C’est son avis « La loi climat rend climatosceptique »
Benoît Grimonprez, professeur d’université et membre de l’Institut de droit rural de Poitiers, pose un regard critique sur la loi climat et sa méthode d’élaboration.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
« Dans la convention citoyenne pour le climat, l’agriculture était envisagée au titre de la manière de se nourrir et donc de produire de la nourriture, estime Benoît Grimonprez. La loi climat reprend bon gré mal gré les propositions de la convention mais en cherchant surtout à l’édulcorer et sans saisir le sujet du climat à bras-le-corps. Cette loi rend climatosceptique. »
> À lire aussi : Les cinq mesures à retenir de la loi sur le climat (19/08/2021)
éLe gouvernement a été pris à son propre piège en s’engageant à poursuivre ses travaux. Il a dû traiter de sujets agricoles alors qu’il n’était pas prêt et qu’il n’avait pas entamé de négociations avec toutes les parties prenantes. Du coup, ces discussions, qui n’ont pas pu avoir lieu avant la loi Climat, se retrouvent dans la loi elle-même au sein de commissions, de conseils et de rapports. »
« On effleure les sujets »
C’est presque devenu une manie de créer ces instances molles pour diriger l’action publique. La loi ne décide plus, elle délègue le processus de décision. Cette méthode conduit à effleurer les sujets sans vraiment les traiter. On le voit à travers celui des engrais azotés. Il était question, dans les discussions, d’une éventuelle taxe ou redevance. »
« Finalement, on a multiplié les garde-fous pour éviter qu’elle soit créée. En gros, si le plan Eco’Azot proposé révèle qu’on n’atteint pas un certain nombre d’objectifs de réduction des engrais azotés, une redevance pourrait éventuellement être mise en place, à condition qu’il y ait au préalable un rapport sur les impacts. »
> À lire aussi : La loi climat crée le plan Eco’Azot (20/07/2021)
« Nous avons pourtant l’expérience des plans Ecophyto aux bilans plus que mitigés. Ils ont entraîné beaucoup de lassitude chez les participants parce que les choses n’avancent pas. Les acteurs n’y croient pas eux-mêmes. Quand ils savent, de toute façon, que la politique n’est pas courageuse, ils trouvent toujours des échappatoires ou des moyens de la faire capoter. Hélas, on ne tire pas ces leçons car on reproduit la même méthode avec les engrais azotés. Je ne dis pas qu’elle est inutile mais elle est à l’évidence inefficace. »
Il manque les sanctions
« C’est dommage, car il peut y avoir des moyens tout à fait soutenables pour réduire les engrais minéraux en accompagnant les agriculteurs vers certaines pratiques. Alors que les pouvoirs publics réclament de la performance aux exploitants agricoles, ils devraient commencer à s’appliquer à eux-mêmes cette exigence. »
« On en a un autre exemple avec l’écocide, dont on a beaucoup parlé dans les médias. La loi climat, là aussi, accouche d’une souris. D’un crime d’écocide proposé par la convention citoyenne, nous sommes passés à un délit alors que les délits environnementaux envahissent déjà le code de l’environnement. »
Alors que les pouvoirs publics réclament de la performance aux exploitants agricoles, ils devraient commencer à s’appliquer à eux-mêmes cette exigence.
Benoît Grimonprez, professeur d’université et membre de l’Institut de droit rural de Poitiers.
« Ce qui manque, ce sont l’engagement des poursuites, la preuve que l’infraction a été commise et ensuite les sanctions. J’ajoute que ce délit ne sera reconnu que dans des conditions très exceptionnelles. Il faut qu’il y ait une infraction particulièrement grave qui crée une atteinte durable à l’environnement et commise de manière intentionnelle. »
« Je doute que cela puisse concerner un agriculteur. Avec toute la réglementation qu’on a, je ne vois pas des pratiques agricoles polluer de manière grave, intentionnelle et durable l’environnement. »
Propos recueillis par Alexis Marcotte
Pour accéder à l'ensembles nos offres :