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Budget : les députés passent les crédits agricoles au crible

Manon Meunier (LFI, Haute-Vienne), rapporteure pour avis sur le volet agricole du budget, en commission des affaires économiques le 22 octobre 2025.

La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a commencé les discussions concernant les moyens alloués à l’agriculture dans le projet de loi de finances pour 2026.

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Ce 22 octobre 2025, les députés de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale ont examiné les crédits consacrés à l’agriculture dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026 (PLF 2026). Ces crédits figurent dans la deuxième partie du texte, où sont détaillées les sommes que l’État prévoit d’engager — qu’il s’agisse des programmes ministériels, des enveloppes par politique publique, des crédits d’intervention ou des investissements.

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C’est Manon Meunier (Haute-Vienne), du groupe La France insoumise (LFI), qui a été désignée rapporteure pour avis sur ce volet du budget. Son rôle consiste à examiner en détail les moyens alloués au monde agricole et à recueillir la position et les propositions d’amélioration des différents groupes politiques avant que l’ensemble du texte budgétaire ne soit débattu en séance publique. Même si la commission des affaires économiques n’est saisie que pour avis, les discussions permettent d’attirer l’attention sur les priorités du terrain. C’est aussi l’occasion de faire le point sur les priorités de chaque groupe politique pour l’agriculture. La France Agricole décortique leurs positions, dans l’ordre de leur prise de parole.

Géraldine Grangier (Doubs) déplore que le budget consacré à la mission Agriculture bénéficie davantage, selon elle, aux structures, opérateurs et agences qu’aux exploitants eux-mêmes. « Le problème n’est pas le montant, mais son utilisation », a-t-elle martelé. Elle a vivement critiqué plusieurs agences : FranceAgriMer, qualifiée d’« usine à subventions », l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao), jugée « machine administrative qui tourne sur elle-même », l’Agence bio, qui « dépense des millions pour des rapports pendant que les fermes bio ferment », l’Agence de services et de paiement (ASP), dont « les retards de paiements européens étranglent les exploitations », et enfin l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), qui « devrait rester scientifique, mais dont le pouvoir décisionnaire devrait être retiré ». Une « pyramide d’agences déconnectée des réalités du terrain », s’étrangle-t-elle.

La députée souligne que les « moyens de mise en œuvre des politiques publiques » mobilise presque autant que les crédits directs d’aide à la modernisation ou à la transmission des exploitations. Elle propose de réduire de 20 % les frais de structure des agences et opérateurs pour réaffecter plusieurs centaines de millions d’euros à des postes productifs : prévention des risques, aide à l’installation, soutien des petites exploitations.

La rapporteure Manon Meunier a répondu « ne pas avoir compris le projet du Rassemblement national pour l’agriculture », notant que le groupe ne proposait que des coupes budgétaires, tandis que la quasi-totalité des autres groupes réclament des hausses, notamment pour faire face aux crises sanitaires (dermatose nodulaire contagieuse et influenza aviaire).

Jean-Luc Fugit (Rhône) estime que le budget « confirme et approfondit les grandes priorités établies en 2025, avec un recentrage sur la soutenabilité budgétaire et la résilience climatique ». Selon lui, la mission Agriculture met l’accent sur la sécurité et la souveraineté alimentaire, avec la mise en œuvre dès 2026 de la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat.

Le député souligne également « la montée en puissance de la planification écologique », avec l’intégration des politiques agricoles dans les objectifs nationaux de neutralité carbone et d’adaptation au changement climatique. Il met en avant la modernisation de l’action publique, notamment à travers le numérique et la pérennisation du dispositif TODE (exonération de charges pour la main-d’œuvre saisonnière).

Le groupe Ensemble se déclare favorable à l’adoption des crédits, sous réserve de l’adoption de ses amendements concernant le pacte en faveur de la forêt, le plan de souveraineté fruits et légumes, et l’installation.

Jean-Luc Fugit a également interrogé la rapporteure sur la prise en charge vaccinale face à la multiplication des épizooties. Manon Meunier a précisé que 40 millions supplémentaires étaient alloués au contrôle vaccinal de l’influenza aviaire, mais que le cas de la dermatose nodulaire devait encore faire l’objet de propositions.

Laurent Alexandre (Aveyron) a centré son intervention sur la crise de la dermatose nodulaire contagieuse et la nécessité de soutenir les éleveurs. Il plaide pour la création d’un fonds d’indemnisation pour compenser les pertes directes et indirectes, ainsi qu’une véritable campagne de vaccination.

Le député dénonce un budget « constitué d’une avalanche de mauvais coups », marquant selon lui « une baisse importante pour la deuxième année consécutive du budget de l’agriculture ». Il critique la réduction de moitié du volet « prévention des aléas climatiques » : « En période d’instabilité climatique, exposer ainsi les agriculteurs est irresponsable », grogne-t-il.

Il fustige également les coupes dans la planification écologique et sur les opérateurs publics « comme l’Agence bio, l’Inao et tant d’autres », estimant que cela prive les agriculteurs d’un soutien utile. Les députés LFI-NFP proposent notamment de renforcer les aides à l’installation et à la transmission.

Mélanie Thomin (Finistère) dénonce des « baisses drastiques qui touchent les mêmes programmes année après année ». Elle relaie les alertes venues du terrain, « à commencer par les chambres d’agriculture, qui nous disent que les baisses budgétaires du PLF 2024 ne se feront sentir qu’à partir de 2026 — c’est-à-dire maintenant ».

L'élue voit dans ces choix budgétaires « un abandon des politiques publiques de transition agroécologique et de réduction des produits phytosanitaires ». Selon elle, ces coupes préparent « la suppression pure et simple de ces actions » : –15 % pour les plans d’alimentation territoriaux, –14 millions d’euros pour l’Agence bio, –65 % pour la planification écologique et – 84 % pour la réduction des produits phytosanitaires. En face, elle regrette que le programme relatif à l’allègement du coût du travail en agriculture (TODE) « soit renforcé ou maintenu sans aucune remise en cause ».

Le groupe socialiste regrette également une baisse de 8 % du budget de la police sanitaire et de l’inspection des abattoirs, « ce qui favorise les pratiques intensives et standardisées ». Concernant le bio, Mélanie Thomin plaide pour réabonder le fonds Avenir bio.

Julien Dive (Aisne) insiste sur le besoin de stabilité — budgétaire, fiscale et politique — pour l’agriculture. Il salue la préservation de plusieurs dispositifs fiscaux malgré une baisse de 5 % des crédits de paiement : tarif réduit sur le gazole, le fioul lourd et le gaz de pétrole, crédit d’impôt bio, abattement sur les bénéfices des jeunes agriculteurs, exonérations pour les coopératives… et pérennisation du TODE, en taclant la gauche au passage, pointant du doigt son opposition au dispositif.

Concernant les crises sanitaires, Julien Dive estime que les indemnisations pour la tuberculose bovine et la grippe restent garanties. Il regrette toutefois la diminution des crédits destinés à la transmission des exploitations, y voyant un affaiblissement du soutien à l’installation des jeunes.

Réagissant à ses propos sur le TODE, Manon Meunier a précisé que LFI ne s’y opposera pas « dans l’état actuel, car il comble un manque dans le financement de l’agriculture ». Elle ajoute toutefois que, sur le long terme, le groupe souhaite « que les agriculteurs puissent se financer par eux-mêmes ».

Pour Benoît Biteau (Charente-Maritime), « ce qui menace notre souveraineté alimentaire, c’est le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité ». Il rappelle que la biodiversité est un rempart essentiel pour l’agriculture, notamment face à l’émergence des épizooties. Le député dénonce une incohérence de la part du ministère de l’Agriculture : « Il nous répond qu’en temps de crise sanitaire, ils vont chercher les budgets sur la planification écologique, pour aller renflouer les fonds d’indemnisation, ce qui est un non-sens complet en termes de durabilité parce que précisément nous devons travailler sur la durabilité pour pouvoir assurer la diminution de ces crises sanitaires. »

Le député appelle à poursuivre le soutien à l’agriculture biologique, à travers des paiements pour services environnementaux, et à conforter le rôle de structures comme l’Agence bio. Il propose de redéployer les crédits « vers l’anticipation, la prévention et la rémunération des agriculteurs, avec une vraie politique de l’emploi et du revenu, gage de réussite des installations ».

Pascal Lecamp (Vienne) constate une baisse des crédits liée à la diminution du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), et surtout à la baisse des crédits de la planification écologique. Il rappelle que ces derniers permettaient de financer la réduction des épandages, des engrais azotés et des combustibles fossiles, ainsi que les diagnostics carbone et les plantations du plan protéines végétales. « Depuis deux ans, Madame la rapporteure, quelles actions ont été engagées sur ces chantiers ? Quelles évaluations des besoins depuis ? » a-t-il interrogé.

Comme ses collègues allant du centre à la droite, il se félicite de la prolongation du TODE.

Thierry Benoit (Ille-et-Vilaine) appelle à axer les crédits sur la prévention, la prophylaxie et la vaccination pour faire face aux crises à répétition (influenza aviaire, dermatose nodulaire, FCO, peste porcine). Il défend un renforcement des moyens pour les opérateurs stratégiques comme l’Anses, ainsi que pour les directions départementales de la protection des populations (DDPP), notamment les services vétérinaires dans les abattoirs.

Concernant l’agriculture biologique, il plaide pour un soutien renforcé, « car elle permet la mutation de l’agriculture française ». Il insiste enfin, lui aussi, sur le maintien du TODE pour la compétitivité et l’emploi.

David Taupiac (Gers) constate que la mission Agriculture « n’est pas épargnée par le plan de redressement, mais reste relativement stable ». Il regrette toutefois « l’insuffisance d’un soutien budgétaire adapté pour les filières confrontées aux aléas climatiques et aux épizooties ».

Le député partage le constat de la rapporteure sur « l’absence d’un fonds pour la recherche sur les maladies animales ». Il rappelle que le ministère avait lancé les assises sanitaires en janvier dernier, prévoyant une gouvernance rénovée et un financement nouveau d’ici à 2026 : « Nous ne retrouvons pas cette ambition dans ce PLF », déplore-t-il.

Il critique enfin « l’abandon de la transition agricole », illustré selon lui par la baisse du budget de la planification écologique.

Julien Brugerolles (Puy-de-Dôme) estime qu’au regard de la baisse des crédits entre 2024 et 2026, « le budget envoie un signal très inquiétant ». Il dénonce « la réduction de moitié des crédits consacrés à la gestion de crise et aux aléas climatiques », une décision qui, selon lui, « fragilise la couverture des agriculteurs, au prétexte de la consolidation de la trésorerie du FNGRA ».

Il critique également la baisse des moyens alloués au renouvellement des générations et la chute de 58 % des crédits à la réduction des produits phytosanitaires — « un choix idéologique », tranche-t-il.

Prochaine étape en séance

Après ces échanges, les députés ont proposé leurs amendements à la copie proposée par le gouvernement. Ce tour de chauffe passé, les prochains débats sur les crédits consacrés à l’agriculture auront lieu en séance, le 20 novembre, selon les informations transmises par l’Assemblée nationale.

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