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Semences françaises : cap sur l’Afrique et l’Orient

La Russie, client majeur de la France, entend réduire sa dépendance aux importations de semences.

Le contexte géopolitique fait évoluer les débouchés des semences tricolores en dehors de l’Union européenne. L’interprofession Semae identifie de nouvelles opportunités pour les diversifier et maintenir sa position de leader sur ce marché.

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En 2022-2023, toutes semences et plants confondus, l’excédent commercial français a atteint 1,2 milliard d’euros, contre 1,11 en 2021-2022. L’Hexagone est ainsi resté le premier exportateur mondial de semences agricoles, et le deuxième toutes semences confondues. Ces résultats masquent des difficultés d’accès à certains marchés d’importance en dehors de l’Union européenne, avec une baisse de l’excédent commercial vers les pays tiers. C’est pourquoi la filière cible de nouvelles destinations pour diversifier les débouchés.

Indépendance russe

C’est notamment le marché russe qui nous ferme progressivement ses portes. Le pays ambitionne de produire ses propres semences, et se fixe un objectif d’indépendance à hauteur de 75 % d’ici à 2030, selon Semae, l’interprofession des semences et des plants. Ainsi, « des opportunités nouvelles dans d’autres régions permettraient de compenser cette situation », estimait Pierre Pagès, président de l’interprofession, lors de la conférence de presse annuelle de l’organisation le 14 février 2024. C’est le cas de l’Afrique, du Proche-Orient et de l’Asie centrale.

Et pour conserver ces capacités d’exportation et la souveraineté semencière française, la filière milite pour un maintien de ses capacités de production. Celles-ci devraient aider à fidéliser les multiplicateurs, dont le réseau s’érode, comme le faisait remarquer Pierre Pagès.

« La sécurisation de l’accès à l’eau fait partie des indispensables pour la pérennité de la production semencière », soulignait-il. Aujourd’hui pourtant, la priorisation de cet usage lors des périodes de restriction n’est pas systématique, ajoutait Laurent Bourdil, président de la section des plantes oléagineuses de Semae. Le maintien de solutions phytosanitaires, avec par exemple la recherche d’alternatives dans le cadre d’Ecophyto 2030, fait également partie des priorités de l’interprofession.

Laurent Bourdil (gauche), président de la section des plantes oléagineuses de Semae, et Pierre Pagès, président de Semae, ont animé la conférence de presse de l'interprofession le 14 février 2024 à Paris. (©  Raphaëlle Borget/GFA)

Accès à l’innovation

L’organisation se réjouit du projet de règlement européen relatif à la production et à la commercialisation des semences présenté en juillet 2023 par la Commission européenne. Il devrait permettre une simplification et une harmonisation des règles à l’échelle communautaire. « On se retrouvait jusqu’alors avec des disparités d’application, voire des distorsions de concurrence entre les pays membres », signalait Pierre Pagès.

Quant à l’accès aux nouvelles techniques de sélection (NBT ou NGT en anglais), la filière est en attente d’un cadre juridique clair avec le règlement européen en cours d’élaboration. La question des brevets, que les parlementaires souhaitent interdire, devra être clarifiée. « Nous ne souhaitons pas de brevets sur les gènes natifs, et nous soutenons que le Cov (certificat d’obtention végétale) (1) doit rester le socle de la propriété intellectuelle sur la création variétale en Europe », estimait Pierre Pagès.

Horizon 2030 pour les NBT ?

Quand pourra-t-on voir sur le marché européen des semences issues de ces NBT ? « Il faudra un peu de temps », a prévenu le président de Semae, rappelant que ces techniques étaient déjà utilisées dans d’autres régions du monde. À l’occasion d’un colloque sur l’innovation variétale organisée par l’Anamso (multiplicateurs de semences oléagineuses) le 7 février, Sébastien Paque, responsable du pôle de l'amélioration des plantes à l’UFS (Union française des semenciers), tablait sur 2030 : « Avec un peu de chance d’ici à deux ans, un cadre clair aura été établi dans l’UE. Certaines entreprises ont déjà un peu commencé à travailler dessus. On peut espérer une entrée en application en 2028. Mais ça ne sera pas une baguette magique. »

Ces techniques supposent en effet une édition « très fine » du génome, expliquait cette même journée Nicolas Langlade, directeur de recherche à l’Inrae. « Il faut savoir quel gène on veut viser, et sa mutation. Cela nécessite une grande connaissance du génome des espèces, et donc de longs travaux. » Sébastien Paque précisait par ailleurs que la résistance à un stress abiotique mobilise souvent un réseau de gènes. Un travail plus complexe de fait, que la recherche d’une résistance à une maladie par exemple, qui peut ne reposer que sur un unique gène.

(1) Le Cov « interdit à quiconque la production et la vente des semences de la variété sans l’accord de son propriétaire, l’obtenteur », explique Semae.

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