Dans un courrier transmis le 11 septembre 2024 lors d’une réunion bilatérale au Brésil, le pays appelle l’Union européenne à « réexaminer de toute urgence » sa nouvelle loi anti-déforestation, un « sujet de vive préoccupation » pour les exportations du pays. Deux jours plus tard, ce vendredi 13 septembre 2024, l’Allemagne lui emboîte le pas et demande à son tour à la Commission européenne de reporter l’entrée en vigueur du texte « d’une demi-année », soit jusqu’au 1er juillet 2025.

Une interdiction dès la fin de 2024

Promulgué en 2023, le nouveau règlement européen contre la déforestation prévoit d’interdire à partir de la fin de 2024 la commercialisation dans l’Union européenne d’une série de produits (cacao, café, soja, huile de palme, bois, viande bovine, caoutchouc, cuir, ameublement, papier…) s’ils proviennent de terres déboisées après décembre 2020.

Les entreprises importatrices, responsables de leur chaîne d’approvisionnement, devront prouver la traçabilité via des données de géolocalisation fournies par les agriculteurs, associées à des photos satellitaires.

La demande du Brésil jugée « triste et lamentable »

Le gouvernement brésilien considère la nouvelle réglementation européenne comme contraire au « principe de souveraineté », jugeant qu’elle « discrimine les pays en touchant uniquement ceux qui possèdent des ressources forestières ». Le président brésilien de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, revenu aux affaires l’an dernier, s’est engagé à mettre fin d’ici à 2030 à la déforestation illégale dans le pays, liée à l’expansion de la puissante agro-industrie, toujours en quête de terres.

Le courrier du Brésil est « triste, lamentable et étonnant » parce qu’il « contredit le discours du président lui-même », a déclaré jeudi à l’AFP Marcio Astrini, secrétaire exécutif de l’Observatoire du climat, un réseau regroupant une centaine d’ONG environnementales au Brésil.

« Cela ne sert à rien de faire des discours pour dire qu’on va en finir avec la déforestation et promouvoir une production agricole durable, si quand un mécanisme apparaît pour atteindre ce but, on ne le met pas en place », a réagi Marcio Astrini.

Pour lui, la position brésilienne est « encore plus grave » du fait que le Brésil accueillera l’an prochain la COP 30, la grande conférence internationale sur le climat, dans la ville amazonienne de Belem (nord).

Une règlementation « impraticable » selon l’Allemagne

Même son de cloche outre-Atlantique. Le ministre allemand de l’Agriculture, Cem Ozdemir, justifie la demande de report en expliquant que « les entreprises ont besoin de suffisamment de temps pour se préparer » à l’interdiction.

Le chancelier social-démocrate Olaf Scholz s’est également inquiété jeudi 12 septembre de la capacité des entreprises à pouvoir appliquer ce texte. S’exprimant devant l’association allemande des éditeurs numériques et de journaux (BDZV), Olaf Scholz a déclaré avoir évoqué ces difficultés avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, insistant pour « que le règlement soit suspendu jusqu’à ce que les questions soulevées aient été clarifiées ».

Les professionnels des secteurs du papier, du chocolat, des meubles ou des produits d’hygiène utilisant de l’huile de palme seraient particulièrement concernés par la nouvelle règlementation. La fédération BDZV l’a qualifiée d'« impraticable », affirmant qu’elle créerait « une nouvelle charge bureaucratique drastique pour les entreprises ».

Une loi anti-déforestation qui oppose les Européens

En juin, les États-Unis avaient eux aussi demandé à l’Union européenne de reporter l’application du texte, qui suscite également de vives inquiétudes de pays africains, asiatiques et sud-américains, mais aussi de certains États européens, inquiets de coûts supplémentaires pour leurs agriculteurs, éleveurs et exploitants forestiers.

De son côté, la Commission européenne assure « travailler intensément à la mise en œuvre » de ce nouveau règlement prévue à la fin de décembre 2024. Aucun report n’est prévu à ce stade. Un report nécessiterait une nouvelle initiative législative de la Commission, dont la nouvelle équipe doit être présentée mardi 17 septembre prochain, trois mois après les élections européennes.

Au sein du Parlement, les conservateurs du parti populaire européen (PPE) ont réclamé dès le mois de juin un report de ce règlement, que la droite présente comme un « monstre bureaucratique ».

À l’inverse, les eurodéputés écologistes s’alarment de la remise en cause de cette règlementation. « Cette loi est attaquée de toutes parts. On a des inquiétudes. Le Brésil demande ça alors qu’il est le premier derrière à dire qu’il y a alerte rouge sur la déforestation », dénonce l’eurodéputée Marie Toussaint.

Une réunion technique devait également se tenir jeudi 12 septembre entre la Commission, les autorités de Malaisie et d’Indonésie.