernières années. Un temps chaud et sec aux États-Unis permet leur bonne avancée. L’USDA mettra à jour ce vendredi 11 octobre au soir son estimation du bilan américain, fort d’un rendement record pour l’instant projeté à 53,2 boisseaux par acre.

Les opérateurs seront également vigilants quant à la situation sud-américaine. Sur le papier, une sole et une production records sont attendues au Brésil pour la nouvelle campagne. Jusqu’à présent, le sec faisait craindre une période de semis compliquée. Toutefois, les pluies reviennent peu à peu sur le Brésil, même s’il faudra attendre encore quelques jours avant que le Mato Grosso en bénéficie.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.

À suivre : tensions géopolitiques au Moyen-Orient ; repli de la parité euro-dollar ; progression des semis dans l'hémisphère Nord (humide en Europe de l’Ouest, sec en Russie) ; avancée des récoltes de maïs dans l'hémisphère Nord (retard en France) ; retour des précipitations au Brésil, temps encore trop sec en Argentine ; conditions de culture en Australie ; rythme des exportations des céréales russes ; faiblesse des achats chinois de céréales ; activité de trituration en Europe et aux États-Unis.

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