L’exécutif a présenté le 14 octobre 2025 en Conseil des ministres les projets de loi budgétaires pour 2026, avant leur transmission immédiate aux deux assemblées. Un lancement tardif, mais qui devrait préserver le calendrier d’examen prévu par la Constitution, à savoir une promulgation du budget pour 2026 au plus tard le 31 décembre. Les quelque 400 pages du projet de loi de finances (PLF) 2026 prévoient plusieurs mesures fiscales pour les agriculteurs, dont certaines ont été réclamées par la FNSEA et Jeunes Agriculteurs.
Article 10, cœur du dispositif agricole
Dans la première partie du texte, consacrée aux « dispositions de nature fiscale » et à l’équilibre général (recettes de l’État), des points majeurs apparaissent à l’article 10, qui « prolonge l’engagement résolu du Gouvernement en faveur du monde agricole au travers de deux principales mesures ».
- Déduction pour épargne de précaution : prolongation jusqu’en 2028
La déduction pour épargne de précaution (DEP) est prorogée jusqu’au 31 décembre 2028. Ce mécanisme permet aux exploitants de mettre de côté une partie de leurs bénéfices les bonnes années, en la déduisant de leur résultat imposable. L’épargne peut ensuite être mobilisée lors d’années plus difficiles pour faire face aux aléas. Le projet de loi apporte également des ajustements aux conditions de récupération de cette épargne.
- Agriculture biologique : le crédit d’impôt maintenu jusqu’en 2027
Le projet de budget prévoit aussi la prolongation du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique. L’année limite de 2025 serait remplacée par 2027 dans le code général des impôts. Selon le gouvernement, cet avantage fiscal vise à « accompagner les exploitants agricoles désireux de s’inscrire dans des pratiques agricoles plus durables », et traduit son engagement en faveur de l’agriculture biologique, filière traversée par des difficultés.
Le bio cherche à repartir (02/10/2025)
- Abattage sanitaire : une exonération fiscale sur trois ans
L’article 10 porte aussi sur le régime fiscal spécifique pour les éleveurs subissant l’abattage d’animaux pour raisons sanitaires. L’exploitant agricole (relevant de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés) est exonéré de l’impôt sur les plus-values ou sur les profits sur stock dégagés à cette occasion.
L’exonération s’applique à la différence entre l’indemnité perçue pour l’abattage des animaux d’un cheptel affecté à la reproduction et leur valeur nette à l’actif, à condition que le montant de l’indemnité soit employé à la reconstitution de ce cheptel dans un délai d’un an à compter de sa perception. Si le montant exonéré est supérieur au montant réemployé pour la reconstitution du cheptel, cette différence est rapportée au résultat de l’exercice suivant celui de la perception. Le dispositif est prévu pour une durée de trois ans, sur la période de 2025 à 2027.
Autres mesures en faveur du secteur
- Stocks de bovins : un soutien face à la décapitalisation
À noter également parmi les articles de la première partie du PLF, le gouvernement propose d’avancer l’application de la provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes. Cette disposition s’appliquerait dès les exercices clos à compter du 1er janvier 2024, afin de soutenir le secteur dans un contexte de décapitalisation des cheptels.
- Transmission d’exploitations : des seuils d’exonération relevés
Le texte prévoit de sécuriser et d’améliorer le dispositif fiscal encourageant les transmissions d’exploitations, avec un rehaussement des seuils d’exonération partielle des droits de mutation pour la transmission de biens ruraux donnés à bail rural à long terme. Il s’appliquerait aux transmissions intervenant à compter du 15 février 2025, y compris lorsque le bail a été signé avant le 1er janvier 2025. Cette mesure vise à faciliter l’installation des jeunes agriculteurs en allégeant le coût fiscal lié à la reprise d’une exploitation.
- Holdings patrimoniales : l’activité agricole préservée
L’article 3 du projet de loi introduit une taxe sur les holdings patrimoniales détenant des actifs non affectés à une activité opérationnelle. Le texte précise toutefois que les biens ou droits (meubles ou immeubles) affectés à l’exercice d’une activité agricole ne sont pas pris en compte dans le calcul de cette taxe. Cette disposition vise à protéger les structures agricoles de cette nouvelle taxation.
- Irrigation : un abattement de redevance
Dans le cadre d’ajustements de la fiscalité de l’eau qui fait suite à la réforme de 2024, le projet de loi prévoit un abattement sur la redevance de consommation d’eau potable pour les agriculteurs qui utilisent cette ressource pour l’irrigation, lorsqu’aucune autre solution n’est techniquement ou économiquement possible. Cet abattement est plafonné à 20 000 mètres cubes facturés par année civile.
Niches fiscales, des suppressions qui font débat
Le projet de loi prévoit en son article 5 la suppression et la rationalisation de diverses dépenses fiscales jugées « inefficientes ou obsolètes ».
- Transmissions d’exploitations
L’exonération d’impôt sur le revenu relative aux intérêts du différé de paiement lors de la transmission d’une exploitation agricole serait supprimée. Selon l’exposé des motifs, ce dispositif est considéré comme « éteint » et ne produit plus d’effet budgétaire.
- Biocarburants agricoles
Deux mesures importantes toucheraient les carburants alternatifs : la suppression du tarif particulier pour le carburant B100, qui bénéficierait désormais des tarifs réduits applicables au secteur des transports routier ou ferroviaire, et la réduction progressive de l’avantage fiscal sur le carburant E85 (produit notamment à partir de betteraves). Il s’agit là du « gros point irritant du projet de budget », écrit l’AFP, soulignant que « ces agrocarburants peuvent constituer une source de revenus importante pour les agriculteurs, qui redoutent une concurrence accrue sur l’éthanol si l’accord entre l’Union européenne et des pays du Mercosur entrait en vigueur ».
Lors d’une conférence de presse au Sommet de l’élevage le 8 octobre 2025, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, avait indiqué à la presse avoir échangé avec le rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, Philippe Juvin (LR), quelques jours plus tôt. « Il nous a demandé, comme d’habitude, de lui envoyer dès à présent nos liasses d’amendements sur les thématiques importantes », a-t-il indiqué.
Toutes ces mesures sont des propositions contenues dans le projet de loi de finances pour 2026. Elles doivent maintenant être examinées et votées par le Parlement, qui peut les modifier, les supprimer ou en ajouter de nouvelles.