Le « surrisque suicidaire » perdure chez les agriculteurs
Dans un rapport publié fin octobre, la MSA observe un risque suicidaire dans le monde agricole plus élevé que dans d'autres régimes de protection sociale. La prise en charge du mal-être des agriculteurs reste, pour l'organisme du régime agricole, un « enjeu prioritaire ».
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Il ne s’agit malheureusement pas d'une tendance nouvelle, mais les agriculteurs restent toujours davantage exposés au suicide. C’est ce qui ressort du rapport annuel « Charges et produits » de la Mutualité sociale agricole (MSA) pour 2026. Les données collectées proviennent du Système national des données de santé (SNDS). La période d’enquête, de 2019 à 2022, indique que le « surrisque suicidaire » est « de plus en plus marqué chez les actifs agricoles et reste toujours très élevé chez les non-salariés ».
Un « surrisque avéré » par rapport à l’ensemble des régimes
L’étude montre que « l’existence d’un surrisque du phénomène suicidaire au régime agricole est avérée par rapport à l’ensemble des régimes ». Par exemple, en 2022, le « risque suicidaire » des patients du régime agricole âgés de 15 à 64 ans est supérieur de 46 % à celui des patients tous régimes confondus. Chez les personnes âgées de 65 ans et plus, le risque s’élève à 52 % et est « cinq fois plus important chez les hommes que chez les femmes », précise la MSA. De plus, le « surrisque suicidaire » se trouve plus marqué chez les 80 ans et plus.
Dans son étude, la MSA a aussi analysé le parcours de soins dans l’année qui précède le décès par suicide. Chez les 15-64 ans, en cas de suicide, 79 % des personnes décédées n’avaient pas consulté l’année précédant leur suicide et 13 % s’étaient vues délivrer des psychotropes. Chez les 65 ans et plus, ces deux facteurs apparaissent de manière presque égale. Les assurés sous traitement psychotrope sont ainsi trois fois plus exposés. Quant à elles, les maladies psychiatriques augmentent le risque de suicide par 6,7.
« Ça soulage de savoir qu’on a le droit de dire 'je souffre' »
D’après le précédent rapport de la MSA sur le sujet, qui datait de 2016, dix agriculteurs mettent fin à leurs jours chaque semaine en France. De ce fait, le mal-être constitue un « enjeu prioritaire » pour la mutualité sociale agricole.
En novembre 2021, la sécurité sociale agricole a donc mis en place un réseau de sentinelles bénévoles et un service d’écoute appelé Agri’écoute (09 69 39 29 19), accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. En résumé, les sentinelles « repèrent, écoutent, évaluent, accompagnent et orientent ». Ils suivent une formation de trois jours, dispensée par des psychiatres, infirmiers ou psychologues qui a pour but de les aider à mieux repérer les personnes en difficulté psychologique. Les formations s’adressent aussi bien aux élus MSA, qu’aux exploitants ou salariés travaillant pour des organisations agricoles.
Délégué MSA, un rôle souvent méconnu (30/04/25)
En dehors du domaine agricole, quiconque ayant des pensées suicidaires est invité à composer le 3114, numéro national de prévention du suicide. Il est ouvert H24, 7 jours sur 7 et gratuit. Les personnes qui le composent trouveront au bout du fil des psychologues certifiés ou des infirmiers. « Ça soulage de savoir qu’on a le droit de dire 'je souffre' », témoigne Benjamin, agriculteur, sur le site du numéro 3114.
La Bretagne, un territoire plus à risque
Tous régimes de protection sociale confondus, selon un rapport de l’Observatoire national du suicide, publié en février 2025, la Bretagne est la première région concernant le taux de mortalité par suicide. Difficile d’identifier les raisons précises pouvant expliquer cette « surmortalité ». Dans ce territoire particulièrement rural, la crise dans le monde agricole est l’une des principales pistes pouvant expliquer ce fléau.
« Les facteurs de risque qui conduisent le plus souvent au suicide sont peut-être plus présents en Bretagne », constate Elisabeth Loret, responsable du programme prévention mal-être en agriculture pour la MSA Portes de Bretagne.
Parmi ces paramètres qui peuvent indiquer une vulnérabilité au suicide, on cite notamment l’isolement, les troubles de santé mentale, l’accès à des moyens létaux, la surcharge de travail ou encore la précarité économique. Dans son étude de 2025, l’Observatoire national du suicide, affirme que les populations les plus confrontées au « risque suicidaire » sont les « jeunes », les « plus de 65 ans » et le « public agricole ».
« On ne se suicide jamais pour une seule raison »
Elisabeth Loret l’assure : « On ne se suicide jamais pour une seule raison. Les raisons conduisant aux idées suicidaires sont multiples et multifactorielles ». Pour lutter contre le « risque suicidaire », la MSA se veut « très à l’écoute » des agriculteurs.
Pour ce faire, en Ille-et-Vilaine et dans le Morbihan, 28 travailleurs sociaux de la « sécu agricole » travaillent quotidiennement en réseau avec des médecins du travail et plusieurs professionnels de santé locaux. Des professionnels du social et du monde agricole sont aussi sollicités.
« Parler du suicide ce n’est pas tabou du tout, martèle la responsable du programme prévention mal-être en agriculture. L’idée c’est de communiquer le plus possible sur le sujet pour permettre aux agriculteurs et aux salariés de l’agriculture de solliciter de l’aide pour aller mieux. »
Dans certaines situations, la MSA propose aussi des aides au répit à ses assurés. « Préconisées par un travailleur social, elles peuvent prendre plusieurs formes : des entretiens chez un psychologue ou encore le remplacement de l’exploitant. Nous pouvons aussi leur mettre à disposition un soutien administratif », développe Elisabeth Loret.
Par ailleurs, en cas d’arrêt de travail, un travailleur social peut accompagner l’exploitant. Dans ce cas, selon les besoins de l’agriculteur, des aides financières sont alors possibles.
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