Marché des grains Les prix du blé fléchissent en euro, pénalisés par le dollar
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Les prix des blés français ont acté une baisse marquée en euro sur la semaine pour ne pas perdre de compétitivité en dollar face aux autres origines. À l’inverse, les prix des tourteaux de soja ont grimpé à cause de la sécheresse qui sévit en Argentine.
La remontée de l’euro face au dollar pénalise les prix des blés français
La parité euro/dollar a atteint 1,0856 à la clôture jeudi 12 janvier 2023 soir, son plus haut niveau depuis avril 2022. En conséquence, les prix français en euro se sont nettement contractés au cours de la semaine afin de limiter la hausse en dollar. En euro, le rendu Rouen a perdu 8,5 €/t cette semaine, à 291,5 €/t et jusqu’à 12 €/t à La Pallice, tandis qu’en dollar le Fob Rouen a gagné 1,5 $/t, à 327 $/t.
L’origine française, tout comme les autres origines européennes, est ainsi pénalisée à l’exportation. Néanmoins, comme le blé russe a gagné 2 $/t cette semaine à 310 $/t, l’écart de prix entre l’origine française et la russe s’est très légèrement réduit. Cette semaine a été marquée par un achat égyptien de 120 000 tonnes de nouveau remporté par l’origine russe, qui aurait été proposée à près de 15 $/t de moins que l’origine française à destination de l’Égypte.
Néanmoins, malgré cette forte concurrence émanant de la mer Noire, les exportations françaises devraient de nouveau être dynamiques sur le mois de janvier d’après les opérateurs portuaires, en particulier vers le Maroc et l’Algérie. La Turquie a également émis un appel d’offres qui s’est clôturé jeudi après-midi pour un volume de 565 000 tonnes de blé. Les résultats de cet achat n’ont pas été communiqués, mais les origines mer Noire sont les grandes favorites sur cette destination.
Le marché du blé a également été influencé par la publication du Wasde (rapport mensuel du ministère américain de l’Agriculture) qui a présenté des stocks américains (US) au 1er décembre plus bas que ce qui était prévu. De plus, les conditions météorologiques restent préoccupantes pour les blés d’hiver aux États-Unis, avec une sécheresse toujours active dans les États producteurs de blé d’hiver. Le blé US HRW a d’ailleurs bondi de 7 $/t, à 379 $/t.
Cependant, le Wasde indique également que la surface semée de blé a progressé de près de 11 % par rapport à l’année dernière, ce qui offre une touche d’optimisme pour la récolte de 2023, à condition que les conditions climatiques s’améliorent prochainement.
Les chargements d’orge vers la Chine repartent
Après une baisse au cours de la semaine dernière, les prix de l’orge fourragère sur le marché français ont encore diminué au milieu de la semaine, puis se sont repris pour terminer à un niveau rendu Rouen malgré tout inférieur de 5 €/t par rapport à celui de vendredi dernier, à 267 €/t (base juillet). La baisse observée au début de la semaine s’explique par la faible compétitivité des origines françaises face aux orges australiennes ainsi que celles de la mer Noire et par la remontée de l’euro face au dollar (les prix français devant limiter leur hausse en dollars).
Les origines russes et australiennes, malgré leur évolution à la hausse depuis vendredi dernier (+5 $/t pour les orges russes et +3 $/t pour les orges australiennes) restent aujourd’hui les plus compétitives sur le marché avec des prix cotés Fob à 273 $/t et 275 $/t respectivement au 13 janvier.
Les orges françaises, en quête de débouchés dans un contexte d’offre mondiale abondante, n’ont pas d’autres choix que de chercher à se rapprocher du niveau des origines les plus compétitives. L’orge tricolore est ainsi descendue à 290 $/t Fob le 11 janvier dernier avant de remonter à 299 $/t entraînée par le blé et un intérêt des acheteurs.
Du côté des affaires, le regain d’intérêt de la Chine pour les orges françaises commence à se matérialiser avec des chargements cette semaine. On note également un achat de la Tunisie le 5 janvier de 75 000 tonnes d’orge. Cette dernière semble accroître ses achats à la suite d’un prêt qui lui a été accordé par la Banque européenne d’investissement pour assurer sa sécurité alimentaire.
À l’image de l’orge fourragère, les prix brassicoles d’hiver et de printemps ont aussi suivi la tendance baissière cette semaine (–10 €/t, à 295 €/t Fob Creil pour l’orge brassicole d’hiver, et –5 €/t, à 305 €/t Fob Creil pour celle de printemps). L’offre brassicole actuelle au niveau mondial est très abondante grâce aux très bonnes productions au Canada et en Australie et ce, malgré la dégradation de la récolte en Argentine à cause de la sécheresse.
Baisse des cours du colza
Cette semaine, les prix du colza en France ont régressé de près de 13 €/t rendu Rouen, et s’établissent ainsi à 562,5 €/t. Les cours de la graine ont notamment subi la pression des cours de l’huile de palme, dont les prix rendus Europe ont baissé de 65 $/t en raison de la chute des exportations malaisiennes au début de janvier. Ces dernières pâtissent du ralentissement de la demande chinoise. Cela a entraîné la baisse des cours de l’huile de colza de près de 45 $/t, faisant pression sur la graine.
Par ailleurs, tandis que les disponibilités en colza sont excellentes au sein de l’Union européenne (bonnes récoltes et fortes importations, notamment depuis l’Ukraine et l’Australie), la remontée de l’euro face au dollar affecte la compétitivité des graines européennes à l’exportation.
Toutefois, la baisse des prix du colza a été limitée par le soutien apporté par le soja, dont la production continue d’être affectée par un temps chaud et sec en Argentine.
Le prix du tourteau de soja progresse à cause du temps sec en Argentine
Cette semaine, les prix mondiaux du tourteau de soja ont gagné de la hauteur. Sur le CBot, le cours a pris 27 $/t sur le rapproché pour s’afficher à 566 $/t le 12 janvier. Le Fob argentin a progressé plus fortement avec une hausse de 31 $/t, à 598 $/t.
Le temps chaud et sec, affectant la production en Argentine, continue de soutenir les prix. Les semis sont retardés et les conditions des cultures se dégradent rapidement. Des températures supérieures à la normale sont attendues sur les prochaines semaines alors que les faibles précipitations à venir ne seront pas suffisantes pour compenser le manque d’eau.
Par ailleurs, la stratégie de rétention adoptée actuellement par les agriculteurs argentins contribue à diminuer l’offre sur le marché. La fin de la mesure donnant un taux de change préférentiel au soja pour les ventes à l’exportation a mis un coup de frein sur les ventes. Les acheteurs se tournent ainsi en ce moment vers les offres brésiliennes pour couvrir leurs approvisionnements.
La récente publication du rapport Wasde de l’USDA montre une révision à la baisse de la production de soja aux États-Unis d’environ 2 millions de tonnes : cela a entraîné un raffermissement des cours du soja et par ricochet de celui du tourteau. Le Conab (agence officielle brésilienne) a également revu en baisse ses estimations de production de soja au Brésil pour tenir compte de la sécheresse qui sévit dans l’extrême sud du pays.
En parallèle, la demande chinoise est ralentie à l’heure actuelle : les stocks de tourteaux tendent à progresser. Toutefois, les stocks demeurent inférieurs à leurs niveaux de l’an dernier, à la même période. La consommation chinoise souffre de la flambée des cas de Covid et du ralentissement des activités économiques que cela engendre. Mais la demande chinoise devrait rebondir dans les mois à venir avec la fin de la politique « zéro Covid » en Chine. Néanmoins, l’évolution de la situation sanitaire reste toujours incertaine.
En Europe (France, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Allemagne), les foyers d’influenza aviaire se multiplient dans les élevages et cela affecte la demande en tourteau. Cela a un peu tempéré l’effet de la tendance haussière mondiale. Ainsi, les prix du tourteau de soja à Montoir ont progressé de 16 €/t cette semaine pour s’afficher à 594 €/t le 12 janvier.
À suivre : conditions météorologiques en Argentine (soja, maïs), exportations russes et ukrainiennes, croissance économique en Chine, évolution du taux change euro/dollar, cours du pétrole.
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