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Bien-être animal : l’Europe prépare de nouvelles règles

La Commission européenne proposera au cours de l'automne de nouvelles normes pour le bien-être des animaux d’élevage.

La Commission européenne proposera cet automne de nouvelles normes pour le bien-être des animaux d’élevage. Le texte ne sera qu’à la première étape de son parcours législatif, mais il fera office de base de négociation pour toutes les filières concernées.

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C’était prévu dès 2020 lors de l’adoption de la stratégie « Farm to fork » (1), issue du pacte vert européen. La Commission européenne proposera à l’automne 2023 une révision de la législation sur le bien-être des animaux. Le but ? « L’adapter aux dernières données scientifiques, élargir son champ d’application à plus d’espèces, la rendre plus simple à faire respecter et assurer un meilleur niveau de bien-être animal », a expliqué Lucie Carroué, adjointe de l’unité du bien-être animal à la direction générale de la santé et des consommateurs (DG santé) de la Commission européenne, le 7 juin 2023 lors de l’assemblée générale de l’interprofession porcine (Inaporc).

« La législation ne reflète pas les attentes sociétales actuelles »

Afin de rédiger ce texte, Bruxelles a d’abord examiné les règles en vigueur. Cette étape s’est achevée en octobre 2022. La conclusion ? « La législation ne reflète pas les attentes sociétales actuelles, ni les connaissances scientifiques récentes, indique la fonctionnaire européenne. Elle est par ailleurs souvent imprécise et trop vague. » Les cinq directives et les deux règlements existants seront transformés en quatre règlements distincts.

Les cinq directives et les deux règlements existants sur le bien-être animal seront transformés en quatre règlements distincts.

La Commission a également lancé une analyse d’impact pour évaluer les conséquences économiques, sociales et environnementales des modifications envisagées. Sa finalisation a été annoncée pour l’été 2023. Un autre acteur important de ce processus est l’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Elle a émis entre septembre 2022 et mai 2023 onze « opinions scientifiques » sur le bien-être animal qui seront prises en compte pour préparer la proposition de loi.

Concertation nationale

Une chose est sûre : Bruxelles s’est déjà engagée à mettre fin à l’élevage en cage (lire l’encadré ci-dessous). Au niveau du maillon de la production, d’autres sujets devraient être au menu : les densités en élevage, l’accès des animaux à l’extérieur, la prise en charge de la douleur, ou encore l’enrichissement du milieu de vie.

Pour autant, le texte que publiera la Commission ne sera qu’au début de son parcours législatif. Il devra ensuite être examiné par le Parlement européen — qui pourrait changer de visage l’issue des élections de 2024 — puis par le Conseil de l’Union européenne, qui réunit les ministres des États membres par domaine d’activité. La France sera donc amenée à prendre position.

Dans ce contexte, le ministère de l’Agriculture a organisé une « concertation nationale » au premier semestre de 2023. Représentants des filières, syndicats, organisations de protection animale, vétérinaires, et organismes scientifiques et techniques ont été mis autour de la table.

Ne pas créer de distorsions

Des lignes rouges semblent se dessiner. Dans un communiqué publié le 9 août 2023, le ministère appelle la Commission européenne à « ne pas créer de situations plaçant une nouvelle fois l’élevage européen en situation de distorsion de concurrence ou de perte de compétitivité ». S’agissant de l’étiquetage, le ministère considère qu’il doit être réalisé sur la base du volontariat. Lors de ces échanges, les interprofessions des filières d’élevage ont exprimé leurs inquiétudes sur les recommandations formulées par l’Efsa, les délais pour appliquer les nouvelles normes et financements nécessaires.

« Ces transitions ne peuvent se faire qu’à l’échelle d’une génération, soit une vingtaine d’années », jauge Caroline Tailleur, la directrice adjointe d’Inaporc. Pour François Valy, le vice-président de l’interprofession porcine, « plus les délais seront courts, plus les besoins de financement seront importants ».

« À budget constant, on ne peut pas y arriver avec la Pac », tranche Yves-Marie Baudet, le président du Comité national pour la promotion de l’œuf. Quant à demander au consommateur de mettre la main à la poche, « la montée en gamme connaît déjà des difficultés, constate Jean-Michel Schaeffer, le président de l’interprofession de la volaille de chair (Anvol). On le voit sur le bio, le label rouge ».

« Arbitrages timides »

Du côté des associations de protection animale, la concertation nationale sur le bien-être animal est jugée décevante. « La question de l’abattage a été éludée », regrette Frédéric Freund, le directeur de l’OABA (2). Il se dit également « choqué » par une « remise en cause permanente des avis scientifiques de l’Efsa ».

Pour sa part, Adrienne Bonnet, responsable du pôle « campagnes, plaidoyer et juridique » chez Welfarm, constate que « les arbitrages sont relativement timides par rapport aux demandes que l’on émet depuis des années », tout en reconnaissant que « les éleveurs ne peuvent pas changer leurs pratiques du jour au lendemain ».

Une fois la proposition de textes publiée par la Commission européenne, le ministère de l’Agriculture prévoit de nouvelles réunions à la fin de 2023 pour affiner la position française. « Les débats pourraient être plus musclés, anticipe Caroline Tailleur. D’autant qu’avec les élections européennes de 2024, le sujet du bien-être animal prendra une tournure politique. »

(1) « De la ferme à la table ».

(2) Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs.

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