L’Ukraine aux portes de l’UE : Agridées alerte sur le choc des agroholdings
Face aux défis que poserait l’adhésion de l’Ukraine, le think-tank met en garde contre un déséquilibre compétitif au sein de l’Union européenne. Il avance neuf propositions articulées autour de trois volets — agriculture, territoire et gouvernance — pour éclairer le débat sur les conditions d’un élargissement soutenable.
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Dans une note intitulée « Élargissement de l’Union européenne, équation institutionnelle et inconnue agricole », le groupe français de réflexion sur les politiques agricoles et agroalimentaires, Agridées, invite à s’interroger sur les implications de l’adhésion de nouveaux États membres, au premier rang desquels figure l’Ukraine. Les coauteurs, le responsable des filières et marchés d’Agridées, Yves Le Morvan, et le consultant Bernard Valluis soulignent le risque d’un déséquilibre compétitif majeur. L’agriculture ukrainienne repose, selon eux, sur un modèle concentré, constitué d’exploitations d’une taille et d’une puissance économique jugées atypiques au regard des standards européens.
« L’Ukraine ne représente que 1 % du PIB de l’UE, mais apporterait 21,5 % de sa surface agricole utile », résume Yves Le Morvan lors de la présentation de la note à la presse, le 13 novembre 2025. Selon lui, 80 % des surfaces sont exploitées par des agroholdings de plus de 1 000 hectares. Les dix plus grandes exploitent entre 100 000 et 500 000 hectares — du jamais vu en Europe. Leur force ? Une intégration verticale totale, de la production à la transformation. « On a là des entreprises qui sont des ovnis dans les caractéristiques compétitives », souligne-t-il. Premier exportateur mondial d’huile de tournesol, géant des céréales et de la volaille, l’Ukraine bouscule déjà les marchés.
Neuf propositions, trois sujets clés
Face à ce constat, Agridées avance neuf propositions structurées autour de trois grands sujets correspondant aux domaines d’impact de l’élargissement de l’UE : le fonctionnement institutionnel, les échanges commerciaux, l’agriculture. Yves Le Morvan et Bernard Valluis ont particulièrement insisté sur trois points : d’abord, la nécessité d’une intégration différenciée de l’Ukraine, sur le modèle de l’Espace économique européen. Ensuite, la gestion du choc compétitif provoqué par les agroholdings. « Même sans aide de surface, il y a une problématique de compétition dans le futur marché intracommunautaire », martèlent les experts. Contrôles aux frontières ou intervention de l’autorité de la concurrence : tout est sur la table. Enfin, le soutien aux territoires agricoles fragilisés. « Si la France continue à penser les aides de surface uniquement en volume, le commerce extérieur va continuer à fondre », prévient Yves Le Morvan. Il appelle à tirer la leçon de l’adhésion passée de la Pologne, qui a privilégié des soutiens structurels importants pour moderniser son agriculture et ses outils industriels, plutôt que de se focaliser sur les aides à l’hectare.
Un calendrier encore flou
Contrairement à 2004, les prochaines adhésions se feront « au mérite », limitant le « big-bang » qu’avait connu l’Europe avec l’entrée simultanée d’une dizaine de pays — Malte, Chypre, la Slovénie, la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie. L’Albanie et le Monténégro pourraient rejoindre l’Union d’ici à 2030, mais pour l’Ukraine, l’horizon reste incertain. L’urgence du débat demeure toutefois, selon Agridées. Comment un agriculteur peut-il se projeter quand les règles du jeu, notamment en matière de compétitivité intracommunautaire, risquent de basculer ? Pour « un avenir commun », il est essentiel de « rentrer dans la discussion » concrètement, au-delà de la situation géopolitique. Le groupe de réflexion souligne qu’il souhaite soutenir l’Ukraine dans les difficultés qu’elle traverse. Il présentera ses travaux lors d’une conférence à Paris, le 26 novembre prochain.
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