« La France reste le leader mondial des semences en grandes cultures, mais [cela pourrait évoluer avec] le contexte géopolitique qui nous inquiète beaucoup », a prévenu Olivier Paul, président à l’UFS (Union française des semenciers), lors de la conférence de presse annuelle de l’organisation, le 5 novembre 2025.

Vers l’Union européenne, où la France réalise une grosse part de son chiffre d’affaires à l'exportation, le marché reste stable. Mais vers les pays tiers, la situation se dégrade : son premier débouché, la Russie, ferme progressivement son marché aux importations, conséquence de sa volonté d’assurer sa souveraineté semencière. « Ils voulaient basculer de 25 à 75 % de semences russes à l'horizon de 2030. Ils ont déjà dépassé l’objectif sur le maïs, et doivent être à 69 % sur les oléagineux, a retracé Olivier Paul. Leurs génétiques restent encore pauvres mais ils investissent massivement pour les améliorer. »

Des ventes en régression

Vers l’Ukraine, autre pays tiers d’importance pour les semences françaises, les ventes reculent également. Ce n’est toutefois pas la résultante d’une impulsion publique, comme en Russie, mais plutôt de stratégies d’entreprises privées d’y produire davantage de semences avec des génétiques européennes, pour le marché local mais aussi, petit à petit, pour l’exportation. « Tous les acteurs mondiaux sont en Ukraine, a exposé Olivier Paul. Ils peuvent substituer de la production française [par] de la production ukrainienne pour exporter vers la Roumanie, la Bulgarie, où il y a des enjeux de compétitivité plus forts que ceux qu’on va retrouver en France. […] Ils regardent l’équation économique. »

Il y a une dizaine d’années, 100 millions d’euros de semences étaient envoyés vers ces deux destinations. Après un pic à 195 millions d’euros en 2021-2022, les ventes ont reculé à 160 millions en 2023-2024, et « vont encore baisser en 2024-2025 », selon l’UFS. Et puis, d’autres pays d’Asie centrale comme le Kazakhstan, ou la Turquie, redonnent aussi la priorité à la production de semences locale, a fait remarquer Rachel Blumel, directrice générale de l’organisation.

Ces ventes en baisse impactent directement les surfaces en production de semences françaises, de maïs et de tournesol notamment. Pour le premier, la sole a grimpé de 4 % entre 2023-2024 et 2024-2025, pour atteindre 63 437 ha, mais avait massivement reculé les deux années précédant cette hausse. En tournesol, la sole a chuté sur un an de 18 % en 2024-2025.

Difficultés pour trouver nouveaux débouchés

La France a-t-elle des cartes à jouer vers d’autres destinations pour compenser ? Il y a bien un potentiel de croissance fort dans certaines régions du monde, en Afrique et Asie centrale notamment. « Mais on ne peut pas substituer des marchés qui disparaissent d’un claquement de doigts, a rappelé Olivier Paul. Notre génétique est plutôt adaptée à nos conditions pédoclimatiques [et à nos ravageurs]. L’adapter pour l’Afrique par exemple, demande un gros effort de recherche. » Sans compter que la Russie et la Chine s’intéressent aussi à ces régions.

L’Amérique du Sud pourrait être prospectée, mais les génétiques y sont aussi « très différentes » et quelques acteurs majeurs du marché y sont déjà présents, ajoutait Olivier Paul. Enfin, selon les espèces, les coûts logistiques supplémentaires pour exporter vers des destinations lointaines pourraient nuire à la compétitivité. « Plus on s’éloigne, plus [il est intéressant] de produire sur place », relevait Rémi Bastien, vice-président de l’UFS.